Maria De Naglowska

Maria De Naglowska
Maria Sakralnaya Naglovskaya, plus connue sous le nom de Maria de Naglowska, était une écrivaine Russe mystique qui écrivait essentiellement en français. Elle était également journaliste, traductrice et éditrice d'un petit journal ésotérique qui se vendait dans la rue, à Montparnasse. Maria de Naglowska était liée au mouvement surréaliste parisien du début du XXème siècle. Maria de Naglowska est pourtant fort méconnue en France, bien que ses pratiques transgressives ne soient pas inférieures à celles que Crowley avait autrefois conduites et son idée du Troisième terme de la Trinité devint le fondement de la pensée non conformiste occulte. Son initiation sexuelle excite encore l'imagination. Maria Naglovskaya est une légende du XXème siècle.

Le rite sacré de l'amour magique  a été publié à l'origine dans les pages du journal La Flèche, l'organe d'action magique, entre le 15 octobre 1930 et le 15 décembre 1931 (dans les huit premiers numéros du journal). Il était publié sous forme de feuilleton pour fidéliser les lecteurs. Cette œuvre de Maria de Naglowska est une nouvelle initiatique, probablement en partie autobiographique. Maria Naglowska a publié la série sous le pseudonyme de Xenia Norval(1). Elle l'a republiée comme supplément à son journal au printemps 1932, en utilisant cette fois son vrai nom. Elle vendait ce supplément avec des abonnements à son journal, à ses conférences, par courrier et probablement aussi dans les rues de Montparnasse. C'est à la fois plus personnel et la plus mystérieux que ses autres œuvres.

Mais qui était cette femme qui écrivait, publiait et parlait sans relâche pour partager sa vision spirituelle avec le monde ?

1. Le pseudonyme de Xenia pris par Maria Naglowska est sans aucun doute une référence à la bienheureuse Xenia de Saint-Pétersbourg, une sainte de l’Église orthodoxe russe. Les parallèles entre la vie de la bienheureuse Xenia et celle de Maria de Naglowska sont étonnants. Les deux femmes étaient mariées à des musiciens et toutes deux ont été plongées dans une vie difficile après la perte de leur mari (dans le sionisme, dans le cas de Naglowska) vers l'âge de vingt-sept ans. Dans leurs vies de pauvreté, leur spiritualité était leur plus grand réconfort.

Biographie de Maria Sakralnaya Naglovskaya

Maria De Naglowska
Maria De Naglowska est née à Saint-Pétersbourg en 1883. Son véritable nom était Maria Sakralnaya Naglovskaya. Sakralnaya était le nom de sa mère car en Russie les femmes portent à la fois le nom de la mère et le nom du père. Elle était la fille d'une éminente famille tsariste(1). Son père, un général qui s'était battu contre les Turcs dans les Balkans, était devenu gouverneur de la province de Kazan. Elle est allée dans les meilleures écoles et a reçu la meilleure éducation qu'une jeune femme de son temps pouvait avoir, notamment l'Institut privé et aristocratique de Smolna. Elle aurait été orpheline à l'âge de 12 ans mais la source de cette information n'est pas connue et émane de wikipedia alors il faut s'en méfier. D'autres sources disent que son père a été empoisonné lors d'une partie de cartes avec un nihiliste qui avait réussi à gagner la confiance de la famille. Sa mère serait également décédée peu de temps après.

Élevée par l'une de ses tantes, elle est envoyée dans un centre réservé aux filles de la noblesse russe, où elle a obtenu d'importantes qualifications. Intéressé par les idées qui agitent la Russie à cette époque, elle fréquente le cercle intellectuel, artistique et politique de la capitale de l'empire russe. Parmi les personnes qu'elle a rencontrées au cours de ces années, il y avait un personnage célèbre et scandaleux qui était venu dans la ville sous la protection spéciale des tsars eux-mêmes : Grigori Efimovich Rasputin. Maria traduira sa biographie en français quelques années plus tard.

