
En compulsant les annales des superstitions humaines, on rencontre sur tous les points de la planète cette classe de personnages, d'illuminés et parfois d'imposteurs, dont les pratiques mystérieuses, bizarres, quelquefois infâmes, venaient s'imposaient au vulgaire ignorant. Selon les époques et les peuples, la dénomination de ces magiciens change, mais les pratiques et le but final sont constamment les mêmes : inspirer la crainte et la terreur, tromper le peuple pour s'enrichir personnellement, dominer les hommes pour les conduire à l'esclavage en les abrutissant.
Déroulement d'un rite goétique

Les adeptes de la goétie ne se contentent pas d'invoquer les entités démoniaques. On leur suppose le pouvoir de jeter des sorts sur les hommes et les animaux, de les frapper de maladies ou de mort, d'intervertir l'ordre de la nature, de bouleverser les éléments, les saisons, d'intercepter ou de refroidir les rayons du soleil, de faire sécher sur pied les moissons, de s'opposer à la maturité des fruits, etc., etc., etc.
Où placer le berceau de cette magie noire ?

Des recherches historiques nous apprennent que, parmi les anciens peuples, les Chaldéens s'adonnaient particulièrement à la goétie et à l'hématomancie ; les Égyptiens l'apprirent d'eux et, en peu de temps, devinrent fort habiles dans l'art des évocations et des incantations. Esclaves des Égyptiens, les Hébreux reçurent des leçons de goétie de leurs maîtres, et bientôt cette magie fit de tels progrès parmi le peuple d'Israël, que Moïse, effrayé de son extension et pour en arrêter les progrès, ordonna qu'on lapidât hommes et femmes qui se livreraient à cet abominable métier.
Au temps des Grecs et des Romains

Chez les autres peuples
Je sais des paroles que nul enfant des hommes ne connaît ;
des paroles qui chassent la plainte, les souffrances et les chagrins.
J'en sais qui émoussent le tranchant des armes,
qui brisent les plus fortes chaînes,
qui apaisent l'orage et ramènent la sérénité au ciel;
j'arrête les vents qui poussent les nuages,
et d'un regard je puis calmer la mer irritée.
Quand je trace des caractères sacrés,
les habitants des tombeaux se réveillent et viennent à moi.
Si je répands de l'eau sur l'enfant nouveau-né,
le fer ne peut plus rien contre lui.
Je dévoile la nature des dieux,
des génies et des hommes;
j'éveille le désir dans les cœur de la vierge la plus chaste ;
je sais inspirer l'amour ou la haine ;
rendre les femmes fécondes ou stériles ;
je puis redoubler ou abattre le courage des guerriers....
Chez les peuples du Latium, les augures prétendaient aussi, en se servant de paroles magiques, pouvoir enchaîner les vents, calmer la tempête, diriger la foudre, enlever aux serpents leur venin, et, ce qui est plus fort, décrocher la lune du firmament pour la faire descendre sur Terre.
Les Scythes avaient aussi leurs magiciens qui opéraient les mêmes prodiges que ceux des autres peuples ; néanmoins, il faut le dire à leur louange, ces enchanteurs étaient bien moins nombreux chez eux que chez les autres nations.

Ulysse lui-même, plus heureux que ses compagnons, n'échappa aux enchantements de la magicienne qu'au moyen d'une plante nommée moly que Minerve lui avait donnée comme préservatif.
Médée était aussi très savante dans la connaissance des plantes ; elle parvint à rajeunir Éson, ou du moins à prolonger son existence au delà du terme naturel. De même que Circé, elle devint une célèbre empoisonneuse. Euripide lui attribue différents meurtres ; entre autres ceux de Créon, d'Absyrte et de Pélias ; il l'accuse, en outre, d'avoir empoisonné sa propre fille. L'historien Diodore de Sicile nous dépeint Circé et Médée comme deux goétiennes redoutables, inspirant l'épouvante et l'horreur. Les Romains eurent aussi leurs goétiens et leurs magiciennes taillées sur le modèle de ceux des Grecs, et il n'y avait pas que le vulgaire ignorant qui crût à leur pouvoir : car si Caton, Lucrèce et Cicéron s'en moquaient, Virgile, Ovide, Horace et d'autres poètes semblent y avoir ajouté foi. Horace surtout reproche très amèrement aux magiciennes Hermonide, Sagane et Canidie leurs odieux maléfices. Il fut un moment où les premières têtes de l'empire se montrèrent saisie de cette singulière folie. L'on reproche à Sextus, fils du grand Pompée, d'avoir immolé un enfant dans une de ces horribles incantations. L'empereur Claude eut recours à l'art d'une magicienne pour éteindre la honteuse passion qui s'était allumée dans le sein de son épouse.
Les grandes invasions

Illustration de Johan Egerkrans
Ce fut à ces époques, pleines de dévouements sublimes et rouges du sang des martyrs, qu'une lutte terrible s'engagea entre les sectateurs du paganisme et les apôtres d'une religion nouvelle qui devait changer la face de l'humanité. Les uns et les autres firent des choses si extraordinaires, si prodigieuses, qu'on serait tenté de les nier, si l'histoire n'avait établi ces faits d'une manière authentique. Pendant de longs siècles encore, l'ignorance et les superstitions étendirent leur sombre linceul sur les sociétés, et les magiciens, sous le nom de sorciers, recommencèrent leurs tours et leurs étranges folies.

Rituel Goétique par Linda Adair