Khidr et les trois disciples :
Khidr est le guide caché des soufis qui erre de par le monde sous de multiples déguisements, s'efforçant d'aider les hommes. Un jour, Khidr rencontra un homme pieux et lui dit :
« Que puis-je faire pour toi ?
— Ne fais rien pour moi, dit le dévot. Mais si tu rencontres mes disciples au cours de tes voyages, aide-les. »
Khidr lui demanda :
« Comment les reconnaîtrai-je ?
— À leur nom, dit l'homme pieux, je vais te donner leur nom...
— Nous autres, habitants du monde invisible, dit Khidr, nous ne reconnaissons pas les gens à leur nom, mais à leurs qualités.
— Ça n'est pas un problème, dit l'homme pieux : je peux énoncer les qualités de mes trois disciples. Le premier est charitable, le second est sobre, le troisième est maître de lui. »
Khidr promit par ces mots :
« En tant que membre du gouvernement invisible, c'est de toute façon ma tâche de venir en aide à ces gens-là. »
Peu après, Khidr rencontra un homme sans ressources et le vit donner son dernier sou à une femme méritante. Khidr passa son chemin sans l'aider. Puis il s'arrêta un instant écouter un homme prêcher l'abstinence et prier Dieu de l'aider dans ses travaux. Khidr ne fit rien pour lui. Enfin, il vit un homme bondir de joie à la pensée d'être vivant alors même qu'il était affligé d'une terrible infirmité. Khidr ne vint pas vers lui.
Il parcourut la terre. Ce voyage achevé, il retrouva l'homme pieux, qui lui dit :
« Ton chemin a-t-il croisé celui de mes disciples, et les as-tu aidés ?
— Il m'a fallu aider, répondit Khidr, parmi tous ceux que j'ai rencontrés, ceux qui méritaient de l'être. Mais je n'ai remarqué personne qui corresponde à ta description.
— Veux-tu me décrire ceux que tu n'as pas pu aider ? » demanda le dévot.
Khidr lui parla des trois hommes.
« Mais ce sont mes trois disciples ! s'exclama le dévot.
— Si c'est là ce que tu leur as enseigné, dit Khidr, peut-être es-tu pieux, mais tu fais assurément fausse route. Le premier des trois a donné son dernier sou, et cela lui a fait plaisir de le donner : il a été aussitôt payé de retour. Il n'est pas charitable. Le second était abstinent, mais seulement en certains domaines : il était avide de convertir autrui et d'obtenir la faveur divine, et ne s'abstenait pas de cette avidité. Quant au troisième, il est peut-être maître de ceci ou de cela, mais il n'est certainement pas maître de lui. »
« Que puis-je faire pour toi ?
— Ne fais rien pour moi, dit le dévot. Mais si tu rencontres mes disciples au cours de tes voyages, aide-les. »
Khidr lui demanda :
« Comment les reconnaîtrai-je ?
— À leur nom, dit l'homme pieux, je vais te donner leur nom...
— Nous autres, habitants du monde invisible, dit Khidr, nous ne reconnaissons pas les gens à leur nom, mais à leurs qualités.
— Ça n'est pas un problème, dit l'homme pieux : je peux énoncer les qualités de mes trois disciples. Le premier est charitable, le second est sobre, le troisième est maître de lui. »
Khidr promit par ces mots :
« En tant que membre du gouvernement invisible, c'est de toute façon ma tâche de venir en aide à ces gens-là. »
Peu après, Khidr rencontra un homme sans ressources et le vit donner son dernier sou à une femme méritante. Khidr passa son chemin sans l'aider. Puis il s'arrêta un instant écouter un homme prêcher l'abstinence et prier Dieu de l'aider dans ses travaux. Khidr ne fit rien pour lui. Enfin, il vit un homme bondir de joie à la pensée d'être vivant alors même qu'il était affligé d'une terrible infirmité. Khidr ne vint pas vers lui.
Il parcourut la terre. Ce voyage achevé, il retrouva l'homme pieux, qui lui dit :
« Ton chemin a-t-il croisé celui de mes disciples, et les as-tu aidés ?
