Le Maskilili

Maskilili
La Guyane est un pays peu connu des Français, sinon à travers quelques clichés : le bagne de Cayenne, l'enfer vert, les indiens, et bien sûr la fusée Ariane qui décolle de Kourou. C'est pourtant un merveilleux pays de légendes auxquelles chacun, Indiens, Créoles, Bonis, Saramakas, a porté sa contribution. On y rencontres beaucoup de personnages légendaires qui sont tous des génies de la forêt ou des génies des eaux.

La croyance aux Maskililis est générale dans toute la Guyane. Elle est ancrée dans la tradition des contes guyanais et les petits enfants y sont confrontés dès le plus jeune âge car on se sert du Maskilili pour effrayer les enfants afin qu'ils aillent se coucher. On prêtant en effet qu'il enlève les petits enfants qui ne sont pas sages.

La Maskilili, pour certains, est un monstre anthropophage aquatique. Pour d'autres ce serait de petits lutins maléfiques qui vivent dans la forêt et qui persécutent les chasseurs. Mais pour tous c'est une créature aux pieds inversés qui sort seulement la nuit. Au final, personne ne sait réellement à quoi ils ressemblent.

 

Les caractéristiques du Maskilili

En Guyane, le Maskilili sème la terreur chez les plus jeunes (et même les plus âgés). Il s'agit un petit monstre très espiègle qui appartient au monde de la nuit et de la forêt dense. Il est très difficile de le voir, si bien que certains lui prêtent la faculté d'être invisible. Mais il est possible de l'entendre car le Maskilili émet par intervalle des sifflements très caractéristiques.

Sa particularité est d'avoir les pieds retournés, si bien que si jamais quelqu'un s'aventure à tenter de le suivre dans la forêt amazonienne il va fatalement se perdre en essayant de suivre ses traces. Cette mésaventure est malheureusement arrivée à beaucoup d'imprudents et on ne les a jamais revu. Étant très farceur, on prétend que l'une des activités principales du petit monstre serait même de perdre les chasseurs qui tenteraient de faire une battue à sa poursuite.

Il faut vraiment s'en méfier car à cause de ses pieds retournés, en le voyant, on pense volontiers qu’il s’éloigne alors qu’il s’approche et ce n’est pas toujours pour votre bien.

Le Maskilili aux pieds à l'envers est connu pour vivre au pied des piments. C'est sa source d'alimentation principale avec les grains de café. Il ne s'aventure que la nuit pour aller se nourrir. Certains vont jusqu'à préciser que sa nourriture se compose uniquement d'une variété de piments qui s'appelle piments de Bondamanjak et que ce sont les grains de café vert qu'il affectionne.

Certains pensent enfin que ces grands arbres que sont les fromagers peuvent être le repère des Maskililis. Mais le fromager est surtout connu en Guadeloupe pour être le repère des soucougnans.

A l'époque du carnaval en Guyane

Le Maskilili s'aventure parfois à rôder près des habitations. On ne le voit pas car il est invisible, mais on entend ses sifflements caractéristiques et on l'entend parfois fouiller et gratter le sol à la recherche de nourriture. Il existe pourtant une époque de l'année où les maskililis se font beaucoup plus présents : le Carnaval.

C'est à l'époque du Carnaval qu'il sort bien plus souvent du bois pour rôder près des maisons. Il aurait même été aperçu. Chacun donne son avis sur le Maskilili et son témoignage et les histoires ne sont jamais les mêmes.

Les témoignages concordent pourtant tous sur une chose. Le Maskilili est tout petit, un peu comme un lutin ou un nain de jardin. Il est malicieux mais jamais très méchant. On prétend qu'il emporte les enfants qui traînent seuls la nuit mais ce n'est jamais arrivé. Ce n'est qu'une légende qu'utilisent les parents pour effrayer les enfants afin qu'ils restent bien sages à la maison. On entend souvent les parents s'écrier à leurs enfants :

Ne restez pas traîner dehors sinon le Maskilili va vous emporter.  

Des générations d'enfants ont été traumatisés par ces légendes monstrueuses.

