Utopie et religions

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Les utopies sont donc faites pour faire courir l’homme mais s’avèrent inaptes à le satisfaire ni a terme ni surtout sur le long terme, et c’est là que nous attendent les religions. Elles seules sont en mesure d’offrir des perspectives sublimes. En effet contrairement à notre imaginaire ou celui de nos auteurs, les religions n’ont plus à s’encombrer d’explications. Les mondes sans mal qu’elles nous proposent ne pourra être expérimenté que par des humains ayant perdu leur humanité, c'est-à-dire n’étant plus soumis aux exigences de la survie, à la convoitise et la concurrence qu’elles entrainent. Ce sont des rêves qui sont en dehors de toute expérimentation possible par le vivant, des illusions pour des chers disparus.


Les religions en nous faisant miroiter leurs paradis terrestres ou leurs nirvanas, nous promettent une société parfaite sans prendre le risque de nous en décrire la géométrie, l’espace, la véritable hiérarchie, les interdits, et surtout la simple quotidienneté, se contentant pour la plupart d’ânonner de redoutable niaiseries dignes des plus mauvais contes de fées. Là où l’utopie se soumet à la sanction de la raison et doit faire sans cesse ses preuves, la religion s’exonère de toute rationalité, laissant à la foi, la copine de saint Thomas qui permet de nous faire tout avaler, le soin de nous rendre heureux sans avoir vu. En résumé l’un se soumet à la critique l’autre la rejette en affichant l’infaillibilité du dogme.

Adeptes du mythe de l’éternel retour d’un âge d’or perdu dans les brumes d’un pécher originel, les religions promettent le retour de l’Eden perdu dans lequel le bonheur parfait existait, et où le loup et l’agneau vivaient en harmonie. Dans ce Disneyland symbolique où les dés sont pipés les animaux ne sont plus soumis aux exigences de la survie, tout leur étant donné en suffisance. Ils n’ont plus qu’à se glandouiller toute leur éternelle journée. Devant un tel programme nous en venons à regretter nos utopies qui bien que très imparfaites sentaient moins le rance que cette éternité béate qui nous promet le voisinage d’ennuyeux témoins de Jéhovah toujours en attente de fin du monde. Alors devant cette chronique d’un ennui annoncé que Dieu nous pardonne si nous préférons nos inquiétudes, nos angoisses, nos méchantes dystopies. Que dans sa supposée bonté il nous laisse jouer à son jeu de cache-vérité pour que nous puissions y occuper notre éternité, ou cette incongrue portion qu’il nous en offre, car au fond à y regarder de près nous pourrions trouver nos incertitudes bien moins désespérantes. Mais revenons à notre sujet.

En dehors de toute croyance sur le fond, les paradis et nirvana promis par nos religions, du moins celle du salut (sotériologies) ne sont pas des utopies, du fait même qu’elles échouent à satisfaire la condition première de notre définition, le conflit entre la réalité proposée et notre réalité. Or les religions régentent le monde de l'au-delà, un monde désincarné qui échappe totalement aux conditions de notre réalité, une science fiction qui nous propose une nouvelle réalité impossible à réaliser dans les conditions présentes.

Missions jésuites et utopie

Il est temps de revenir à nos jésuites. Il faut reconnaître que leur « réductions » ont battu des records de longévité.(150 ans). En créant ces missions ils ont installé un système socialiste et très avant-gardiste. Ils ont isolé les indiens pour les évangéliser mais aussi pour les protéger, mais surtout ils ont laissé à ces indiens une certaine autonomie, leur abandonnant en partie les commandes. Ils ont donc évité de figer de nouveaux modèles hiérarchiques en conservant les systèmes tribaux, autrement dit les habitudes. Mais au-delà de cette organisation il est fort possible que la longévité de l’expérience soit due aux circonstances. En effet les missions restaient des enclos protecteur face à un monde extérieur hostile. De plus les Guaranis comme beaucoup d’indiens de la région croyaient que de façon cyclique le terre faisait en quelque sorte le ménage et rétablissait un monde sans mal, et les jésuites ont pu être considéré comme les messagers de ce nouveau monde.

Étrange final qui fait rejoindre le monde de l’utopie imaginé par Thomas More, celui des mythes de l’éternel retour des Guaranis ou du Messie des jésuites, et les opportunismes de l’adaptation face à la modification du milieu. Les jésuites on finalement été chassés, et avec les nouvelles frontières établies entre les empires coloniaux espagnols et portugais les réductions se sont trouvées du mauvais côté. Leurs habitants chassés ont fini en grande partie exterminés.(Thème principal du film « Mission » de Roland Joffé.1986). Aujourd’hui les réductions ne sont plus qu’un site pour touristes, un souvenir d’un monde qui fut un temps soupçonné d'Utopie, et qui, devenu mythe peut prétendre à son éternel retour.

Si les utopies étaient bien dans l’esprit de leurs auteurs une façon de critiquer les excès de leur époque, chez les jésuites se furent les excès d’une époque qui engendrèrent l’expérimentation d’une société qui reste utopique pour son époque mais qui pour nous demeure simplement égalitaire. Effectivement si nous nous demandions au départ de notre étude si les missions étaient des communautés qui relèvent des principes de l’utopie de More, nous pouvons dire maintenant que les réponses sont oui et non. En effet si nous en revenons à notre définition, les Missions étaient bien pour le XVIème siècle une utopie par inadvertance, qui rattrapée par le temps s’avèrent aujourd’hui rien de plus qu’un concept égalitaire. De plus l’objectif des missions était non pas de parvenir à un monde parfait, mais simplement de protéger les indiens et surtout de les évangéliser pour les amener dans ces paradis perdus sortis du champ général de notre critique et notre raison. Alors en toute simplicité, par la réalité de leur expérience, les Guaranis et leurs jésuites ont tout simplement arrangé dans les creusets de leur alchimie ce mélange incompatible de liberté et d’égalité pour créer cette improbable matière nouvelle, la solidarité, qui à peine née pourrait bien être renvoyée dans sa matrice par un ultralibéralisme hautement toxique.


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