— Il m'a fallu aider, répondit Khidr, parmi tous ceux que j'ai rencontrés, ceux qui méritaient de l'être. Mais je n'ai remarqué personne qui corresponde à ta description.
— Veux-tu me décrire ceux que tu n'as pas pu aider ? » demanda le dévot.
Khidr lui parla des trois hommes.
« Mais ce sont mes trois disciples ! s'exclama le dévot.
— Si c'est là ce que tu leur as enseigné, dit Khidr, peut-être es-tu pieux, mais tu fais assurément fausse route. Le premier des trois a donné son dernier sou, et cela lui a fait plaisir de le donner : il a été aussitôt payé de retour. Il n'est pas charitable. Le second était abstinent, mais seulement en certains domaines : il était avide de convertir autrui et d'obtenir la faveur divine, et ne s'abstenait pas de cette avidité. Quant au troisième, il est peut-être maître de ceci ou de cela, mais il n'est certainement pas maître de lui. »
Khidr et les trois hommes :
Il était une fois trois hommes que Khidr devait mettre à l'épreuve. Le premier était atteint d'un terrible mal. Khidr alla vers lui.
— Que veux-tu ? lui dit-il
— Je souffre, je voudrais être soulagé.
— Et quoi d'autre ?
— Je voudrais avoir de l'argent, et du succès.
Khidr lui accorda les deux souhaits.
Ayant entendu les supplications d'un deuxième homme, Khidr alla vers lui et lui dit :
— Que veux-tu ?
— Je ne veux qu'une chose, dit cet homme : que mon ami et conseiller, que ses ennemis ont capturé et torturent, soit libéré, car il est sur le point de mourir.
— Et que veux-tu encore ?
— Je voudrais avoir du bien, pour être respecté de mes semblables.
Khidr lui accorda ses deux souhaits.
Puis Khidr alla vers le troisième homme, qui désirait très fort quelque chose.
— Que veux-tu ? lui dit-il
— Je veux que mes enfants soient protégés, car ils vivent dans la peur et la terreur.
— Et que veux-tu encore ?
— Je veux le prestige, afin d'imposer le respect et d'avoir une vie sans problèmes.
Khidr lui accorda ce qu'il voulait.
Des années plus tard, Khidr revint voir ce que les trois hommes avaient fait de leur vie, et comment ils vivaient la vie.
Il se présenta chez le premier, revêtu d'un déguisement.
— Je suis un pauvre voyageur, dit-il, j'ai besoin d'aide et d'argent pour atteindre ma destination. J'ai encore une grande distance à parcourir, et tu es mon dernier recours.
— Tu me prends pour un banquier ! s'exclama le premier homme. Car il avait tout fait pour oublier le temps où il n'était lui-même qu'un indigent.
Je ne peux rien te donner… À moins que tu puisses m'aider, parce que ces dernières années, bien que j'aie de l'argent, je me suis mis à boiter.
— Tu ne te souviens pas de moi ? insista Khidr
— Non, fit l'homme, je ne me souviens pas de toi. Va-t-en !
Alors Khidr alla voir le deuxième homme, qui était dans une situation prospère.
— Je suis un pauvre voyageur, lui dit-il, j'ai besoin de ton aide, car beaucoup sont dépendants de moi, et je dois atteindre ma destination ; je pourrai les aider par mon travail quand j'y serai parvenu.
— Mais tu n'appartiens pas à la même communauté que moi, fit remarquer le deuxième homme. Je ne peux aider que mes frères, ceux qui obéissent aux lois auxquelles j'obéis. Pourquoi devrais-je te secourir ?
Khidr se remit en route. Il arriva bientôt à la porte du troisième homme.
— Il se peut que tu m'aies oublié, dit-il. Un jour, je t'ai aidé : tu voulais protection pour tes enfants, et tu désirais aussi inspirer le respect et réussir dans la vie.
— L'homme le regarda avec attention.
— Je n'ai aucun souvenir de cette affaire, dit-il enfin ; car il avait tout oublié.