Elle est tombée amoureuse d'un jeune musicien juif, Moise Hopenko, un saltimbanque, et l'a épousé contre la volonté de sa famille. Il était violoniste. La rupture qui s'ensuivit avec la famille aristocratique de Maria amena le jeune couple à quitter la Russie pour se rendre en Allemagne, à Berlin, puis en Suisse, à Genève. Après la naissance de deux enfants, Alexandre et Marie, son jeune mari, un sioniste, a décidé de quitter sa famille et d'aller s'installer en Palestine aux alentours de 1910. Cet abandon survient suite à sa rencontre avec Theodor Herzl, le père du sionisme. Il abandonne Maria, alors enceinte de leur troisième enfant, André. Cela a rendu les choses très difficile pour Maria Naglowska, alors âgée de 27 ans, qui a été obligée d’occuper divers petits emplois dans l'enseignement, l'écriture, la traduction et la journalisme pour joindre les deux bouts. Elle effectue des collaborations épisodiques avec divers journaux suisses entre 1916 et 1921.

Pendant qu'elle vivait à Genève, elle a traduit un livre de philosophie du français vers le russe(2), elle a écrit une grammaire française pour les immigrants russes en Suisse(3) et elle a rendu compte des pourparlers de paix de Genève qui ont mis fin à la Première Guerre mondiale(4). Malheureusement, les idées libertaires de Maria Naglowska avaient tendance à lui causer des ennuis avec les gouvernements, où qu'elle aille. Une conférence contre la guerre mondiale qu'elle donna dans la salle de la Société Des Artistes en 1918 mena les autorités de Genève à considérer qu'elle avait violé l'interdiction faite aux étrangers de se livrer à des activités politiques et fut emprisonné. Une campagne à laquelle ont participé certaines personnalités influentes de la ville a permis sa libération, sans pour autant l'empêcher d'être officiellement expulsé du canton de Genève. N'ayant pratiquement aucun moyen, elle s'installe à Berne, qui l'expulsa également, puis à Bâle, où elle ne trouve aucun moyen de subvenir à ses besoins. Maria décida alors de demander l'aide de Moïse Hopenko pour la garde de ses enfants, mais celui-ci n'accepta d'accueillir à Tel-Aviv que le plus âgé, Alexandre. Les deux autres, Marie et André, ont dû être confiés à l'assistance sociale suisse.

Maria fuit en Italie. Elle a passé la première partie des années 1920 à Rome où, de 1921 à 1926, elle a travaillé à la revue L'Italia. Elle habitait dans l'appartement d'un ami suisse mais ce dernier a finit par se suicider et Maria s'est retrouvée sans toit fixe. En 1927, elle s'installe à Alexandrie, en Égypte, où elle écrit pour une publication(5) et en dirige une autre(6).


1. L'essentiel des détails sur la vie de Naglowska provient d'une courte biographie intitulée La Sophiale, écrite par son élève préféré, Marc Pluquet. C'est de loin la source la plus fiable.

2. 1912 : Une révolution dans la philosophie, de Frank Grandjean de l'Université de Genève. Le sujet est la philosophie de Henri Bergson, qui a grandement influencé Maria De Naglowska. Dans la préface de la deuxième édition, il y a une note indiquant que la première édition avait été traduite en russe par "Mme Marie Naglowska" et qu'elle était à vendre dans les "principales villes de Russie".

3. Nouvelle méthode de la langue française, de Marie de Naglowska.

4. La paix et son principal obstacle, par Mariya Naglovskaya.

5. La Réforme, 1927-1928.

6. Alexandrie Nouvelle, 1928-29.

 

La rencontre avec Julius Evola et le vieux moine catholique

À Rome, Maria de Naglowska a rencontré Julius Evola, un traditionaliste païen. Evola était également occultiste, faisant partie du groupe d'Ur et comptant parmi ses associés certains des disciples de Giuliano Kremmerz. On dit que Naglowska et Evola étaient des amants, mais ça n'a jamais été prouvé. On sait au moins qu’ils ont été associés pendant longtemps. Elle traduisit un de ses poèmes ("La parole obscure du paysage intérieur ; poème à 4 voix", Rome, 1921) en français (la seule forme dans laquelle il a survécu), puis il traduisit une partie de son travail en italien.

