Utopie en Utopia

L'utopie est une île
L’idée d’une société parfaite et harmonieuse remonte à l’antiquité, mais le terme qui aujourd’hui en désigne les caractéristiques, est tiré de l’œuvre de Thomas More écrite en 1516, Utopia. More utilise ce qui sera le classique du genre, la forme du récit d’un voyageur nous dépeignant un monde isolé et inconnu dans lequel une stricte égalité des individus procure le bonheur de tous. L’admiration que le conteur éprouve pour ce monde secret se trouve très rapidement confrontée au contenu même de son discours, ce qui d’ailleurs n’échappe pas à son auditeur qui en l’occurrence semble se faire l’interprète des doutes que More lui-même pouvait porter sur la réalité de son propre rêve humaniste. En effet au fur et à mesure qu’avance la description d’Utopia nous sommes frappés par la contradiction flagrante qui surgit entre ce monde de félicité parfaite et les règles draconiennes qui en organisent le fonctionnement.


Utopia est devenue une île depuis qu’elle fut colonisée et organisée par Utopus, abandonnant par la même occasion le nom d’Abraxas pour celui de son réformateur. L’idéal égalitaire poussé à l’extrême s’insinue dans tous les aspects des relations individuelles pour en gérer tous les aspects. Utopia que l’on peut traduire par « le nulle part » ou « le lieu du bonheur » comporte 54 villes bâties selon un même plan, et possédant les mêmes établissements publics. La cellule sociale est constituée d’un quantum défini de 40 personnes, hommes, femmes, enfants et deux esclaves. Une famille ne peut contenir plus de 16 jeunes gens dans l’âge de puberté, et le nombre d’enfants impubères est également contingenté. Une cité ne peut dépasser 6000 familles. Lorsqu’une famille dépasse le seuil autorisé, le « surplus » est muté dans une autre famille en sous effectif, et il en va de même entre cité. Au bout du compte si la population totale d’Utopia dépassait les quotas autorisés il serait procédé à une émigration chez les voisins, quitte à revenir au bercail en cas de population décroissante.

Autre idée fixe du genre, la propriété individuelle est bannie de l’ile, et pour bien enfoncer le clou les locataires doivent changer de maison tous les dix ans, les nouvelles demeures étant attribuées par tirage au sort. Tout le système de députation relève de la délégation populaire jusqu’au prince qui reste inamovible sauf s’il était convaincu de tyrannie. Afin d’éviter toute tentative de conspiration il est interdit sous peine de mort de se réunir hors du sénat pour débattre des affaires publiques.

La société Utopienne se caractérise en outre par un nombre restreint de lois écrites, et compte d’avantage sur une forme d’autorégulation fondée sur l’épiage pour ne pas dire l’espionnage de voisinage qui fonctionne comme un Big Brother gardien de la foi et de la vertu, et qui élève le fameux « qu’en dira-t-on » au rang de juge suprême. Loin de cette société libérée annoncée par notre voyageur nous voyons poindre une communauté puritaine soucieuse de conserver en dépit de tout, la cohésion sociale au nom d’une obsession égalitaire frisant le dogmatisme religieux. Mais n’allons pas trop vite et n’oublions pas que nous ne sommes encore qu’au XVIème siècle et qu’en dépit des ses faiblesses le pays d’Utopia bouscule de nombreuses barrières et ici comme ailleurs tout doit être abordé à l’aune de la relativité.


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