Tambor de Mina

Tambor de Mina
« Tambor de Mina » est le nom donné, dans l’état de Maranhão, aux religions afro-brésiliennes quelles qu’en soient les origines ethniques. On le retrouve également dans les états de Piauí, Pará et Amazon. Le mot « tambor » dénote de l'importance de l'instrument dans les rituels du culte Mina. Le tambour est l’instrument central du cérémonial.

Le mot « Mina » était le nom donné aux esclaves en provenance de Côte de l'Or et rassemblés dans le château St George Elmina et le fort Saint-Jacques à El Mina (dans la République actuelle du Ghana). Il s'agissait d'esclaves en provenance du Togo, du Ghana, du Bénin et du Nigeria. Mina est également le nom donné à toute la côte africaine située à l’Est du Fort Mina, dans l’actuel Ghana, dont étaient sensés provenir les esclaves. Il y une assimilation au port d’embarquement d’Elmina dont les esclaves provenaient. Il était de coutume d’appeler les esclaves en fonction de leur port d’embarquement, comme c'est le cas pour les Kromanti qui étaient rassemblés à Fort-Kormantin.

 

La Mina Jeje et la Mina Nagô

Carte traite des esclaves
On peut distinguer le Tambor de Mina en deux catégories : la Mina Jeje et la Mina Nagôs. La Mina Jeje correspond au culte Vodun de la région de l'entrepôt d'El Mina où les esclaves africains étaient rassemblés avant d'être expédiés vers le Brésil. Les ethnies sont diverses : Mono (Bénin), taxis, Fanti, Ashanti, Fon, Ewe et bien d'autres. Ils ont été emmenés à l'état de Maranhão. Jeje-nagô est le terme utilisé pour désigner la fusion des cultures Jeje et Nago (Yoruba), principalement dans les religions afro-brésiliennes qui pratiquent le Vodun mais adorent également les Orishas du peuple Yoruba.

Beaucoup de Yoruba apportés d'Afrique à Bahia ont été appelés « nagô », un terme utilisé par les Français pour désigner la côte africaine des esclaves qui parlent la langue Yoruba. Les Jeje (appelés "brebis" par les français) provenaient du Dahomey. Sur le plan religieux, il s'est produit une fusion entre la mythologie Yoruba et Jeje, il est donc difficile de les distinguer.

La pratique fondée sur la tradition Fon-Ewe est la plus ancienne et la plus traditionnelle. Elle reprend la mythologie Dahomey avec une vénération des voduns limités à trois familles.

Dans la Tambor de Mina les croyances africaines, européennes, et amérindiennes se confondent et semblent parvenir à créer une identité brésilienne à part entière où la concurrence des cultes fait place à leur complicité. La Tambor de Mina est donc une représentation typique des syncrétismes afro-américains qui rappelle à notre attention que le christianisme et les animismes africains se sont livrés des batailles sur des terres déjà habitées par leurs propres divinités.

Naissance de la Tambor de Mina

L'Etat de Maranhão était une destination importante pour la main d'œuvre de travail africaine, en particulier au cours du XIXe siècle (de 1750 à 1850). La traite des esclaves au Brésil est concentrée dans la capitale de cet état, dans la vallée de l'Itapecuru et les marais Maranhense, les zones où il y avait un grand nombre de plantations de coton et de canne à sucre. Ceci a contribué à faire de São Luís et Alcântara des villes célèbres construites par le travail des esclaves. C'est là qu'est né le culte de la Casa da Mina.

Le premier « terreiro » apparu à Sao Luis, capitale de l’état, et probablement fondé par Na Agotine épouse d’Aglondo et mère du roi du Dahomey, Guezo, vendue comme esclave à la suite de conflits reposant sur la succession.

Transes et possessions

Comme d' autres religions d'origine africaine au Brésil (candomblé, Umbanda, Xango, Xamba, Batuque, Toré, Jare et autres), la Tambor de Mina se caractérise par une religion initiatique incluant des transes ou de la possession par les esprits. L'initiation traditionnelle à la Tambor de Mina, en dehors des cérémonies publiques, est réalisée avec une grande discrétion pour des raisons de communautés religieuses et peu de gens reçoivent le plus haut degré ou l'initiation complète.