Bien que les occultistes accordent beaucoup de poids à la relation de Naglowska avec Evola, il est clair qu'il doit y avoir eu d'autres influences(1). Certains pensent qu'elle a été notamment influencée par la secte russe du Khlysti et d'autres pensent qu'elle connaissait Raspoutine (dont elle a traduit la biographie). Maria, cependant, attribue certaines de ses idées inhabituelles à un vieux moine catholique qu'elle a rencontré à Rome. Bien que Maria ait dit qu'il était très connu là-bas, il n'a jamais été identifié.

Maria Naglovskaya déclare avoir reçu l'une des parties principales de son enseignement (sur les époques successives du Père, du Fils et du Saint-Esprit) d'un vieux moine vivant à Rome. En particulier, elle a déclaré avoir reçu cette doctrine lorsque le pape Pie XI a été élu sur son trône. L'élection du pape a eu lieu le 6 février 1922, nous avons une date exacte. Ce que nous ignorons, c'est qui était le vieux moine.

Maria a dit que le vieux moine lui avait donné un morceau de carton sur lequel était dessiné un triangle représentant la Trinité. Les deux premiers sommets du triangle étaient clairement annotés pour indiquer le Père et le Fils. Le troisième, laissé plus indistinct, était destiné à représenter le Saint-Esprit. Pour Maria, le Saint-Esprit était féminin. Nous ne savons pas dans quelle mesure est intervenu l'enseignement du moine et combien appartenait à ses propres idées, mais Maria enseigna que le Père représentait le judaïsme et la raison, tandis que le fils représentait le christianisme et le cœur et une époque dont la fin approchait. Pour Maria, l'Esprit féminin représentait une nouvelle ère, le sexe et la réconciliation des forces obscures et lumineuses de la nature.

C’est surtout cette idée de la réconciliation des forces obscures et lumineuses qui a causé des problèmes à Maria et l’a fait passer pour une sataniste.

1. Maria prétendrait avoir été en contact à Rome avec un mystérieux Russe exilé qui transmettait certains enseignements secrets boréaux ou polaires, probablement liés à la tradition occulte qui, en Allemagne, avait été développée sous le nom de Fraternitas Saturni.

Maria de Naglowska : une femme satanique

Maria elle-même s'est qualifiée de « femme satanique » et a utilisé cette appellation de différentes manières dans ses écrits. Evola, dans son livre Les Métaphysiques du Sexe, mentionnait son « intention délibérée de scandaliser le lecteur ». Voici ce que Maria De Naglowska avait à dire à ce sujet :

Nous interdisons à nos disciples d'imaginer Satan (= l'esprit du mal ou l'esprit de destruction) comme vivant en dehors de nous, car une telle imagination est propre aux idolâtres ; mais nous reconnaissons que ce nom est vrai.

Maria De Naglowska, lorsqu'elle écrivait, employait Satan comme symbole du désir de joie et de liberté de l'homme.

L'homme libre en vous était Satan et il voulait la joie éternelle, mais vous, Frère libéré, vous en avez décidé autrement, parce que vous n'étiez pas seulement Satan mais aussi celui qui vit, en tant que vie.

Elle aurait également écrit :

Le sexe de l'homme appartient à Dieu et le sexe de la femme appartient à Satan. 

On sait que pendant son séjour à Rome, Maria a écrit, même si elle n’a pas publié, les fondements de sa théorie de la magie sexuelle noire et a dirigé certains rituels collectifs dans cette lignée, auxquels Evola a certainement pris part.

En 1929, Maria De Naglowska s'installe à Paris, où elle reçoit la mauvaise nouvelle de ne pas obtenir de permis de travail car les autorités françaises ont demandé à la police suisse des informations à son sujet et l'incident de son emprisonnement et de son expulsion de Genève a refait surface. Privée de la possibilité d'être employée dans un emploi régulier, elle devait dépendre de ses propres compétences de survie très étendues. Elle a d'abord travaillé comme traductrice sur une biographie de Raspoutine, publiée en 1930.

