Ghâyat al-hakîm

Ghâyat al-hakîm
La Ghâyat al-hakîm fi'l-sihr est un traité de magie arabe et d'astronomie arabe médiéval qui a été rédigé par Maslama al-Mayriti vers l'an 1000. A cette époque on ne faisait pas de différence entre la science et l'alchimie. Tous les grands scientifiques pratiquaient également les arts hermétiques.

Le suffixe « al-hakim » est souvent ajouté en arabe pour faire référence à quelque chose de divin. Al-hakim est l'un des noms de Dieu. Il en existe 98 autres : Al-hakīm est celui qui régit la création des choses comme il le veut car, il connait les issues des choses.

Ecrit à l'origine en langue arabe, la Ghâyat al-hakîm a été traduit en castillan mais il ne reste que quelques fragments de cette version. C'est à la cour d'Alphonse X le Sage qu'il fut traduit en latin à partir de l'an 1256. Cette version latine connue un très grand succès tout au long de la Renaissance. On l'appelle le « Picatrix ». La Ghayat al Hakim devint la Bible Noire de tous les sorciers de cette époque.

Pourtant, la plus ancienne mention du Picatrix ne date que de 1456 (Johannes Hartlieb, Das Buch aller verboten Künste) et le plus ancien manuscrit latin date de 1454 (Cracovie, Bibliothèque Jagellonne).


L'original de ce grimoire de sorcellerie en arabe fut redécouvert en 1920 par l'allemand Wilhelm Printz et traduit en langue germanique en 1933 par Helmut Ritter et Martin Plessner au Warburg Institute de Londres. Ceci explique beaucoup pourquoi le Picatrix est très connu en Allemagne alors qu'il reste assez méconnu en France. Pourtant sa publication n'a eu lieu que tardivement, en 1962.

Les différentes versions du Picatrix

Ghâyat al-hakîm
La Ghâyat al-hakîm a été écrit, semble-t-il, par le même auteur que la Rutbat al-hakîm, un manuel d'alchimie. On attribue ces deux ouvrages à Maslama Al-Majriti, un mathématicien hispano-arabe mort entre 1005 et 1008. Mais pourtant, la Rutbat al-hakîm serait datée de 1047-1051. La Ghâyat al-hakîm daterait quant à elle de 1051-1057. C'est donc complètement incompatible avec l'existence de l'auteur présumé. Ça fait partie du mystère qui entoure ce grimoire.

La Ghâyat al-hakîm est une compilation de 400 pages de plus de 200 écrits sur l'astrologie, l'astronomie, l'alchimie et la magie (y compris la magie noire). On y trouve également une bonne dose de philosophie inspirée des grands philosophes grecs (Platon, Aristote, ...). Il fait aussi référence à l'Inde et à ses pratiques ésotériques. Le tout est réparti en quatre volumes d'environ 100 pages chacun.

Une version en castillan a été réalisée entre 1256 et 1258 mais il n'en reste presque rien.

C'est à partir de cette version en espagnol, donc après 1256, que vit le jour la traduction latine sous le nom de « Picatrix » (qui viendrait de Picatriz, le pseudonyme de al-Majriti). La version en latin du Picatrix n'est donc pas une traduction de l'original en arabe.

Une page de la Ghayat al-hakim
Au 17° siècle une traduction en a été effectuée en italien. On en trouve un exemplaire à la British Library de Londres. Une nouvelle traduction du latin à l'italien date de 1999. La version latine a sans doute été traduite dans d'autres langues européennes et même retraduite en arabe depuis le texte latin.

Après la redécouverte du manuscrit arabe en 1920, l'édition du texte arabe est faite par Hellmut Ritter en 1933.

Il faut ensuite attendre 1962 pour découvrir la traduction de l'arabe à l'allemand dans l'édition Picatrix : Das Ziel des Weisen. Une réédition de ce livre de 435 pages a été réalisée en 1978.

Il existe une version espagnole de 1982, traduite de l'arabe.

En 1986, l'Anglais David Pingree sort une nouvelle version en latin commentée et annotée (en anglais) à partir de l'édition latine : Picatrix, the Latin Version of the Ghayat al-hakim.