Mais je veux bien t'aider : pourquoi donc ne devrais-je donner qu'en paiement d'une dette ou dans l'attente d'un profit personnel !
Un théoricien de la tradition soufie, superficiel et moralisateur, qui se trouvait là, s'en prit à Khidr et l'injuria sans ménagement.
« cet homme est mon ami, et c'est manifestement un Saint, lança-t-il. Tu a entendu ce qu'il a dit ? Tu devrais avoir honte d'avoir tenté de manipuler ses sentiments comme tu l'as fait…»
— Que veux-tu ? lui dit-il
— Je souffre, je voudrais être soulagé.
— Et quoi d'autre ?
— Je voudrais avoir de l'argent, et du succès.
Khidr lui accorda les deux souhaits.
Ayant entendu les supplications d'un deuxième homme, Khidr alla vers lui et lui dit :
— Que veux-tu ?
— Je ne veux qu'une chose, dit cet homme : que mon ami et conseiller, que ses ennemis ont capturé et torturent, soit libéré, car il est sur le point de mourir.
— Et que veux-tu encore ?
— Je voudrais avoir du bien, pour être respecté de mes semblables.
Khidr lui accorda ses deux souhaits.
Puis Khidr alla vers le troisième homme, qui désirait très fort quelque chose.
— Que veux-tu ? lui dit-il
— Je veux que mes enfants soient protégés, car ils vivent dans la peur et la terreur.
— Et que veux-tu encore ?
— Je veux le prestige, afin d'imposer le respect et d'avoir une vie sans problèmes.
Khidr lui accorda ce qu'il voulait.
Des années plus tard, Khidr revint voir ce que les trois hommes avaient fait de leur vie, et comment ils vivaient la vie.
Il se présenta chez le premier, revêtu d'un déguisement.
— Je suis un pauvre voyageur, dit-il, j'ai besoin d'aide et d'argent pour atteindre ma destination. J'ai encore une grande distance à parcourir, et tu es mon dernier recours.
— Tu me prends pour un banquier ! s'exclama le premier homme. Car il avait tout fait pour oublier le temps où il n'était lui-même qu'un indigent.
Je ne peux rien te donner… À moins que tu puisses m'aider, parce que ces dernières années, bien que j'aie de l'argent, je me suis mis à boiter.
— Tu ne te souviens pas de moi ? insista Khidr
— Non, fit l'homme, je ne me souviens pas de toi. Va-t-en !
Alors Khidr alla voir le deuxième homme, qui était dans une situation prospère.
— Je suis un pauvre voyageur, lui dit-il, j'ai besoin de ton aide, car beaucoup sont dépendants de moi, et je dois atteindre ma destination ; je pourrai les aider par mon travail quand j'y serai parvenu.
— Mais tu n'appartiens pas à la même communauté que moi, fit remarquer le deuxième homme. Je ne peux aider que mes frères, ceux qui obéissent aux lois auxquelles j'obéis. Pourquoi devrais-je te secourir ?
Khidr se remit en route. Il arriva bientôt à la porte du troisième homme.
— Il se peut que tu m'aies oublié, dit-il. Un jour, je t'ai aidé : tu voulais protection pour tes enfants, et tu désirais aussi inspirer le respect et réussir dans la vie.
— L'homme le regarda avec attention.
— Je n'ai aucun souvenir de cette affaire, dit-il enfin ; car il avait tout oublié.
Mais je veux bien t'aider : pourquoi donc ne devrais-je donner qu'en paiement d'une dette ou dans l'attente d'un profit personnel !
Un théoricien de la tradition soufie, superficiel et moralisateur, qui se trouvait là, s'en prit à Khidr et l'injuria sans ménagement.
« cet homme est mon ami, et c'est manifestement un Saint, lança-t-il. Tu a entendu ce qu'il a dit ? Tu devrais avoir honte d'avoir tenté de manipuler ses sentiments comme tu l'as fait…»
Khidr et Mojud :
Mojud était un petit fonctionnaire tranquille promis à un avenir tout tracé d'inspecteur des Poids et Mesures. Or, un jour, qu'il traversait les Jardins de la Préfecture, le Khidr (à qui l'on ne pose jamais de question) Al Khadir, l'Homme à la Tunique verte, lui apparaît.