L'une des caractéristique du Maskilili est qu'il est très malin ! On prétend qu'il s'agit d'une créature mi-homme, mi-esprit et que la forêt est son royaume. Il aime particulièrement jouer des tours aux humains.

Un souffre douleur

Le Maskilili a toujours été connu comme un souffre-douleur. C'est celui dont tout le monde se moque, à cause de ses pieds tordus. C'est aussi celui que tout le monde accuse après la disparition de quelque chose dans les villages : un poulet manquant à l'appel, une casserole disparue, un enfant qui s’égare en forêt, etc.

On accuse également les maskililis de jeter des malheurs sur les populations, tels que les maladies des enfants. Tant est si bien que les maskililis se sont mis à haïr des hommes qu'ils considèrent comme mauvais et qu'ils ont pris la fuite en forêt pour vivre dans l'errance perpétuelle. Il sont comme des animaux traqués, terrorisés, détestés.

Mais de mémoire, il n’a jamais été question d’attaques de maskilili. Ce petit monstre semble être juste un peu joueur et il n'existe aucun témoignage comme quoi il vivrait en groupe. Le Maskilili est un monstre solitaire.

Le handicap du Maskilili avec ses pieds à l'envers ne lui permet pas de s'enfuir très vite quand il est en danger ou qu'il est poursuivit par les hommes. C'est pour cette raison qu'il est obligé de constamment se cacher pendant la journée. En cas de nécessité, il a appris à utiliser tous les supports à sa disposition : lianes, branches, troncs, etc. Au lieu de freiner sa progression ses obstacles lui sont autant d’appuis, de points d’ancrages, de supports et de tremplins. Pour dérouter les chiens, la voie des arbres est la seule possible, jusqu’à la prochaine crique. Il saute de branche en branche, fidèle à sa réputation de disparaître sans laisser de traces.

L'intrusion des hommes en forêt est propice au Maskilili pour tendre des pièges. Il refuse en effet que cette espèce destructrice s’installe dans son royaume et il pratique une résistance farouche. Sa technique est principalement le harcèlement. Des vols ou des destruction de matériel sont souvent attribués au Maskilili. Il provoque des chutes d'arbres mystérieuses sur les campements. Tout est bon pour nuire à l’intrusion des hommes en forêt.

L'origine du Maskilili

Le nom Maskilili désigne à l’origine un esprit de la tradition amérindienne. Il est toutefois plus connu comme un personnage emblématique des contes créoles où il se manifeste comme une sorte de lutin malin. Au Brésil, on le nomme « Curupia » ou « Curupira ».

Le maskilili serait le fruit d’un brassage culturel. En Guyane il existe plusieurs populations qui parlaient plusieurs langues, que ce soit des dialectes venus d'Afrique ou des langues Amérindiennes, mais nous ne savons dans quelles langues initiales est apparu le terme « maskilili ».

Un peu plus au nord, à Bélize, on rencontre la tradition de Pia Manadi. Pia serait un héros culturel Caraïbe de la Guyane, un génie de la forêt dans la mythologie indigène (un genre de Maskilili) ; il est un des frères jumeaux du soleil. « Manadi » pourrait dériver de « Wanadi motai », héros culturel des Ye’kuana (famille linguistique caraïbe) du Bolivar (Colombie) et de l’Amazonas (Venezuela). Pia Manadi est une représentation dramatique interprétée à l'époque de Noël. Elle est récitée et dansée et dérive probablement des mumming plays (pantomimes) de l’ancienne Angleterre. On retrouve ce phénomène dans d’autres îles des Caraïbes Britanniques où il porte d'autres noms. Dans les îles de St. Kitts & Nevis, les « mummies » sont des pantomimes accompagnées de fifres et de tambours.

La Pia Manadi se distingue des autres pantomimes. Cette forme de théâtre populaire fait en effet appel à une action dramatique, qui représente la mort et la résurrection d’un des acteurs. Pia (un homme) et manadi (littéralement « manatée » : homme habillé en femme dans la mascarade) sont deux personnages comiques du spectacle, auxquels viennent s’ajouter d’autres masques comme le Vieux, le Diable, le Docteur. Il ne faut pas oublier que cette cérémonie a ses origines dans les rites chamaniques de guérison des Caraïbes. Le spectacle est accompagné par un groupe de fifres et tambours (grosse-caisse et tambour) qui jouent des petites marches.