Elle a ensuite commencé à travailler sur le livre pour lequel elle est le mieux connue aujourd'hui, sa "traduction" de Magia Sexualis de Paschal Beverly Randolph. Cette œuvre de l'hermétiste et théoricien du sexe américain n'est connue que dans la « traduction » de Naglowska, publiée en 1931. Le mot « traduction » est entre guillemets, car il s'agit en réalité d'un recueil d'écrits publiés et non publiés. Seuls les deux tiers environ du travail peuvent être identifiés comme provenant de Randolph. Le reste provient de sources qui commencent seulement à être identifiées, ou de Naglowska elle-même. Le texte anglais original n'a jamais été retrouvé. Maria a déclaré avoir reçu le manuscrit de manière étrange des mains d'une figure mystérieuse qui l'avait abordée dans une rue de Paris avant de disparaître.

Il semble que Naglowska ait publié cet ouvrage sous le nom de Randolph pour des raisons similaires à celles qui, dans une société ne reconnaissant que la voix des hommes, Aurore Dupin décida de signer ses écrits sous le pseudonyme de « George Sand » ou Cecilia Böhl sous le pseudonyme de « Fernán Caballero ». Elle prétend avoir augmenté le texte avec ce qu'elle considérait être certains enseignements oraux de Randolph. Toute l'organisation du matériel résulte clairement de la contribution de Maria De Naglowska. Cette publication d'idées et d'enseignements peu connus de Randolph a été à l'origine de son influence ultérieure dans la magie européenne.

Un rituel de Maria Naglovskaya

Les idées de Naglowska sur la magie sexuelle tournaient autour de ce qu'elle appelait TTT (Troisième Terme de la Trinité, ou Triangle). Elle a estimé que l'histoire de la culture européenne pouvait être représentée sous la forme d'un « triangle temporel » avec deux côtés clairs et un côté sombre. Ce triangle présidait sur l'autel lors de la célébration de ses rituels d'initiation. Son premier côté clair symbolisait le judaïsme, dont la personnification ou l'hypostase était la figure du Père, son signe le bâton et son « flambeau » la loi. Le deuxième côté clair représentait le christianisme, dont la personnification était la figure du Fils, son signe la Croix, et son « flambeau » le cœur.

Ces deux camps clairs avaient occupé ensemble cinq mille ans de patriarcat. Le troisième côté du triangle a suivi historiquement les deux autres et était le côté sombre de Satan ou Lucifer, le côté matriarcal. Sa personnification était la femme, son signe la flèche et son « flambeau » le sexe.

Le Christ soutient toujours la thèse de la pureté dans la chasteté, tandis que Satan prône la lumière retrouvée dans la chair
 , écrit-elle.

Cette nouvelle étape satanique avait officiellement commencé au début de 1933, même si elle était consciente que ses enseignements ne seraient acceptés que plusieurs générations plus tard, après que la conscience de l'Europe eut été agitée par des événements terribles, dont une guerre mondiale supplémentaire, plus atroce que la précédente.

Un des rituels du TTT consiste en une cérémonie comprenant une femme nue, couchée sur le dos, sur l'autel, tandis qu'une initiée posait un calice sur ses organes génitaux et proclamait :

Je m'efforcerai par tous les moyens de m'éclairer, aidée d'une femme qui sait m'aimer d'un amour vierge... Je rechercherai avec des compagnons l'acte érotique initiatique qui, en transformant la chaleur en lumière, élève Lucifer des teintes sataniques de la masculinité. 
d'après Gareth J. Medway, L'attrait du sinistre : l'histoire peu naturelle du satanisme . Presse universitaire de New York (2001).

On raconte aussi qu'à l'âge de seize ans, elle passa des vacances dans un château que sa famille possédait dans le Caucase. C'est au cours de ce séjour qu'elle aurait eu son premier contact avec les rituels sexuels. Dans son livre Le Rite Sacré de l'Amour Magique, elle décrit cette expérience d'une manière nouvelle. Un jeune cosaque amoureux d'elle la conduisit à une réunion secrète de la secte Khlysti, où ils firent l'amour tandis que les gens autour d'eux s'étaient rassemblé cérémonieusement et rendaient hommage à leurs organes sexuels.