« — Homme à la vie sans histoire, laisse là ta carrière et dans trois jours retrouve-moi au bord du fleuve »
Puis, comme il est venu, il part.
Mojud, inquiet et troublé, va prévenir son chef qu'il va quitter le service. Quand la nouvelle se répand, chacun pense que Mojud est fou. Mais comme il laisse ainsi sa place, chacun se fait bien à cette idée.
Et Mojud, au jour dit, retrouve Al Khadir qui l'attend au bord du fleuve.
« — Déshabille-toi et jette-toi à l'eau. Peut-être que quelqu'un te sauvera ? »
Mojud se traite de fou, mais fait ainsi. Il sait nager, donc, il ne se noie pas, mais le courant l'entraîne très loin avant qu'un pêcheur le voie suffoquant, et le tire dans sa barque.
« Le courant est violent et aurait tout aussi bien pu t'emporter. Qu'est-ce que tu voulais faire ?
— Je ne sais pas, au juste.
— Tu dois quand même être un peu fou, mais viens dans ma cabane de roseaux, on verra bien ce qu'on peut faire de toi. »
Comme Mojud avait de l'instruction, le pêcheur apprend avec lui à lire et à écrire. En échange, Mojud est nourri, et dans la journée, il l'aide.
Tout va ainsi quelques mois, jusqu'au jour où Al Khadir est là, en pleine nuit au pied du lit de Mojud.
« Lève-toi et quitte ce pêcheur. Tu recevras l'essentiel »
Mojud se lève, quitte la cabane et marche jusqu'à la grande route. Au lever du jour, il rencontre un fermier qui va au marché.
« Tu cherches un travail ? J'ai besoin de quelqu'un pour m'aider à trimballer mes ballots »
Mojud le suit et travaille deux ans pour ce fermier, juste le temps d'apprendre un peu l'agriculture.
Comme il est là un après midi à trier de la toison, Al Khadir apparaît à nouveau.
« Quitte ce travail et va à Mossoul. Avec tes économies, installe-toi marchand de peau »
Et Mojud obéit.
A Mossoul, il s'installe et devient un marchand de peaux apprécié et reconnu. Il ne voit plus Al Khadir pendant trois ans. Son affaire fructifie et il pense s'acheter une maison, quand l'Homme Vert est soudain devant lui :
« Donne-moi cet argent, sors de la ville et va jusqu'à Samarkande. Là, tu travailleras pour un épicier. »
Ainsi fait Mojud.
Il aide à la boutique, commence à guérir les malades, et sa connaissance des mystères devient plus subtile. Des savants, des philosophes, des érudits de toutes sortes viennent le voir.
« — Chez qui as-tu étudié ?
— C'est-à-dire, c'est difficile. »
Des disciples arrivent et lui demandent :
« — Comment as-tu commencé ta carrière ?
— Comme petit fonctionnaire.
— As-tu renoncé pour te consacrer à ton développement personnel ?
— Non, j'ai simplement renoncé »
Ils ne comprennent pas.
Certains veulent le rencontrer pour écrire l'histoire de sa vie.
« — Qu'as-tu fait dans ta vie ?
— J'ai sauté dans un fleuve, puis je suis devenu pêcheur, puis j'ai quitté la cabane de roseaux au milieu de la nuit, puis je suis devenu ouvrier agricole.
Alors que je rassemblais de la laine en ballot, j'ai tout laissé et suis allé à Mossoul où je suis devenu marchand de peaux, j'ai fait des économies mais je les ai données, puis je suis allée à Samarkande où j'ai travaillé comme épicier. Et c'est là que je suis maintenant.
— Mais… cette vie inexplicable ne dit pas comment ni pourquoi tu as acquis ces dons étranges ?
— C'est ainsi » dit Mojud.
Alors, les biographes auréolent Mojud d'une légende merveilleuse et fascinante, car tous les Saints doivent avoir une histoire pour nourrir nos appétits d'explications. Mais comme il n'est pas permis de parler directement d'Al Khadir, du Khidr, de l'Homme Vert, cette histoire n'est peut-être même pas vraie.