Nous sommes ici bien loin du Maskilili de Guyane mais ça montre qu'on retrouve des origines très variées, mais néanmoins communes, aux légendes anciennes des contrées amérindiennes. Ça peut expliquer pourquoi le Maskilili se rencontre souvent à l'époque du Carnaval. Il est lié à ces pantomines qui étaient autrefois jouées à l'époque des fêtes et qui faisaient appel à des monstres de la mythologie.

Les chercheurs d'or seraient à l'origine de cette légende

Dans les temps anciens, une grande partie de la population guyanaise vivait en forêt, occupée à la récolte du bois de rose et du balata ou à la recherche de l'or.

Lorsque le Maskilili apercevait quelqu'un, il se faisait une véritable fête. Tout bon génie qu'il était, il se métamorphosait chargé d'or, tel un mirage. L'être humain n'en croyait pas ses yeux. A peine les avait-il clignés que le petit génie avait déjà disparu. Attiré par son chargement magique de pépites, l'homme cherchait alors à le retrouver. C'est alors qu'il distinguait sur le sol des traces de pas qu'en réalité le génie avait imprimées avec ostentation pour séduire celui qui convoitait son or.

Ce dernier suivait les traces qui s'enfonçaient dans la forêt très épaisse...

Le Maskilili affichait une particularité physique dont il usait avec malice pour égarer son suiveur dans la forêt dense : il avait les pieds à l'envers, tournés dans le sens contraire de celui de la marche. En croyant le suivre, l'homme, en fait, s'en éloignait et se dirigeait vers l'antre d'où était venu le diablotin.

Après avoir beaucoup marché et tourné en rond dans la forêt, l'homme était tout à fait perdu ! C'est le moment que choisissait le Maskilili pour réapparaître autour de lui et le taquiner avant de le provoquer en un combat singulier.

Le lutin possédait une force démesurée qui le rendait invincible face aux hommes. Le combat était perdu d'avance pour le chercheur d'or isolé.

Le Blues du Maskilili

Marc Barrat
Le Blues du Maskilili est un film, plus exactement un court métrage réalisé par Marc Barrat. Marc Barrat est à la base un orpailleur comme il en existe beaucoup en Guyane. Il est né en 1967 en Guyane et voici un résumé de son parcours. À l’âge de 15 ans, il quitte sa terre natale pour la métropole. En 1987 il s’inscrit à l’ESRA de Paris. À partir de 1990, il travaille comme assistant à la réalisation de spots publicitaires et de nombreux longs métrages pour le cinéma et la télévision.

Parallèlement à cette fonction d’assistant, il se lance dans la réalisation de ses propres créations avec son premier court métrage : Le blues du Maskilili. Il l'a entièrement écrit, produit et réalisé en 1998. Le film s'inspire de la légende du Maskilili, ancré dans la tradition des contes guyanais.

Ce film fut tourné en Guyane. Il ne dure que 20 minutes mais sera sélectionné dans une vingtaine de festivals français et étrangers, et primé à cinq reprises.

En raison de ce succès, entre 2001 et 2004, le Ministère de la santé lui confie la réalisation de 14 courts métrages de prévention pour la lutte contre le SIDA en Guyane.

En 2008 il réalise son premier long métrage qui s'intitule « Orpailleur ». Le scénario figure parmi les lauréats des « trophées du premier scénario » du CNC.



Sources :
Ouebtv, un site de Saint-Laurent du Maroni, un héritage folklorique
ChezPurple, blog, le Cabinet de Curiosité(s)
docseven, blog, 7 croyances terrifiantes d'Amérique du Sud
Site de la Ville de Cayenne, Etres fabuleux et génies de Guyane
Journal France Guyane, Sur les traves (à l'envers) du Maskilili
Une saison en Guyane, périodique, conte
Fier d'être guyanais, blog wordpress, Le maskilili, monstre de la forêt
ainsi qu'une compilation d'autres sources provenant d'une recherche documentaire (livres, revues papier, etc.)


 
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Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le , il y a moins d'un an.