Le rituel de la « Messe d'Or » est décrit par Nicholas et Zeena Schreck :

"Une vingtaine de couples s'accouplèrent pour former une "chaîne magique" à peu près de la même manière que les orgies circulaires de chakra-puja du tantra. Le courant sexuel généré par l'énergie érotique activée par ce groupe visait souvent la destruction magique des ennemis, mais contrairement aux autres satanistes, Naglowska a également utilisé ces "opérations diaboliques" collectives pour soigner les membres de son groupe. L'idée de la magie sexuelle exécutée pour la gloire de Lucifer peut inspirer des pensées d'orgies sauvages et anarchiques, mais Le groupe de Naglowska était composé de rites minutieusement chorégraphiés et contrôlés. Une danse méditative, similaire à l'eurythmie et aux mouvements que Gurdjieff a enseignés à ses disciples, était une partie importante de ces "masses d'or" et précédait la phase sexuelle des opérations."

Les causeries dans les cafés parisiens

Pendant que Naglowska travaillait sur Magia Sexualis, elle a commencé à donner en parallèle des conférences ou des « causeries » sur un enseignement original. Elle l'a appelée la Doctrine du Troisième Terme de la Trinité. Au début, ses « causeries » étaient souvent organisées dans des cafés. Les propriétaires de ces lieux se montraient satisfaits de l'affluence de clients attirés par ces manifestations et ont souvent offert à Maria des repas et des cafés gratuits. De nos jours on appellerait cela des « after-works ». Elle avait souvent une table au café La Rotonde, fréquenté par Diego Rivera et Pablo Picasso. Elle en avait fait son « bureau » où elle recevait des visiteurs quelques heures par jour. Elle donnait ses conférences dans le café La Coupole, un autre bar très réputé de Montparnasse, fréquenté encore aujourd'hui par la haute société. Elle occupait régulièrement l'un des salons pour donner ses conférences, un lieu que les propriétaires de l'établissement appelèrent très vite « le coin des occultistes ». En peu de temps, elle a eu la possibilité de louer une grande salle pouvant accueillir de trente à quarante personnes pour ses réunions privées. C'était le Studio Raspail, un lieu qu'elle louait à la semaine. Elle y organise des séminaires occultes. C'est ainsi que Maria a survécu.

De nombreux écrivains et artistes d'avant-garde, notamment William Seabrook, Man Ray, Gala Dali et André Breton, ont assisté à ces séances. Ces rassemblements ont finalement abouti à la création de la Fraternité de la Flèche d'or.

Les revenus de Maria ont également été complétés par ses efforts d'édition. À la fin de l'année 1930, elle a commencé à publier un petit journal, La Flèche, Organe d'Action Magique, auquel elle a collaboré avec d'autres occultistes. C'était la voix publique de sa communauté magique, La Confrérie de la Flèche d'Or. Vingt numéros ont été publiés.

À la fin de 1932, Naglowska publia La Lumière du sexe. Il s'agit d'un traité mystique et d'un guide du rituels sexuels. En 1934, elle publia Le Mystère de la pendaison, initiation satanique. Ces deux livres devaient être lus pour l'initiation au premier degré du groupe magique de Naglowska et contenaient toute la doctrine de sa nouvelle religion, la Doctrine du Troisième Terme de la Trinité, ainsi qu'une grande partie de son rituel. Ils sont donc d’une importance capitale pour la compréhension de l'œuvre de Maria de Naglowska et de son enseignement. Malheureusement, ils sont également assez rares, ayant été initialement publiés en petites éditions d’environ cinq cents exemplaires.

Le Mystère de la Pendaison  complète l'initiation donnée dans La Lumière du Sexe. S'en trouve déchiré de haut en bas le fameux voile d'Isis, qui cachait jusqu'ici la vérité divine et humaine en ce qui concerne le grand « pourquoi ? » de l'existence terrestre. D'autre part, il répond à cette question angoissante : « l'Eglise Catholique Romaine a-t-elle eu raison de tromper l'humanité pendant plus de dix siècles ? » Il s'agit d'un livre sur les pratiques avancées de la magie sexuelle et le pouvoir de transformation spirituel du sexe, ainsi que sur la pratique de la pendaison rituelle et de la privation sensorielle.

Son premier ouvrage, nous vous le rappelons, était Le Rite Sacré de l'Amour Magique.