A l’instar de la Casa da Mina et du terreiro ouvert ultérieurement, la Casa Nagô, la Tambor de Mina pratique un rituel mina-jéjé d’inspiration Fon-Ewe (Dahomey) et un rituel mina-nagô d’inspiration Yoruba (Nigéria) et ceci bien qu’il n’existe aucun liens entre les cultes Nagô et Casa.

La discrétion dans les pratiques, notamment celle des transes, et le comportement général est une caractéristique frappante de la Tambor de Mina, considérée par beaucoup comme une franc-maçonnerie des Noirs. Elle présente toutes les caractéristiques des sociétés secrètes. Dans la plupart des enceintes sacrées du culte ne pénètrent que seuls les initiés.

La transe de la Tambor de Mina est très faiblement perceptible. Ce n'est pas aussi spectaculaire que dans d'autres cultes qui pratiquent le vaudou. On la remarque parfois par de petits détails vestimentaires. Dans de nombreux foyers, au début de la transe, la personne fait beaucoup de tours sur elle même dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, peut-être pour entrer en transe. Ca donne un bel effet visuel de danse. Habituellement, quand une personne entre en transe elle reçoit un symbole, comme une serviette blanche nouée à la taille ou un foulard enroulé autour de la main ou du bras, appelé « pana ».

Un culte pratiqué par les femmes

Tambor de Mina
Dans la Tambor de Mina, environ 90% des participants au culte sont des femmes et donc certains parlent de religion matriarcale. Les hommes jouent principalement la fonction de joueurs de tambours, qu'on appelle des abatás, d'où le terme d'abatazeiros. Ils prennent également en charge certaines activités du service, comme l'abattage rituel des animaux, le transport de certains objets qui doivent être déposés sur les lieux du culte, etc. Certaines maisons sont dirigées par des hommes et ont une plus grande présence d'hommes, qui peuvent même se retrouver dans les cérémonies de danse.
 

Similitudes avec le chamanisme

La Mina Nagô semble avoir intégré des pratiques ancestrales des indigènes d'Amazonie. Elles se rapprochent beaucoup du chamanisme et font appel au milieu naturel.

La Pagélance

Dès les premiers temps de la colonisation on relate l’existence d’une religion chamanique appelée « pagélance ». Ce culte fait référence au « pagé » qui est le medecin-man. Ce dernier utilise le tabac et différentes drogues telles que le jurema pour arriver à une transe dans laquelle il sera possédé par les esprits. C'est de ces esprits qu'il recevra les conseils et les recettes pour préparer des potions destinées à guérir d'une maladie ou encore pour faire venir la pluie ou combattre le mauvais sort.

La Santidade

Plus tard un indien élevé par les jésuites (Antonio) va s’évader et créer sa propre religion, la « santidade », qui n'est rien d'autre qu'un mélange subtil de chamanisme et de catholicisme. Le dieu vénéré dans la Santidade est une idole en pierre. Les adeptes de cette religion portent de petites croix et un rosaire. Antonio s'auto-proclame Tapanasu (l'équivalent de Pape). Dans ce culte les traditions indiennes sont conservées avec notamment l'usage de drogues psychotropes et de tabac.

Le Catimbo

Le Catimbo est un culte syncrétique entre les Cabocles et les racines brésiliennes, parfois Gitanes ou Africaines. Les esprits guérisseurs sont d'origine amérindienne. Les Mestres sont des esprits brésiliens. Le médium fait des invocations pour résoudre les problèmes de ses clients. La transe et la possession fait partie du Catimbo. Cet état de conscience est obtenu par l'utilisation de jurema et de tabac.

Le Tereco

Le Tereco est une religion récente, également connue sous le nom de « mata », sans doute d'origine bantoue. Ce culte incorpore la magie thérapeutique dans ses usages. Le Tereco est très proche du chamanisme et d'ailleurs le mot « mata » signifie « forêt ». Les pratiques de la Pagélance sont reprises et en particulier l'utilisation des drogues.

Effigie religieuse de la Tambor de Mina

La Mina Nagô intègre ses pratiques

La pagélance, la santidade, le catimbo et le Tereco sont avant tout des pratiques de médecine traditionnelle qui comportent des protections contre les envoûtements. On les assimiles à de la sorcellerie.

La Tambor de Mina est considérée comme une religion car elle perpétue les croyances africaines en leurs divinités ancestrales. Pour éviter de tomber sous le coup de la répression, les pratiques de pagélance, santidade, catimbo et tereco se sont dissimulées au sein de la Mina Nagô.
 

