L'amour est-il une drogue ?

Publié le par - Mise à jour de l'article le dramatic.fr

Infirmière seringue d'amour

Andreas Bartels et Semir Zeki de l’University College de Londres ont réussi à localiser l’amour, qu’ils assimilent à un type particulier d’activité cérébrale.

Ils ont recruté 17 volontaires (11 femmes et 6 hommes) dont la seule caractéristique devait être « d’être follement amoureux ». Après avoir utilisé un détecteur de mensonges pour vérifier les émotions des amoureux affirmés, l’équipe a montré des photos de l’être aimé ou celles d’un ami du même sexe que leur partenaire. Alors que les photos d’amis n’ont provoqué aucun effet sensible, la vue de leur conjoint a activé quatre parties du cerveau inactives en temps normal. Ceci permet d'expliquer l'état de dépendance dans lequel tombent souvent les amoureux : les zones révélées par le scanner du cerveau sont les mêmes que celles qui sont activées dans les états d'euphorie générés par des drogues telles que la cocaïne.

Tout ne serait-il que chimie ?

Plusieurs expériences ont été réalisées et ont démontré les causes biologiques et chimiques de l’amour. Celui-ci serait piloté par des neurotransmetteurs fonctionnant exactement comme des drogues :


- La sérotonine :


Donatella Marazziti, une psychiatre de l'Université de Pise, en Italie a trouvé des ressemblances troublantes entre l'état physique et émotionnel des amoureux et celui des gens frappés d'une maladie mentale connue sous le nom de désordre obsessif compulsif.

L'esprit des personne obsessives compulsives est rempli d'anxiété et de pensées obsédantes. Elles se sentent souvent obligées de refaire sans arrêt les mêmes choses. Les amoureux présentent des traits semblables lorsqu'ils pensent sans cesse à la personne qu'ils aiment.

Donatella Marazziti a démontré que le cerveau des personnes obsessives compulsives présentait un taux anormalement bas de sérotonine, un neurotransmetteur qui gère et régularise l'humeur. Hors, les 20 étudiants éperdus d'amour qu'elle a examiné présentaient la même teneur anormalement basse en sérotonine (-40%) qu'un groupe de 20 personnes souffrant de TOC (troubles obsessionnels compulsifs).

De plus, le noyau caudé, dans le cerveau, est hyperactif à la fois chez les amoureux et chez les personnes victimes de TOC. Mais au bout d'un an, dans tous les cas, le taux de sérotonine était revenu à un niveau normal...et l'attrait que les amoureux éprouvaient pour leur partenaire avait également perdu son caractère obsessif.

- La phényléthylamine :


Lorsqu'on devient amoureux, on produit une grande quantité de PEA (phényléthylamine), une hormone de la classe des amphétamines que l'organisme produit naturellement, ce qui entraîne des effets semblables à ceux causés par certaines drogues excitantes (psychostimulants). La PEA provoque de l'euphorie et une certaine hyperactivité. C'est la raison pour laquelle on peut passer des nuits à parler et à faire l'amour.

Selon les experts, cette période d'allégresse peut aller jusqu'à six ans. Peu à peu, l'organisme s'habitue à la PEA. La passion et le sentiment d'allégresse s'atténue. Pour les « accros » à la PEA, c'est souvent la fin du couple. Ils préféreront chercher de conquête en conquête les effets euphorisants de la PEA.

On note d'ailleurs qu'une déficience en PEA est retrouvée chez 60% des personnes dépressives tandis qu’une supplémentation en PEA soulage les symptômes de la dépression chez 60% des malades.

On pense que les « accros » à la PEA sont victimes d’un déséquilibre dans le cerveau, provoquant une faim obsessionnelle de PEA (comme avec une drogue). Menés par un appétit chimique, ils choisissent des partenaires qui ne leur conviennent pas et le lien noué ainsi se dénoue vite. Ils subissent alors un état de manque dont ils essaient de se sortir en tombant de nouveau amoureux. Ces drogués de l'amour vont de coup de foudre en coup de foudre à la recherche de l'excitation déclenchant la production de PEA..

Selon Robert Gellman (psychiatre) « le passionné est un névrosé prisonnier du manque, vivant dans le regret de ce qui fut et l'attente de ce qui n'est pas encore ». Lorsqu’on administre à ces accros de la séduction des antidépresseurs susceptibles de débloquer le PEA, on constate que cette thérapie est efficace. N’étant plus en manque de PEA, les patients peuvent choisir leurs partenaires avec plus de calme et de réalisme.

- La dopamine :


L'action de la PEA stimule également le relâchement de la dopamine, un neurotransmetteur qui agit sur plusieurs processus physiques et psychologiques. La dopamine est entre autres intimement liée au système limbique, une zone du cerveau qui est le siège des émotions. Elle permet de renforcer certains comportements qui nous apportent du plaisir et de la satisfaction. Lorsqu'un événement est plus heureux que ce que l'on espère, la dopamine émet un signal de bonheur dont les effets euphorisants nous poussent à répéter l'expérience. On voudrait être toujours ensemble, on se téléphone dix fois par jour, on voudrait que ça dure toujours (à noter que le blocage des effets de la dopamine dans le cerveau des campagnols des champs a pour résultat de les séparer de leur femelle).