Mystère autour du Rite Sacré de l'Amour Magique

Rite Sacré de l'Amour Magique
Quelques différences se trouvent entre la version du supplément du journal et sa version « feuilleton ». Le supplément a reçu sa propre couverture et sa propre page de titre. Bien que Maria Naglowska ait utilisé le pseudonyme « Xenia Norval » pour la série, elle a signé le supplément sous son propre nom. Et le titre en annexe était complété par le sous-titre "Aveu" ("Confession"), auquel était ajouté avec une très grande police la mention "26.1".

La première des recherches concernant ces deux derniers mystères a amené de nombreux chercheurs à conclure à la présence d'éléments autobiographiques dans l'histoire. La seconde reste un mystère.

Une des théorie sur ce « 26.1 » est l'hypothèse qu'il s'agit d'une référence au graphique AUM. Selon l'illustration, la chute se produit de 2 à 6, la montée, de 6 à 1, générant une séquence cyclique de 2-6-1. Mais pourquoi alors n’écrit-elle pas « 2.6.1 », mais « 26.1 » ? Il semble donc maintenant évident que cette théorie est fausse et que la réponse à cette question n’a pas de rapport avec les heures de AUM.

Une autre théorie, qui semble la plus préférable à ce jour, est que « 26.1 » corresponde à une citation biblique. Afin de vérifier cela, il fut recherché dans tous les textes bibliques du livre dans lequel se trouvait un chapitre 26, à quoi correspondait le premier paragraphe de ceux-ci. Le seul cas dans lequel on trouve quelque chose de similaire est le psaume 26.1. En fait, cela convient tellement qu'il pourrait être épinglé sur la tombe de Naglovskaya. On ne sais pas quelle version de la Bible Maria Naglovskaya avait en sa possession, mais voici la citation tirée de la Version synodale de la Société biblique française datant de 1910. Elle a été largement distribuée à l'époque de Maria Naglovskaya et a été écrit au mieux de toutes les autres traductions en français :
26:1
Psaume de David.
Éternel, fais-moi justice! Car je marche dans mon intégrité; je mets ma confiance en l'Éternel, je ne chancelle point.

Mais compte tenu des divergences dans la numérotation des psaumes (du fait que dans le prototype grec de la traduction russe, les psaumes 9 et 10 ont été fusionnés en un), dans la traduction synodale de l'Église orthodoxe, ce psaume porte le numéro 25. Ça reste donc un mystère.

Quant à l'identité du vieux moine, les racines de la doctrine de trois époques consécutives associées aux trois visages de la Trinité peuvent être attribuées dans l'histoire à l'ancien moine, qui vécut aux XIIe et début du XIIIe siècles, Joachim de Flore. Il a enseigné que le temps d'Adam à Christ était le temps du Père et de l'Ancien Testament ; l'écart entre le Christ et le temps à venir (apparemment au XIIIe siècle) qu'il a donnée au Fils et au Nouveau Testament ; et l'ère du Saint-Esprit devait suivre ces époques, après lesquelles viendrait ensuite la fin du monde.

De toute évidence, nous avons plusieurs options ici. Naglovskaya pouvait se familiariser avec les enseignements de Joachim de Flore par le biais de ses livres, ou bien elle pouvait l'avoir rencontré personnellement ou par le biais d'un intermédiaire avec l'un de ses disciples. Dans le second cas, le nom d’Eugene Vintras vient à l’esprit. Il avait un enseignement similaire en trois temps. Mais depuis que Vintras est mort 8 ans avant la naissance de Naglovskaya, toute son influence devait être indirecte.

Quels sont les influenceurs de Maria De Naglowska ?

Comme nous venons de le voir, Joachim de Flore et Eugene Vintras auraient pu influencer Maria De Naglowska. Cela aurait pu venir aussi d’Eliphas Levi, qui a parlé d’Eugene Vintras dans son Histoire de la magie. C'est fort probable, car il existe d’autres preuves de l’influence de Levi sur Naglovskaya. Ou bien l’influence pourrait venir de Vintras lui-même, à travers son ouvrage de 700 pages intitulé « L’Évangile Eternel  ». Mais les possibilités ne s'arrêtent pas là, car à Paris, alors que Naglovskaya vivait là-bas, il y avait ses disciples.