Les différentes « loges » de Tambor de Mina

Tambor de Mina

De nouvelles maisons s'ouvrent encore
Comme vu ci-dessus, il existe deux modèles principaux de la Tambor de Mina de Maranhao : la Mina Jeje et la Mina Nago. La première semble être la plus ancienne et s'est installée autour de la Casa Grande das Mina (Querebentan de Zomadônu), la plus ancienne loge, qui doit avoir été fondée à St. Louis dans les années 1840. La seconde, qui est presque contemporaine, et qui perdure encore aujourd'hui, est la Casa Nagô. Elle est située dans le même quartier (San Pantaleon) à un pâté de maisons.

La Casa Grande das Mina est unique, il n'y a pas de maisons qui lui sont affiliées. Aucune autre ne suit complètement son style. Dans cette maison, les chansons sont en langue Jeje (ewe-Fon) et on ne vénère que des divinités nommées voduns. Mais malgré qu'il n'y ait pas de maisons affiliées, le modèle de la Tambor de Mina est fortement influencé par la Casa Grande das Mina.

Les rituels et croyances du culte Nagô sont plus complexes et plus étendus. Bien entendu ils vénèrent en premier les Orishas (Ogun, Xango, Badè, Yemanja) mais aussi quelques voduns comme Doçu, Avrekete, Ewa, Légo). Pour ces deux catégories de divinités les chants sont prononcés en langage Nagô (Yoruba). Déjà en syncrétisme avec le christianisme, la Mina Nagô étend ses vénérations (cette fois en portugais) aux entités d’origine européennes, amérindiennes et cabocles (métissage entre européen et amérindien). Au Maranhão le terme cabocle ne se restreint pas aux seuls individus ou entités d’origine indienne, mais inclut les « gentils » ou les européens, les esprits du royaume de Turquie, et les esprits indiens.
 

Les Maisons de culte à Saint-Louis

La Casa Grande das Mina

La Casa Grande das Mina ou Querebentã Toy Zomadonu a été fondée à la moitié du XIXe siècle par, selon Pierre Verger, Nã Agotimé de la famille royale de Abomey, épouse du roi Agonglo, mère du roi Guézo du Dahomey. Elle a été amenée comme esclave au Brésil où elle fut connue sous le nom de Maria Jesuína. La Casa Grande est dédiée au culte des vodun jeje, qui sont organisées en familles.


Les trois familles de la Mina jéjé

La première famille est celle des esprits hôtes de la Casa da Mina principalement Zomanodou, qui, comme les autres membres de cette famille, fait partie de la famille royale du Dahomey. On retrouve les divinités Davice, qui est le principal, Dambirá (Damballah), Quevioçô (xevioso), Aladanu et Savalunu.

Vient ensuite la famille Kievoso, le représentant des phénomènes célestes tels que la foudre sous toute ses formes (Bade, Avrekete, Loko, Lisa) mais aussi quelques entités attachées à la mer (Abe).

En troisième position arrive la famille de Dan ou Dambira : les dieux de la terre porteurs de maladies, la variole.

Histoire de la Casa Grande

Elle est considérée comme la plus ancienne maison de Tambor de Mina de tout le Maranhão. Elle est située sur la rue de Saint-Pantaleon, dans le centre historique de Saint-Louis. Elle a été dirigée par des matriarches de renom comme Nochê Andreza de Poliboji et Nochê Amelia Docu qui ont grandement contribué à la reconnaissance de son identité propre au Dahomey. Avec la mort du dernier vodunsis-hê, tante Celeste Averequete, en 2010, la loge a continué sous la direction de Nochê Denil de toy Lepon. Apparemment, en dépit de leur grande représentation culturelle, le culte des voduns de la Casa Grande de Mina a disparu avec la mort du dernier vodunsi, D. Denil, le 8 Février 2015.

