Le culte d'Éleusis

Culte d'Eleusis
Éleusis est une ville de Grèce située à vingt kilomètres environ à l'ouest d'Athènes, en bordure de la mer dans la plaine fertile de Thria. Le mythe d’Eleusis tire ses sources de l’hymne de Déméter attribué un temps, et semble-t-il à tort, à Homère. Les mystères d'Éleusis vont imprimer une marque durable sur tous les autres cultes antiques. Fort anciens – on sait qu'ils existaient dès le VIIe siècle av. J-C –, ils rendent hommage à Déméter qui est dans la mythologie grecque la déesse de la terre, la divinité de la fertilité, la déesse des céréales et des richesses, et à sa fille Perséphone (ou Coré qui veut dire « jeune fille »). Elle est sans doute aussi l’incarnation grecque de la déesse phrygienne Cybèle, et probablement de l’Isis Égyptienne. A Rome elle deviendra Cérès, la déesse du blé qui donnera son nom aux céréales.

Déméter est fille de Cronos et de Rhéa, et donc sœur de Zeus avec lequel elle eut une fille, Coré. Selon le mythe de cet ancien texte, cette dernière est enlevée par Hadès, dieu des enfers, qui, voulait faire de Coré sa femme. Rien d’anormal dans une culture où le mariage entre oncle et nièce permettait de conserver le patrimoine familial. Zeus sachant que Déméter refuserait, laissa entendre à son frère Hadès, que s’il ne pouvait donner son assentiment, en revanche il n’interviendrait pas autrement dans l’affaire.

Alors que Coré cueillait des fleurs en compagnie de jeunes amies, la terre s’ouvrit et Hadès, dieu des enfers, enleva la jeune fille en l’emporta vers le royaume des ombres. Déméter alertée par la disparition de sa fille se mit à sa recherche faisant intervenir Hécate (la lune) et Hélios (le soleil). Elle part à sa recherche, déguisée en vieille femme.

 

L'errance de Déméter

Pour se venger de l'enlèvement de sa fille, Déméter se retira de l’olympe et se mit à errer à travers le monde, devant subir çà et là les assauts de Poséidon, la traque de Pan, ou les tentatives de persuasion des Moires. Au cours de son errance, elle distribue bienfaits et maléfices selon la façon dont elle est accueillie.

Dans une autre version Déméter, déguisée en vieille femme, est prise en pitié par une fille du roi Céléos (près d’Eleusis). Accueillie chez ce dernier, elle devient la domestique de la reine d'Éleusis et finit par se charger de l’éducation de son dernier né, Démophon, qu’elle tentera de rendre immortel. Découverte avant d’avoir atteint son but elle dû révéler son identité divine et exigea que lui soit élevé un temple à Éleusis afin que soit accompli les nouveaux rites et que les citoyens de la ville lui vouent un culte. Déméter se retire dans ce temple, refusant la compagnie des dieux et laissant dépérir les cultures. Finalement Zeus, qui avait donné Coré à Hadès, comprit qu’il fallait intervenir faute de voir les hommes disparaître. Il accorda que Coré soit rendue à condition qu’elle n’ait pas mangé durant son séjour aux enfers. En effet quiconque mangerait dans ces lieux serait à jamais prisonnier d’Hadès.

Forcé par son frère de relâcher Coré, Hadès offrit à cette dernière une grenade la faisant ainsi tomber dans le piège. Coré dû admettre avoir mangé en enfer, mais un compromis fut accepté par chacun. Coré, devenue Perséphone, devait passer un temps sous terre et un temps sur terre. Donc Zeus accepte que celle-ci revienne sur terre, sauf quatre mois par an (l'hiver) durant lesquels elle doit retourner aux Enfers. En échange, Déméter accepte d'expliquer l'art de l'agriculture aux humains.

Une origine crétoise

L'origine égéenne des mystères d'Éleusis ne fait plus de doute. Ils sont probablement venus de Crète à une date préhistorique. Il y a ensuite eu un mélange avec les divinités grecques, un genre de syncrétisme.

Le nom de Déméter, dans ses diverses formes, présente un premier élément d'origine préhellénique qui pourrait bien correspondre au mot grec qui représente la Terre. On peut donc imaginer que se pratiquait à Éleusis un culte rustique rendu à deux déesses primitivement anonymes, et qui serait la continuation des rites agraires de la Crète minoenne.

Il est intéressant de voir apparaître la grenade comme fruit défendu. En effet dans certains récits le fruit mangé par Ève n’aurait pas été une pomme mais une grenade. D’ailleurs, et sans en tirer de conclusion, nous remarquons qu’en anglais le mot grenade se traduit par « pomegranate » et en allemand par « granatapfel » (apfel=pomme).