Le taux de libération de la dopamine serait une sorte de « baromètre de l'humeur », selon l'expression du biologiste Hervé Simon, de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). En fait, toute expérience qui procure du plaisir et entraine une dépendance (déguster du chocolat, faire l'amour, gagner au jeu, etc.) se traduit par une décharge de dopamine dans le noyau accumbens du cerveau.

Pour de nombreux biologistes, cette molécule qui surgit dès lors qu'il est question de désir et de plaisir, est au cœur de ce qu'on appelle aujourd'hui les « comportements de dépendance ». Ses effets sur le comportement seraient si puissants qu'elle serait responsable, chez certaines personnes, de la perte de contrôle caractéristique de la grande toxicomanie. Pour faire monter leur taux de dopamine, les drogués consommeraient n'importe quel produit, au risque de mettre en péril leur équilibre physique, psychique et social.

Plus les scientifiques avancent dans l'étude des drogues et de leur étrange action sur le cerveau, plus il apparaît que la dopamine joue un rôle spécifique, comme si elle était la cible privilégiée des narcotiques les plus divers. Alcool, cannabis, héroïne, cocaïne, médicaments psychotropes, ecstasy, LSD, etc. : tous ces produits influent sur la dopamine en augmentent sa production ou en empêchant sa dégradation dans le cerveau.

- La lulibérine :


Chez les humains, la sécrétion de lulibérine dans l'hypophyse exacerbe le désir et la recherche de nombreux partenaires.

- Les endorphines :


Avec le temps l'organisme développe une tolérance à la PEA et ne procure plus les effets que l'on connaissait au début de la relation, le cerveau commence à produire d'autres hormones : les endorphines (ou enképhalines). Ce sont des opiacés, semblables à la morphine (drogues calmante, sédative), qui font diminuer l'amour-passion et se développer l'amour-attachement. Ces endorphines apportent le calme, soulagent la douleur et réduisent l'anxiété. Le sentiment de bien-être qu'elles procurent se traduit par une relation affective très forte que l'on ne veut pas interrompre. C'est l'amour attachement, l'harmonie complète. Un bonheur tranquille qui peut durer des années, si on passe à travers le sevrage de phényléthylamine.

A noter que les enképhalines régulent l'activité des neurones à noradrénaline. Si le taux d'enképhalines baisse, la noradrénaline afflue, provoquant un malaise généralisé. C'est ce qui cause les symptômes du manque. Et ceci est aussi bien valable pour un drogué qui est privé de son produit que pour un amoureux qui est privé de la personne qu'il aime (chagrin d'amour).

- L’ocytocine :


Sécrétée par la glande pituitaire, il y a aussi l’ocytocine. Ce neurotransmetteur est libéré dans le cerveau et dans le système reproductif chaque fois que nous touchons quelqu'un que nous aimons. On sait qu'elle augmente notre sensibilité au toucher et nous porte au rapprochement et aux étreintes (elle augmenterait également l'altruisme). C'est une sorte de "colle hormonale" qui nous garde ensemble longtemps après l'épuisement de la phényléthylamine. Le toucher demeure donc, pour les deux partenaires, la meilleure façon de conserver le niveau d'oxytocine nécessaire pour faire durer le couple.

Chez certains rongeurs, comme les campagnols de montagne qui vivent une vie isolée, une injection d’ocytocine les incite à se rapprocher de leurs congénères et à s’accoupler. Chez les femelles ça les incite plutôt à se lier d'amitié avec d'autres femelles, ou, si l'injection a lieu dans le noyau acumbens, ça les incite à la monogamie (idem chez les brebis). Une série d’injections a un effet calmant anti-stress qui persiste longtemps. La sécrétion d’ocytocine est souvent associée à celle de sérotonine et elles semblent agir de concert pour refouler la souffrance.

Des études ont également montré que l'ocytocine était en action lorsque des gens étaient en relation de confiance avec d'autres personnes. Cette molécule les incitait à coopérer. Au contraire, dans les relations empreintes de méfiance, c'est l'hormone dihydrotestostérone (DHT) qui est sécrétée, et qui favorise la recherche de confrontations agressives.

Chez les souris on remarque aussi que l'ocytocine incite les femelles à s'intéresser préférentiellement aux mâles qui ont déjà eu du succès auprès des autres femelles.

Lorsque quelqu’un nous manque, c’est peut-être parce que nos réserves de sérotonine diminuent à cause de la séparation. Nous ne pouvons plus nous passer de l’autre et devenons dépendants car nous en avons besoin pour redevenir normal. Quand les taux sont faibles, il y a moins d’attachement émotionnel ; quand ils sont élevés, il y a détente et démonstration d’affection et attachement.

- La vasopressine :


Chez les campagnols mâles une injection de vasopressine dans le pallidum ventral les porte à la monogamie et à la fidélité alors que ce sont des animaux habituellement solitaires. La même injection dans l'amygdale médian les porte à s'occuper des jeunes comme le ferait une femelle.

Chez les humains aussi la vasopressine entraine l'attachement aux enfants.

La réaction chimique initiale


Ainsi l'amour, ce sentiment dévorant qui nous fait passer de l'extase au désespoir, de l'euphorie à l'agonie, ne serait qu'affaire de chimie ? La machinerie est tellement complexe qu'elle laisse une grande part à l'inconnu et à une certaine magie : l'amour et le désir demeurent des expériences mystérieuses, et aucune science n'a encore réussi à déterminer l'élément déclencheur de la réaction chimique initiale.

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