« — Homme à la vie sans histoire, laisse là ta carrière et dans trois jours retrouve-moi au bord du fleuve »
Puis, comme il est venu, il part.
Mojud, inquiet et troublé, va prévenir son chef qu'il va quitter le service. Quand la nouvelle se répand, chacun pense que Mojud est fou. Mais comme il laisse ainsi sa place, chacun se fait bien à cette idée.
Et Mojud, au jour dit, retrouve Al Khadir qui l'attend au bord du fleuve.
« — Déshabille-toi et jette-toi à l'eau. Peut-être que quelqu'un te sauvera ? »
Mojud se traite de fou, mais fait ainsi. Il sait nager, donc, il ne se noie pas, mais le courant l'entraîne très loin avant qu'un pêcheur le voie suffoquant, et le tire dans sa barque.
« Le courant est violent et aurait tout aussi bien pu t'emporter. Qu'est-ce que tu voulais faire ?
— Je ne sais pas, au juste.
— Tu dois quand même être un peu fou, mais viens dans ma cabane de roseaux, on verra bien ce qu'on peut faire de toi. »
Comme Mojud avait de l'instruction, le pêcheur apprend avec lui à lire et à écrire. En échange, Mojud est nourri, et dans la journée, il l'aide.
Tout va ainsi quelques mois, jusqu'au jour où Al Khadir est là, en pleine nuit au pied du lit de Mojud.
« Lève-toi et quitte ce pêcheur. Tu recevras l'essentiel »
Mojud se lève, quitte la cabane et marche jusqu'à la grande route. Au lever du jour, il rencontre un fermier qui va au marché.
« Tu cherches un travail ? J'ai besoin de quelqu'un pour m'aider à trimballer mes ballots »
Mojud le suit et travaille deux ans pour ce fermier, juste le temps d'apprendre un peu l'agriculture.
Comme il est là un après midi à trier de la toison, Al Khadir apparaît à nouveau.
« Quitte ce travail et va à Mossoul. Avec tes économies, installe-toi marchand de peau »
Et Mojud obéit.
A Mossoul, il s'installe et devient un marchand de peaux apprécié et reconnu. Il ne voit plus Al Khadir pendant trois ans. Son affaire fructifie et il pense s'acheter une maison, quand l'Homme Vert est soudain devant lui :
« Donne-moi cet argent, sors de la ville et va jusqu'à Samarkande. Là, tu travailleras pour un épicier. »
Ainsi fait Mojud.
Il aide à la boutique, commence à guérir les malades, et sa connaissance des mystères devient plus subtile. Des savants, des philosophes, des érudits de toutes sortes viennent le voir.
« — Chez qui as-tu étudié ?
— C'est-à-dire, c'est difficile. »
Des disciples arrivent et lui demandent :
« — Comment as-tu commencé ta carrière ?
— Comme petit fonctionnaire.
— As-tu renoncé pour te consacrer à ton développement personnel ?
— Non, j'ai simplement renoncé »
Ils ne comprennent pas.
Certains veulent le rencontrer pour écrire l'histoire de sa vie.
« — Qu'as-tu fait dans ta vie ?
— J'ai sauté dans un fleuve, puis je suis devenu pêcheur, puis j'ai quitté la cabane de roseaux au milieu de la nuit, puis je suis devenu ouvrier agricole.
Alors que je rassemblais de la laine en ballot, j'ai tout laissé et suis allé à Mossoul où je suis devenu marchand de peaux, j'ai fait des économies mais je les ai données, puis je suis allée à Samarkande où j'ai travaillé comme épicier. Et c'est là que je suis maintenant.
— Mais… cette vie inexplicable ne dit pas comment ni pourquoi tu as acquis ces dons étranges ?
— C'est ainsi » dit Mojud.
Alors, les biographes auréolent Mojud d'une légende merveilleuse et fascinante, car tous les Saints doivent avoir une histoire pour nourrir nos appétits d'explications. Mais comme il n'est pas permis de parler directement d'Al Khadir, du Khidr, de l'Homme Vert, cette histoire n'est peut-être même pas vraie.