En 2002 sort une version traduite de l'arabe à l'anglais par l'américain Hashem Atallah. Une autre version sortira en 2008, toujours en anglais.

Il faut finalement attendre 2003 pour découvrir la première édition française, traduite de la version latine : Picatrix. Un traité de magie médiéval, par Béatrice Bakhouche, Frédéric Fauquier et Brigitte Pérez-Jean. Cette traduction a reçu un accueil très sévère auprès des universitaires médiévistes, lui reprochant de traduire le vocabulaire technique d'un Moyen Âge arabo-latin comme ses équivalents antiques, et une introduction relativement peu convaincante de par leur méconnaissance de la magie.

En 2010 une nouvelle traduction anglaise annotée est réalisée par John Michael Greer et Christopher Warnock, depuis le texte en latin. Une version « Illustrated Color Picatrix » est éditée avec les illustrations de Nigel Jackson. D'autres versions sont éditées (voir la page : http://www.renaissanceastrology.com/picatrix.html) :
Liber Atratus
Illustrated Picatrix (noir et blanc)
Liber Viridis, Green Magic edition
Liber Rubeus
Liber Rubeus Illustrated

Nous n'en sommes donc qu'à la redécouverte de cette œuvre du Moyen-âge qui a pourtant connu un réel succès pendant la renaissance.

Ce que contient la Ghâyat al-hakîm

Magie astrale
Le Picatrix est un étrange mélange de la philosophie la plus exaltée et d'explications sur la nature de l'être, la composition du sang, du cerveau et de l'urine et l'art dans la confection de talismans magiques. Nous pouvons cependant clairement y percevoir l'influence des Sabéens Harraniens qui ont poursuivi leur culte des divinités astrales et la tradition de la philosophie hermétique bien ancrée dans le Moyen Age. Le sabéisme a apporté beaucoup à l'astrologie dans la civilisation islamique avancée qui a prospéré entre l'an 800 et 1400 et produit ces astrologues bien connus comme Thabit Ibn Qurra ou Al-Sufi et l'Alchimiste Jabir ibn Hayyyan, connu en occident sous le nom de Geber.

La Ghâyat al-hakîm est une compilation de nombreuses œuvres et représente, avec De imaginibus de Thabit Ibn Qurra, la grandeur de la magie astrale arabe en termes de complexité et de la portée de ses écrits. Le Picatrix explique non seulement comment créer et consacrer des statuettes et des talismans magiques, mais parle même de villes entières construites en utilisant les principes de la magie astrologique. Cette magie est basée sur une combinaison astrale des planètes et des signes du zodiaque, engendrant des forces infiniment puissantes. Cette combinaison de l'application pratique et de la rigueur théorique fait du Picatrix une source clé pour tous les mages de la Renaissance comme Cornelius Agrippa et Marsile Ficin.

Consultez notre traduction originale en français du : chapitre 1 du livre I du Picatrix

Le manuscrit authentique contient des secrets terribles comme la manière de détruire une cité avec le « Rayon du Silence  », comment se rendre invisible, comment influencer ou tuer des hommes à distance, fabriquer des machines volantes. Les textes sont toujours courts mais il faut un Maître initié pour les comprendre. En effet, le Picatrix est complètement désorganisé et désordonné. On traite d'un sujet dans le tome I et on en reparle dans le tome IV. C'est comme un jeu de piste, un puzzle, où il faut recoller les morceaux. Il semblerait, d'après les spécialistes, que cette façon d'écrire soit volontaire de la part de l'auteur pour ne pas livrer tous les secrets trop directement. Ainsi, il les sépare de longues explications théoriques ou d'interminables digressions car, s'ils étaient révélés aux hommes tel quel, ceux-ci rendraient l'univers méconnaissable.


Exemple de rituel pour détruire une ville ou un village :

Faites une image sous l'ascendant de la ville, si vous le connaissez, ou à l'heure de l'ascendant de l'interrogation. Mettez cet ascendant et son Seigneur dans une des maisons de la Lune qui sera dominante et joignez-y le Seigneur de la maison du Seigneur ascendant avec la dixième demeure et son Seigneur le tout dans l'heure de l'interrogation. Ensuite enterrez cette image, si vous le pouvez, dans le milieu de la ville, ou bien sous l'ascendant de cette interrogation. 

