
Élevée par l'une de ses tantes, elle est envoyée dans un centre réservé aux filles de la noblesse russe, où elle a obtenu d'importantes qualifications. Intéressé par les idées qui agitent la Russie à cette époque, elle fréquente le cercle intellectuel, artistique et politique de la capitale de l'empire russe. Parmi les personnes qu'elle a rencontrées au cours de ces années, il y avait un personnage célèbre et scandaleux qui était venu dans la ville sous la protection spéciale des tsars eux-mêmes : Grigori Efimovich Rasputin. Maria traduira sa biographie en français quelques années plus tard.
Elle est tombée amoureuse d'un jeune musicien juif, Moise Hopenko, un saltimbanque, et l'a épousé contre la volonté de sa famille. Il était violoniste. La rupture qui s'ensuivit avec la famille aristocratique de Maria amena le jeune couple à quitter la Russie pour se rendre en Allemagne, à Berlin, puis en Suisse, à Genève. Après la naissance de deux enfants, Alexandre et Marie, son jeune mari, un sioniste, a décidé de quitter sa famille et d'aller s'installer en Palestine aux alentours de 1910. Cet abandon survient suite à sa rencontre avec Theodor Herzl, le père du sionisme. Il abandonne Maria, alors enceinte de leur troisième enfant, André. Cela a rendu les choses très difficile pour Maria Naglowska, alors âgée de 27 ans, qui a été obligée d’occuper divers petits emplois dans l'enseignement, l'écriture, la traduction et la journalisme pour joindre les deux bouts. Elle effectue des collaborations épisodiques avec divers journaux suisses entre 1916 et 1921.
Pendant qu'elle vivait à Genève, elle a traduit un livre de philosophie du français vers le russe(2), elle a écrit une grammaire française pour les immigrants russes en Suisse(3) et elle a rendu compte des pourparlers de paix de Genève qui ont mis fin à la Première Guerre mondiale(4). Malheureusement, les idées libertaires de Maria Naglowska avaient tendance à lui causer des ennuis avec les gouvernements, où qu'elle aille. Une conférence contre la guerre mondiale qu'elle donna dans la salle de la Société Des Artistes en 1918 mena les autorités de Genève à considérer qu'elle avait violé l'interdiction faite aux étrangers de se livrer à des activités politiques et fut emprisonné. Une campagne à laquelle ont participé certaines personnalités influentes de la ville a permis sa libération, sans pour autant l'empêcher d'être officiellement expulsé du canton de Genève. N'ayant pratiquement aucun moyen, elle s'installe à Berne, qui l'expulsa également, puis à Bâle, où elle ne trouve aucun moyen de subvenir à ses besoins. Maria décida alors de demander l'aide de Moïse Hopenko pour la garde de ses enfants, mais celui-ci n'accepta d'accueillir à Tel-Aviv que le plus âgé, Alexandre. Les deux autres, Marie et André, ont dû être confiés à l'assistance sociale suisse.
Maria fuit en Italie. Elle a passé la première partie des années 1920 à Rome où, de 1921 à 1926, elle a travaillé à la revue L'Italia. Elle habitait dans l'appartement d'un ami suisse mais ce dernier a finit par se suicider et Maria s'est retrouvée sans toit fixe. En 1927, elle s'installe à Alexandrie, en Égypte, où elle écrit pour une publication(5) et en dirige une autre(6).
1. L'essentiel des détails sur la vie de Naglowska provient d'une courte biographie intitulée La Sophiale, écrite par son élève préféré, Marc Pluquet. C'est de loin la source la plus fiable.
2. 1912 : Une révolution dans la philosophie, de Frank Grandjean de l'Université de Genève. Le sujet est la philosophie de Henri Bergson, qui a grandement influencé Maria De Naglowska. Dans la préface de la deuxième édition, il y a une note indiquant que la première édition avait été traduite en russe par "Mme Marie Naglowska" et qu'elle était à vendre dans les "principales villes de Russie".
3. Nouvelle méthode de la langue française, de Marie de Naglowska.
4. La paix et son principal obstacle, par Mariya Naglovskaya.
5. La Réforme, 1927-1928.
6. Alexandrie Nouvelle, 1928-29.
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