Khidr et Edhem :
Le grand Sûfî Ibrahim Edhem avait commencé par occuper le rang de pâdichâh dans la ville de Balkh, et les richesses de beaucoup de principautés affluaient chez lui. Une nuit qu'il était couché, il entendit soudain sur le toit de son palais un bruit de pas.
« Qui est-tu, s'écria-t-il, toi qui marches sur ce toit ? »
Il entendit qu'on lui répondait :
« — J'ai perdu un chameau et je suis à sa recherche sur ce toit.
— Mais, sot que tu es, tu as donc perdu la raison pour aller chercher un chameau sur un toit !
— Et toi donc, homme imprévoyant, lui répondit soudain une voix, c'est couché sur un trône d'or que tu cherches le Seigneur très haut ! Voilà qui est bien plus étrange que de chercher ce chameau sur le toit. »
A ces paroles la crainte envahit le cœur d'Ibrahim, qui se leva et s'adonna aux exercices de piété jusqu'aux premiers rayons de l'aurore. Le lendemain matin il s'assit sur son trône, autour duquel se placèrent, chacun à son rang, comme ils le faisaient chaque jour, tous les grands de son royaume et ses gardes. Tout à coup Ibrahim aperçut au milieu de la foule un personnage majestueux et de haute taille qui s'avançait sans être visible pour les huissiers et les gardes. Lorsqu'il fut arrivé près d'Ibrahim, celui-ci lui demanda :
« — Qui est-tu et que viens-tu chercher ici ?
— Je suis étranger, répondit-il, et je viens descendre dans cette hôtellerie.
— Mais ce n'est pas une hôtellerie, observa Ibrahim, c'est ma propre maison.
— A qui appartenait-elle avant toi ?
— A mon père.
— Et avant ton père, à qui était-elle ?
— A mon grand-père.
— Et tes ancêtres, où sont-ils maintenant ?
— Ils sont morts.
— Eh bien, n'est-ce pas une hôtellerie que cette maison, où ceux qui s'en vont sont remplacés par ceux qui arrivent ? »
Et, après avoir ainsi parlé, il se retira. Ibrahim se levant courut après ce personnage et lui dit :
« Arrête ! au nom du Seigneur très haut. »
Lui s'arrêta.
« Qui es-tu, lui demanda Ibrahim, toi qui as allumé le feu dans mon âme ?
— Je suis l'ange Khizr ; ô Ibrahim ! il est temps de t'éveiller. »
Et il disparut.
« Qui est-tu, s'écria-t-il, toi qui marches sur ce toit ? »
Il entendit qu'on lui répondait :
« — J'ai perdu un chameau et je suis à sa recherche sur ce toit.
— Mais, sot que tu es, tu as donc perdu la raison pour aller chercher un chameau sur un toit !
— Et toi donc, homme imprévoyant, lui répondit soudain une voix, c'est couché sur un trône d'or que tu cherches le Seigneur très haut ! Voilà qui est bien plus étrange que de chercher ce chameau sur le toit. »
A ces paroles la crainte envahit le cœur d'Ibrahim, qui se leva et s'adonna aux exercices de piété jusqu'aux premiers rayons de l'aurore. Le lendemain matin il s'assit sur son trône, autour duquel se placèrent, chacun à son rang, comme ils le faisaient chaque jour, tous les grands de son royaume et ses gardes. Tout à coup Ibrahim aperçut au milieu de la foule un personnage majestueux et de haute taille qui s'avançait sans être visible pour les huissiers et les gardes. Lorsqu'il fut arrivé près d'Ibrahim, celui-ci lui demanda :
« — Qui est-tu et que viens-tu chercher ici ?
— Je suis étranger, répondit-il, et je viens descendre dans cette hôtellerie.
— Mais ce n'est pas une hôtellerie, observa Ibrahim, c'est ma propre maison.
— A qui appartenait-elle avant toi ?
— A mon père.
— Et avant ton père, à qui était-elle ?
— A mon grand-père.