Mais nous n'avons pas besoin de supposer que Naglovskaya était au courant de Joachim de Flore, Eugene Vintras et de son "L'Evangile Eternel" , car elle-même a mentionné les deux. L’article principal du onzième numéro de La Flèche, daté du 15 mars 1932, est une synthèse de l’œuvre anti-maçonnique de Jean Marquet-Riviera. La critique peut être décrite comme une défense de la franc-maçonnerie, mais la raison en est l’attaque de Marche-Riviera sur le groupe de Naglovskaya lui-même. Deux pages de son livre reprennent un extrait de la Flèche. Et elle-même, Maria Naglovskaya, indique directement où regarder : le passage commence à la page 175.

Le grain de cette pensée aurait pu laisser tomber Joachim de Flore et Eugene Vintras, mais elle a tout de même développé son idée. Ils avaient une séquence apocalyptique unique – elle avait un concept cosmique, cyclique, se répétant sans cesse. Et ceci est un exemple de la façon dont sa vision s’est révélée être plus polyvalente et sans âge que celle de ses prédécesseurs.

Un autre concept typique des œuvres de Naglovskaya est son manque de confiance en l'esprit humain et ses limites, ainsi qu'une préférence pour ce qu'elle a appelé « conscience directe » ou « compréhension directe ». Elle nous a révélé par inadvertance la source de cette idée dans la préface de la publication du « Rite sacré de l'amour magique  » sous la forme d'un supplément au journal en 1932. C'était un livre qu'elle avait traduit en russe avant la Première Guerre mondiale : « Une révolution dans la philosophie » de Frank Grandjean. C’est un livre sur la philosophie d’Henri Bergson et il est évident qu’il a sérieusement influencé les pensées de Naglovskaya.

La thèse principale de Bergson était que l'on ne pouvait faire confiance à la seule raison, en raison de ses limites, et que l'intuition était nécessaire pour comprendre la vie. Cette idée est répétée à plusieurs reprises dans les livres de Naglovskaya.

Naglovskaya a également adopté l’un des termes philosophiques de Bergson – « Durée ». Dans le système Bergson, Durée est synonyme de volonté libre ou de mobilité pure ; dans celui de Naglovskaya, il s'agit d'une lutte entre les forces de la lumière et des ténèbres, la « volonté de vie » et la « volonté de mourir ».

Un lien encore plus profond entre Bergson et Naglovskaya se manifeste dans le respect du mysticisme. Bergson l'a exprimé de cette façon :

Sur terre, en tout cas, l'espèce qui constitue le sens de l'existence de toutes les autres espèces n'est que partiellement elle-même. Il ne penserait même pas à devenir complètement lui-même si certains de ses représentants ne pouvaient, par un effort individuel ajouté au travail commun de la vie, briser la résistance exercée par l'instrument, vaincre la matérialité – en un mot, trouver Dieu. Ces gens sont des mystiques. Ils ont ouvert une voie que d'autres peuvent emprunter. Ils ont ainsi indiqué au philosophe d'où et où va la vie .

Et dans le chapitre suivant, Bergson continue :

La religion dynamique ainsi née s'oppose à une religion statique, dérivée d'une fonction de fabrication de mythes, tout comme une société ouverte s'oppose à une société fermée.

Peut-être que la philosophie de Bergson et la religion de Naglowska avaient une source commune d’expérience mystique. Dans le cas de Naglovskaya, elle a fait de son mieux pour en parler dans ce livre et dans les autres de ses écrits. Et nous ne pouvons qu'écouter, en appliquant tout le pouvoir nécessaire pour déchiffrer le langage symbolique des mystiques.

Qui était vraiment Maria Naglowska ?

On dit que Maria Naglowska était très psychique. Elle a prédit la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale et, en 1935, elle prévoyait sa propre mort. Sachant qu'elle allait mourir, elle refusa pourtant de réimprimer La Lumière du sexe et Le Mystère de la pendaison, tous deux épuisés. Elle a dit à ses partisans que rien ne serait fait pour diffuser ses enseignements pendant deux ou trois générations. Elle est allée vivre avec sa fille, Marie Grob, à Zurich, et c'est là qu'elle est tombée malade et qu'elle décède à l'âge de 52 ans, le 17 avril 1936.