Vous y trouverez une autre formule pour éclairer l'intérieur d'une maison :

Il faut prendre un lézard noir ou vert, lui couper la queue, la sécher et alors on y trouve un liquide pareil au vif-argent. Enduisez de ce liquide une mèche que l'on place dans une lampe de verre ou de fer. Si on allume la lampe, la maison prendra bientôt un aspect argenté et tout ce qui sera à l'intérieur, brillera comme de l'argent.  
 

Les différences entre le Picatrix Latin et la Ghâyat al-hakîm Arabe

Le Picatrix

Le Picatrix : La magie arabe des étoiles
Le professeur d'histoire médiévale Jean-Patrice Boudet note une grande différence de conception entre le texte arabe, où « il n'y a pas de différence profonde de nature entre l'amour spirituel et l'amour charnel », et le texte latin, « où il n'est pas question explicitement du désir » et qui adopte « un point de vue moralisateur ». Il reste que, dans le Picatrix, « il existe un écart important » entre la « belle théorie de l'amour comme art suprême » et « les pratiques préconisées dans les recettes de magie amoureuse ». Il en donne des exemples particulièrement significatifs et en conclut que le Picatrix juxtapose différents types de magie et que, moins transgressif que l'original arabe, il l'est plus que la plupart des autres traités de magie disponibles au moment de sa traduction arabo-latine.

Il existe des parallèles entre les sacrifices d'animaux dans le Picatrix latin et dans d'autres textes apparentés. Si ces sacrifices interviennent dans des contextes rituels différents, ils ont des traits communs. Ils sont destinés aux esprits plutôt qu'à Dieu et utilisent des animaux domestiques, censés être de meilleurs intercesseurs entre les hommes et l'ordre céleste. En les accomplissant, le magicien s'humilie, puisqu'il a besoin de recourir à des intermédiaires, et en même temps exalte sa propre puissance, puisqu'il est apte à « communiquer avec quelques-uns des millions d'esprits invisibles qui peuplaient l'univers médiéval ».

Les omissions de texte arabe commises dans la version latine sont très nombreuses. Par exemple, la version arabe rapportait la prédiction d'Al-Kindī (801-873) sur la durée probable de « l'Empire des Arabes » selon les conjonctions des astres, dans la fameuse Risāla utilisée par O. Loth dans sa tentative de 1875 de prouver (sans succès d'ailleurs) le plagiat par Abû Ma'shar al-Balkhî (787-886). Le texte latin omet tout le passage qu'il résume en quatre lignes n'offrant aucun indice sur le sujet dont il pouvait s'agir en fait. Huit pages du texte arabe ont bel et bien été supprimées. Il y a donc un risque à se fier uniquement au texte en latin pour interpréter le sens de l'ouvrage dans son entier.



Le Picatrix en Latin est clairement fait d'un mélange de cultures et représente la diversité dont est composée l'Europe tout en incluant des notions historiques et religieuses, en particulier le christianisme. La Ghâyat al-hakîm est beaucoup moins imprégné de morale et se contente de rassembler pêle-mêle des centaines de sources, pour la plupart attachées au Proche-Orient, mais pas nécessairement islamiques. En effet, on y trouve des choses de nature liée au sabéisme ḥarrānien à côté d'écrits de grands philosophes grecs, de rituels pharaoniques d'Egypte Ancienne et de récits « indiens ». Ni l'Islam, ni le christianisme, ni aucune autre religion ne transpire de la Ghâyat qui est vraiment axé sur l'œuvre magique, l'astrologie et l'alchimie. A l'époque de sa traduction le monde était sous l'Inquisition et toutes les formes de magie, qu'elles soient blanches ou noires, étaient assimilées à de la sorcellerie. L'ouvrage se devait donc d'être modéré et moralisateur, et certainement bien plus philosophique que son original, sous peine d'interdiction et de destruction. De plus, le latin était historiquement la langue de l'Eglise catholique romaine. C'est un détail de plus qui peut expliquer que le Picatrix, dans sa version latine, est teinté de religion chrétienne. Mais c'est sans doute aussi cela qui en a fait son succès en Europe jusqu'au XIX° siècle alors qu'il n'a pas eu un tel retentissement dans le monde musulman.


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