— Et tes ancêtres, où sont-ils maintenant ?
— Ils sont morts.
— Eh bien, n'est-ce pas une hôtellerie que cette maison, où ceux qui s'en vont sont remplacés par ceux qui arrivent ? »
Et, après avoir ainsi parlé, il se retira. Ibrahim se levant courut après ce personnage et lui dit :
« Arrête ! au nom du Seigneur très haut. »
Lui s'arrêta.
« Qui es-tu, lui demanda Ibrahim, toi qui as allumé le feu dans mon âme ?
— Je suis l'ange Khizr ; ô Ibrahim ! il est temps de t'éveiller. »
Et il disparut.
khidr et Idries Shah :
J'étais sur la rive de l'Oxus, lorsque j'ai vu un homme tomber à l'eau. Un autre homme, vêtu comme un derviche, s'est précipité a son secours. Il n'a réussi qu'à se faire emporter lui aussi par le courant. Soudain j'ai vu un troisième homme, portant un manteau d'un vert lumineux chatoyant, se jeter dans le fleuve. A l'instant même où il a heurté la surface de l'eau, sa forme a paru changer : ce n'était plus un homme mais un rondin. Les deux autres sont parvenus à s'y agripper et le diriger au bord. Je n'en pouvais croire mes yeux.
J'ai longé le fleuve, à quelque distance, me cachant derrière les buissons qui poussaient là. Les deux hommes se sont hissés, haletants, sur la berge. Le rondin allait à la dérive. Je l'ai observé : il a dérivé hors de la vue des rescapés, jusqu'au bord ; l'homme au manteau vert, trempé, s'est trainé à terre. L'eau ruisselait de son manteau. Avant que je n'arrive auprès de lui, il était presque sec. Je me suis jeté à ses pieds et me suis écrié :
« Tu ne peux être que la présence khidr, le vert, Maitre des saints. Donne-moi ta bénédiction, car je veux atteindre. »
Je n'osais pas toucher le manteau vert qui l'enveloppait car il semblait du feu. Il a dit :
« Tu en as trop vu. Sache que je viens d'un autre monde et que je protège à leur insu ceux qui ont tache a accomplir. Tu as beau avoir été le disciple de sayed imdadullah, tu n'es pas assez mur pour savoir ce que nous faisons pour l'amour de dieu. »
Quand j'ai levé les yeux, il avait disparu. L'air était remué comme par un vent impétueux. De retour du khotan, je l'ai vu de nouveau, dans un caravanserail des environs du pechaouar. J'étais peut-être immature la première fois, me suis-je dit. Cette fois je suis mur. J'ai saisi le pan de son manteau, un manteau très ordinaire, sous lequel j'ai cru voir quelque chose d'un vert éclatant.
« Peut-être es tu Khidr, lui ai-je dis, mais je veux savoir comme un homme – car tu l'apparence d'un homme ordinaire – peut accomplir pareil prodiges, et pourquoi il les accomplit. Enseigne-moi ton art que je puisse moi aussi le pratiquer. »
Il a rit et répondu :
« Mon fougueux ami, la première fois tu étais trop entêté, cette fois tu l'es encore trop. Continue comme cela, dis à tous ceux que tu rencontres que tu as vu Khidr elie, et l'on t'enverra à la maison de fous, et plus tu protesteras de ta bonne fois, plus solidement l'on t'enchainera ! »
Alors il a sorti de ses vêtements une petite pierre. Je l'ai fixée du regard. La paralysie a gagné mes membres. Je suis resté ainsi, pétrifié jusqu'à ce qu'il eut ramassé sa sacoche et se fut éloigné. Quand je raconte cette histoire, soit les gens rient, soit, me prenant pour un conteur, ils me font un présent.