A l'origine indépendante, la cité d'Éleusis fut très vite englobée par Athènes, ce qui facilita le développement des mystères d'Éleusis à travers toute la Grèce au point où les fêtes religieuses du culte d'Éleusis devinrent des fêtes d'État du monde athénien.

Les fêtes Mysteria

Les fêtes – appelées « Mysteria » – célèbrent à la fois les bienfaits de la déesse Déméter, demandent la protection des cultures, et témoignent du cycle de la vie. Tout comme Perséphone passe quatre mois en enfer avant de revenir sur terre, le grain de blé germe, se développe et meurt pour renaître par la suite.

A Éleusis, chacun peut se faire initier, homme, femme, simple citoyen ou empereur. Parmi les initiés célèbres, on compte Marc-Aurèle, Hadrien, Auguste, Cicéron (Platon ce n'est pas sûr). On se rendait en procession d'Athènes à Éleusis, en suivant la « Voie sacrée » pour participer à une célébration nocturne dans le bâtiment des initiations, le téléstèrion, qui pouvait contenir des milliers d'initiés.

Le nom de Coré veux dire « la jeune fille » mais celui de Perséphone veut dire « le meurtre de Persea » et c’est pourquoi, ayant mangé du fruit, Coré devint Perséphone. Le persea est un fruit qui a disparu des régions sud méditerranéennes, mais une espèce subsiste à ce nom, et l’avocat en est un des fruits les plus connus. Pur hasard ? Mais chez les indiens ce nom signifie testicule.

La symbolique agraire est évidente dans ce mythe. Coré est la graine donnée aux forces chtoniennes pour qu’après s’être transformée dans le monde d’Hadès elle revienne à la vie pour une nouvelle génération. Au-delà, le voyage de Coré en enfer est celui de l’âme dans le monde souterrain, et en quelque sorte fait de ce culte une sotériologie, c'est-à-dire une religion du salut. Mais le mythe n’est pas rendu à Coré mais à Déméter. Alors comment ne pas détecter dans ces deux religions à mystère que sont les cultes Eleusinien et Dionysien les symboles du pain et du vin, le corps et le sang du Christ, repris dans la célébration de la messe chrétienne.

La symbolique chrétienne dans le culte d'Éleusis

Certains y voient des symboles chrétiens dans le culte d'Éleusis : celui du pain et du vin qui correspondent au corps et au sang du Christ. Comme souvent, les symboles offrent un foisonnement de possibilités qui, s’il satisfait l’intellect n’apporte pas de signification absolue. Aussi faut-il se résoudre à trouver dans ces symboles une simple piste de réflexion ou de recherche, mais certainement pas une révélation qui, elle, demeure une récompense qui n’est peut-être pas destinée à notre raison.

Ainsi la piste « grenade » conforte le message agraire/génération du mythe en lui ajoutant une notion nettement sexuelle. En effet le fruit lui-même est parfois assimilé à la vulve. La couleur rouge intense nous fait penser au sang dont est fait Adam (terre rouge), et le mythe tout entier semble être celui de la génération qui ne peut se perpétuer qu’en passant par les enfers, qui en l’occurrence n’est pas le domaine des damnés mais celui des morts, le passage obligé qui exige que la graine meure pour renaitre.

Les mystères d'Éleusis évoluent

Les hiérophantes, ou prêtres d’Éleusis, portaient des couronnes de grenadier sur leur tête lors des rituels, mais il leur était interdit de manger de ce fruit qui avait la réputation de faire descendre les âmes dans les corps. Les rites d’initiations se déroulaient en plusieurs étapes. Dans un premier temps le myste était initié aux petits mystères. Un an plus tard il pouvait se faire initier aux grands mystères dans une cérémonie se tenant au Telestérion d’Eleusis et qui durait neuf ou dix jours selon les sources. L’initiation aux grands mystères était garante de vie éternelle et conférait le salut.

Les mystères d'Éleusis se transforment au cours des siècles, incluant des éléments dionysiaques et orphiques. Mais contrairement à d'autres mystères qui peuvent être célébrés dans des lieux différents, ils restent fixés à Éleusis. Ils disparaîtront à la fin du IIIe siècle ap. J.-C., lors des invasions goths. Le culte des mystères s’est éteint à la suite à la mise à sac du sanctuaire par les wisigoths en 395.

Au cours de leur évolution, les mystères d'Éleusis se sont ouverts d'abord à tous les Grecs, puis à tout homme ou femme, libre ou esclave, parlant grec. Les mystères d'Éleusis représentent une des formes les plus élevées de la spiritualité grecque, et leur fortune a été considérable durant des siècles, dans l'ensemble du monde antique.

Au XIXe siècle, certaines loges franc-maçonniques ont tenté de faire renaître le culte des mystères d'Éleusis en s'appuyant sur le cérémonial et les rites antiques.