Maria était influente parmi les surréalistes et ceux-ci semblent avoir influencé ses propres écrits. Le français de Naglowska était impeccable et son style propre et puissant, mais elle utilisait les mots de manière symbolique et hautement idiosyncratique. Peu de temps avant de quitter Paris, elle a dit à ses disciples que ses enseignements « devraient être traduits dans un langage cher et accessible aux femmes et aux hommes éveillés qui ne seraient pas nécessairement des symbolistes ». Prenant cela comme une directive, Donald Traxler, l'un des premier à l'avoir traduite en anglais, a ajouté de nombreuses notes de bas de page explicatives aux textes de tous ces livres.

En raison des petites éditions et de son refus de les réimprimer, ainsi que de sa mort prématurée et de la malheureuse arrivée de la Seconde Guerre mondiale, l'influence de Maria ne semble pas s'être étendue au-delà de Montparnasse. Ceci est en train de changer. Avec la perspective accordée par le temps, nous pouvons voir que Maria Naglowska était une mystique importante du XXème siècle. Nous espérons que le présent article vous aide à mieux comprendre cette femme mystérieuse et sa vision, celle de l'amélioration de l'humanité.


Principale source : Donald Traxler

Donald Traxler a commencé à travailler en tant que traducteur professionnel (Service de traduction Benemann, Service de traduction Berlitz) en 1963. Plus tard, il a effectué des traductions pour plusieurs institutions du secteur financier. À son époque, il traduisit de la poésie et ses premières traductions métaphysiques au début des années 1980. Il combina plus tard ces intérêts, se lançant dans un ambitieux projet pluriannuel visant à traduire les œuvres de Lalla (également connu sous le nom de Lalleshvari, ou Lal Ded), un poète bien-aimé du Shaivisme du Cachemire au XIVe siècle. Ce projet n'est toujours pas achevé, mais de nombreuses traductions sont devenues les préférées des leaders contemporains de la secte. Il se concentre actuellement sur le mysticisme occidental. Il envisage un projet majeur sur un autre mystique européen et une éventuelle reprise et achèvement du projet Lalla. À l'exception de Lalla, il traduit de l'espagnol, du français et de l'italien. Tous ses projets sont motivés par la passion.

Quelques lectures supplémentaires au sujet de Maria Naglowska


Matthieu Léon : "Maria de Naglowska". Les Gouttelettes de Rosée , 2015.

Gareth J. Medway : L' attrait du sinistre, L'histoire non naturelle du satanisme. New York University Press, 2001.

Ernesto Milá : "La prêtresse de Lucifer : María de Naglowska". Infokrisis, 2010.

Robert North : Le Grimoire de Maria de Naglowska. Édition privée, 2009.

Robert North : Les mentors occultes de Maria de Naglowska. Édition privée, 2010.

Michele Olzi : "De Russie avec amour, un cas de culture et d'immigration russes dans l'ésotérisme occidental : Maria de Naglowska", dans l'ésotérisme occidental en Europe centrale et orientale au fil des siècles. Budapest : Université d'Europe centrale, 2014.

Marc Pluquet : La Sophiale. Maria de Naglowska. Sa Vie, son Œuvre. Paris : Ordo Templi Orientis, 1993.

Sarane Alexandrian : Les Libérateurs de l'Amour. Paris : Le Seuil, 1977, pp. 185-206.

Babalon : "Maria Naglowska eo Satanisme Féminin : Un Caminho da Consciência Através do Amor". Babylon Sacrum Mysterium, 2007.

B. Anel-Kham [Henri Meslin] : Théorie et pratique de la Magie sexuelle. L'Amour et l'Occultisme. Paris : Astra, 1938.

Julius Evola : Métaphysique du Sexe. Rome : Edizioni Mediterranee, 1969.

Hans Thomas Hakl : "Maria de Naglowska, une protagoniste de la magie sexuelle au début du XXe siècle", à la lumière du sexe : initiation, magie et sacrement. Rochester : Inner Traditions, 2011, pp. ix-xiv.

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