J'ai longé le fleuve, à quelque distance, me cachant derrière les buissons qui poussaient là. Les deux hommes se sont hissés, haletants, sur la berge. Le rondin allait à la dérive. Je l'ai observé : il a dérivé hors de la vue des rescapés, jusqu'au bord ; l'homme au manteau vert, trempé, s'est trainé à terre. L'eau ruisselait de son manteau. Avant que je n'arrive auprès de lui, il était presque sec. Je me suis jeté à ses pieds et me suis écrié :
« Tu ne peux être que la présence khidr, le vert, Maitre des saints. Donne-moi ta bénédiction, car je veux atteindre. »
Je n'osais pas toucher le manteau vert qui l'enveloppait car il semblait du feu. Il a dit :
« Tu en as trop vu. Sache que je viens d'un autre monde et que je protège à leur insu ceux qui ont tache a accomplir. Tu as beau avoir été le disciple de sayed imdadullah, tu n'es pas assez mur pour savoir ce que nous faisons pour l'amour de dieu. »
Quand j'ai levé les yeux, il avait disparu. L'air était remué comme par un vent impétueux. De retour du khotan, je l'ai vu de nouveau, dans un caravanserail des environs du pechaouar. J'étais peut-être immature la première fois, me suis-je dit. Cette fois je suis mur. J'ai saisi le pan de son manteau, un manteau très ordinaire, sous lequel j'ai cru voir quelque chose d'un vert éclatant.
« Peut-être es tu Khidr, lui ai-je dis, mais je veux savoir comme un homme – car tu l'apparence d'un homme ordinaire – peut accomplir pareil prodiges, et pourquoi il les accomplit. Enseigne-moi ton art que je puisse moi aussi le pratiquer. »
Il a rit et répondu :
« Mon fougueux ami, la première fois tu étais trop entêté, cette fois tu l'es encore trop. Continue comme cela, dis à tous ceux que tu rencontres que tu as vu Khidr elie, et l'on t'enverra à la maison de fous, et plus tu protesteras de ta bonne fois, plus solidement l'on t'enchainera ! »
Alors il a sorti de ses vêtements une petite pierre. Je l'ai fixée du regard. La paralysie a gagné mes membres. Je suis resté ainsi, pétrifié jusqu'à ce qu'il eut ramassé sa sacoche et se fut éloigné. Quand je raconte cette histoire, soit les gens rient, soit, me prenant pour un conteur, ils me font un présent.
Récit oral turc de 1968 conservé à l'université de technologie du Texas :
Un autobus transportant des personnes allait d'Ankara à Samsun (sur la côte de la Mer Noire). J'étais un passager de cet autobus. Près de Havza, où nous traversions une forêt, un vieil homme a descendu un sentier vers la route et a agité sa main vers l'autobus. Le conducteur a arrêté et a demandé au vieil homme ce qu'il voulait. Le vieil homme semblait pauvre et il était habillé très minablement. Il a dit qu'il avait un enfant malade à la maison, en état critique, et il voulait le porter chez un médecin à Havza. Le conducteur a accepté d'attendre, et le vieil homme a dit qu'il reviendrait dans dix minutes, car sa maison n'était pas loin de la route.
Les dix minutes passées, il n'y avait toujours aucun signe du vieil homme et de l'enfant malade. Nous avons attendu encore dix minutes, mais personne ne venait. Alors plusieurs passagers ont dit que le vieil homme ne viendrait pas et ont invité le chauffeur de bus à redémarrer. Mais l'autobus n'a pas bougé, et le conducteur restait immobile. On a alors découvert qu'il avait eu une crise cardiaque et qu'il était mort.
De cette façon les vies de trente-cinq personnes ont été sauvées par Hizir (Khidr), qui avait retenu l'autobus pendant ces dix minutes cruciales.
Source : http://atil.ovh.org/noosphere/khidr.php
Les dix minutes passées, il n'y avait toujours aucun signe du vieil homme et de l'enfant malade. Nous avons attendu encore dix minutes, mais personne ne venait. Alors plusieurs passagers ont dit que le vieil homme ne viendrait pas et ont invité le chauffeur de bus à redémarrer. Mais l'autobus n'a pas bougé, et le conducteur restait immobile. On a alors découvert qu'il avait eu une crise cardiaque et qu'il était mort.
De cette façon les vies de trente-cinq personnes ont été sauvées par Hizir (Khidr), qui avait retenu l'autobus pendant ces dix minutes cruciales.
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