Un grand précepte reste cependant difficile à assimiler par les occidentaux qui n'ont pas côtoyé la tradition musulmane depuis leur enfance : les djinns peuvent nous voir alors que nous même nous n'avons pas la possibilité de les voir sous leur forme originelle puisqu'ils sont invisibles. C'est pour cette raison que les djinns usent beaucoup de la métamorphose et en particulier avec l'assimilation d'éléments animaux. Bien que leur physionomie originale soit imperceptible par les sens humains, les djinns se manifestent parfois aux hommes sous diverses apparences reconnaissables par ces derniers.

La référence aux djinns intervient toujours quand l’humain se trouve confronté à un être vivant qui n’est pas à sa place, qui n’est pas dans le milieu originel qui lui a été assigné symboliquement par les hommes. Face à un animal qui n’est pas à sa place, on ne peut jamais savoir à qui l’on a vraiment à faire. Les djinns sèment le doute dans l’identification d’autrui. Dans tous les cas, la confrontation inopinée laisse des séquelles psychiques et corporelles chez l’humain, allant du simple trouble de locution durant quelques minutes ou quelques heures, à un mutisme prolongé ou à des crises de spasmophilie et de vertige. Pour expliquer ces symptômes de la rencontre, on raconte que le djinn a donné le mauvais œil au sujet humain, qu’il l’a effrayé par ses paroles, ou qu’il l’a giflé. Le mauvais œil, l’interpellation verbale ou l’agression physique témoignent d’une relation de personne à personne entre l’humain et l’animal incarné par le djinn. Dans cette relation de personne à personne, l’humain est en position d’infériorité, il en vient même à perdre ses facultés humaines, comme le langage. L’individu est pris d’effroi face au mode d’expression typiquement humain de l’animal incarné par le djinn. Il n’est pas question ici de rapports bienveillants entre les humains et les djinns marqués par des régimes de sociabilité. Au contraire, quand un homme rencontre un animal qui n’est pas à sa place habituelle, il est emprunt de doute et subit un rapport de personne à personne qui le rend corporellement et psychiquement vulnérable. Le doute place l’individu dans une posture où les modalités de l’interaction priment sur les référents ontologiques dans l’identification de l’animal. La boîte à outils de l’analogisme ne suffit plus pour identifier l’être face auquel on se trouve, il faut nécessairement s’engager dans l’interaction pour savoir à qui l’on a à faire.
Lire la suite ...