Le récit du journaliste

Pièce du Presbytère de Borley
Le révérend Smith s'étant assis, le maire se tourne vers un homme aux cheveux coupés en brosse et à la silhouette longue comme un jour sans pain.

— Monsieur, vous êtes journaliste au Daily Mirror. Comment avez-vous répondu à la demande du révérend Smith ?

— Comme aurait fait n'importe quel journaliste, monsieur le maire. Je suis venu aussitôt à Borley. Mais comme personnellement, je ne connais rien aux fantômes, j'étais accompagné d'un spécialiste des sciences occultes : Harry Price de la Society for Psychical Research (SPR).


— Racontez-nous ce qui s'est passé.

— Eh bien, le soir de notre arrivée, d'étranges phénomènes se sont succédés. Tandis que nous nous promenions le long des pelouses, Price et moi avons vu apparaître et disparaître derrière des buissons des silhouettes aux contours mal définis. Rentrés dans la maison au crépuscule, nous avons failli être blessés par la chute d'un gros carreau détaché de la véranda. Un moment plus tard, un chandelier de verre rouge dégringolait à travers la cage de l'escalier, heurtait un poêle de fonte et se fracassait à nos pieds. Puis une boule de naphtaline, lancée par une main invisible, m'atteignait au bras. Cet incident fut suivi par une pluie de petits cailloux, tombant du second étage sur le sol du vestibule. Pour compléter le tableau, toutes les sonnettes du presbytère se mirent à tinter tandis que les clés sautaient hors de leurs serrures pour choir bruyamment sur le plancher. C'est alors qu'au premier étage, dans une des chambres, Price décida d'évoquer les esprits qui hantaient le presbytère. Il y avait là le révérend Harry Smith, sa femme, les deux demoiselles sœurs du précédent pasteur et la secrétaire de Price. La voix de Price résonna dans le silence :

Si un esprit est présent ce soir, je le prie de se faire connaître ! 

La hantise se manifeste

Quelques secondes passèrent ; nous retenions notre souffle. Un craquement se fit entendre, venant de la table de toilette. Puis un autre coup retentit, venant du miroir d'acajou. Aucun doute n'était possible : l'entité voulait se manifester. Price demanda si elle accepterait de répondre à quelques questions, utilisant la convention traditionnelle : trois coups pour oui, un coup pour non et deux coups si la réponse était douteuse ou inconnue. On entendit immédiatement trois coups rapides et violents, venant du miroir. Price demanda d'abord à l'esprit s'il n'était pas l'ancien pasteur de Borley, le frère des demoiselles ici présentes. Trois coups affirmatifs se succédèrent. Price aussitôt enchaîna :

— Sont-ce vos pas qu'on entend dans la maison ?

— Oui.

— Désirez-vous tracasser ou ennuyer quelqu'un ?

— Non.

— Êtes-vous tourmenté par quelque chose que vous auriez dû faire pendant voire vie ?

— Non.

La méthode alphabétique

Alors, Price utilisa la méthode alphabétique pour communiquer plus rapidement. Malheureusement, les réponses restèrent incompréhensibles. L'entité ne paraissait pas saisir la technique de ce mode de communication, mais désirait nettement continuer à manifester sa présence. Vers deux heures du matin, les deux mèches de la lampe montées au maximum et la pièce parfaitement éclairée, nous fûmes tous surpris de voir la savonnette sauter hors du porte-savon, heurter le bord du pot à eau et rebondir sur le sol. Le lavabo était à l'autre extrémité de la pièce, nous en étions tous loin, assis auprès du miroir. Voilà, Messieurs, pourquoi je repartais le lendemain, convaincu qu'il y avait des fantômes à Borley.
 

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