La symbolique freudienne cachée dans le culte d'Éleusis

Certains auteurs modernes ont vu dans le mythe de Coré le symbole de la descente dans le subconscient en vue d’y libérer le désir refoulé. Cette tendance freudienne entre autre de chercher dans les symboles mythologiques des supports à des théories modernes ne sont pour nous qu’une forme recyclée de l’interprétation mythologique. La mythologie est, comme l’astrologie, une mise en scène des forces qui construisent l’homme et l’univers. Elles agissent dans le monde psychique qui est celui des intentions et se réalisent selon les mêmes dynamiques dans le monde physique. Une même force va produire dans le monde minéral un nouvel élément, dans l’animal une nouvelle espèce et dans le psychique une problématique, une idée, un concept, une solution.

C’est à notre sens tout le mystère de la mythologie, et il n’est pas sûr que l’intellect à lui seul suffise à notre compréhension. Nous pouvons donc nous poser la question de savoir si cette religion à mystère qu’était le culte Eleusinien, se satisfaisait d’une sorte d’initiation du type maçonnique où tout n’est que symbole, ou alors conférait-elle par la pratique de certains rituels ou l’utilisation de certains psychotropes un véritable voyage initiatique du type chamanique. Rien n’a pu transparaitre et nous ne pouvons que faire des conjectures.

La récupération maçonnique des Mystères d'Éleusis

Les initiations du culte d'Éleusis se déroulent en sept étapes d'initiations :
Petits Mystères
Grands Mystères
Epoptie
Holoclères
Sacerdoce
Initiation royale
Initiation suprême

Au cours de ces initiations se dégagent la purification qui vise à se libérer des contraintes, des astreintes, de la matière, du carcan du corps pour tendre vers l'aspiration et les retrouvailles avec soi-même. L’initiation apparait comme un rite de passage particulier.

Le chemin vers cette vérité est long et difficile et nécessite l'intervention de guides spirituels appelés « mystagogues ». Il y a une descente aux enfers avec une élévation vers la lumière. Le tout vise à atteindre les voies du Bonheur.

Ce sont des idées très lisibles par les Franc-maçons qui les ont adopté tout naturellement. Les Franc-maçons se retrouvent le culte d'Éleusis qu'ils considèrent même parfois comme la source de leurs traditions. Ils arrivent même à relier les Mystères Antiques aux Mystères Modernes à travers une kyrielle de symboles auxquels ils donnent des explications perceptibles et compréhensibles par leurs adeptes.

Demeter confie l'épi de blé
Déméter confiant l'épi de blé
Du peu que l'on connaisse des Mystères d'Éleusis, si bien gardés, si peu transgressés, on sait quand même que l'initiation au troisième grade fait à l'Epopte la Révélation ultime par le symbole de l’Épi de blé moissonné en silence appelé « l'illuminateur parfait » et du Phallus dressé pour la génération.

Le chemin de l'Initié est parsemé de symboles tout au long de son long voyage de l'obscurité vers la Lumière, du corps vers l'âme pure. On y ajoute des éléments venant de philosophies et religions les plus diverses : la Monade, les Sceaux, l'Unité parfaite de la matière, le principe des choses matérielles et des choses spirituelles. On y retrouve même des ingrédients venant tout droit de l'hermétisme mais la sauce prend et de plus en plus d'adeptes croient dur comme fer pratiquer le culte d'Éleusis tel qu'il se pratiquait dans l'Antiquité.

Aidé par un mystagogue, l'adepte progresse lentement mais surement vers la Lumière lointaine, élevée. On lui promet une élévation spirituelle, un dépassement de soi, un développement personnel, la Révélation.

Toutes les énergies de l'homme rassemble la Lumière de vie pour générer, perpétuer, renaître et exprimer l'essentiel de la vie, la vie essentielle. Or, dans l'initiation, l’hiérophante qui s'unit à la prêtresse de Déméter pour célébrer l'Union, est rendu infécond par la ciguë et l'accouplement se précipite dans le spirituel. Le Phallos pour symbole de la Lumière semée dans l'homme qui naît, symbole de la raison humaine produit de l'union de la Pensée et de l'Âme.

Les rites de passage d'un grade à un autre, ou tout simplement pour être admis dans la confrérie, sont souvent matérialisés par des cérémonies comportant des rites sexuels et des pénétrations. C'est le plus souvent des rituels mono sexué destinés à ouvrir l'accès à des sociétés secrètes ou à des secrets, à des groupes fermés ou discrets ou à des confréries fermées. Les adeptes doivent s'y plier s'ils veulent évoluer vers la lumière. Et c'est ce qu'ils font car ils sont convaincus que le niveau supérieur est plus beau.


 
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