La maison Nagô

La Maison Nagô (någon Abioton) a été fondée par la tradition Yoruba des Africains et plus précisément celle venant de Abeokuta. Elle a donné lieu à d'autres communautés religieuses à Saint-Louis où les entités africaines sont vénérées, qu'elles soient jeje - nagôs ou Yoruba : Docu, Averequete, Ewa, Légo, Acóssi, Sakpata, Nanã, Xapanã, Ogun, Xango, Badè, Yemanja, Lissa, Naeté, Sogbô, Avó Missã entre autres; ou de type européenne ou métisse d'origine indigène : Mgr Louis roi de France, Don John, Don Floriano, Dom Sebastião, Toy Zezinho de Amaramadã, roi de la Turquie, Ricardino S., S. le vieux Cabocle, Princesse D'Oro, S. guerrier, D. Mariana S. Légua Boji, S. João da Mata et beaucoup d'autres. Selon les rapports, elle a été fondée à l'époque de D. Pedro II par malungos de la "Nation" africaine, aidé par le fondateur de la Casa Grande das Mina. Situé dans la Rue Créole, au cœur de Saint-Louis, la Maison Nagô est considérée comme la maison sœur de la Casa Grande das Mina, qui, avec elle, a influencé les autres communautés religieuses de Saint-Louis.

D'autres communautés religieuses anciennes méritent d'être mentionnées

Terreiro de Belém, la Severa Soeiro, ou simplement Vó Severa, de Cambinda nation africaine, qui est venu de Saint-Benoît à Saint-Louis en compagnie de son maître esclave. Il avait son apprentissage à la maison et était la troisième maison nago ouverte de l'Afrique dans l'Etat du Maranhao. Il est mort le 14 Juillet 1937, après sa mort, la loge a essayé de se relever, mais est tombée en déclin et a survécue jusqu'à la fin des années 60;
Terreiro foi en Dieu, de Maximiana consacrée au début au Vodun Pedro Agassou. Elle avait lieu dans le quartier de Jean-Paul puis à Angelim jusqu'à sa disparition. Il est connu que Maximiana a maintenu des liens étroits avec les communautés religieuses de Codó, mais personne ne sait exactement où il a été lancé. Bien que disparue, la loge a été documentée par la Mission de recherche Folklorique de Mário de Andrade en 1938, l'immortalisant à travers les documents audiovisuels;
Terreiro de saint Benoît, fondée le 10 Août 1896, par Maria Cristina, vodunsi de la maison Nago. Consacrée au Vodun Averequete, elle est la troisième plus ancienne maison de culte africain de Saint-Louis qui reste encore opérationnelle aujourd'hui. Elle est dirigée par D. Mundica Star, et son siège social, depuis sa fondation, est dans la localité connue sous le nom de site Justino, dans Vila Embratel;
• la Nhá Mary Alice (Alice Cruz), vodunsi de la maison Nago. La loge a disparue. Elle était propre à la nation felupe ou fulupa et se trouvait à Sacavém;
• la Garde-Mor Rose;
• Manoel Votre Saint. Manuel Zeferino dos Santos (Votre saint) était un Nigérian asservi qui fonda une loge qui a travaillé sur la rue do Passeio, au centre de Saint-Louis, vers la fin du XIXe siècle. Manoël Votre Saint est le premier prêtre de la Mina masculin dans une religion essentiellement matriarcale. Son nom apparaît à plusieurs reprises dans les journaux locaux entre 1896 et 1898, étant appelé péjorativement comme « faiseur de miracles » et « chef suprême de chamanisme ». La loge a été la cible de plusieurs attaques de la police, et leurs biens religieux saisi et leur chef arrêté. La loge de Manoel, différente des autres maisons de Mina, est désignée comme étant la première à promouvoir des sessions de guérison ou le chamanisme, le mélange de culte africain et de culte Amérindien interviennent. Manoël est devenu célèbre pour la promotion de sessions miraculeuses et ainsi, peut-être, a été poursuivi par les autres maisons. Craignant la persécution de la police, le culte s'est déguisé sous le couvert de la dévotion catholique, en particulier la Santa Barbara et San Sebastian. La cour de Manoel Votre Saint a donné naissance à d'autres loges :
• Terreiro de Baron de Kota (tradition Cambinda) et
• Terreiro Turquie (nife Olorun) Nation Tapa (Nupe), créée le 23 Juin 1889, par Noche Anastasia Lucia dos Santos (Akisi Obenan);
• Terreiro de Manuel Colasso, avec l'assistance spirituelle de Mère Anastasia a conduit la Mina à Belém (PA), puis à Rio de Janeiro.

Une richesse culturelle inégalée

La richesse du culte et sa particularité peut être vu dans la liturgie, les instruments, les costumes, le comportement des entités et dans les chansons qui sont en langue Jeje ou nago. Outre les chants traditionnels chantés en l'honneur des voduns, il existe diverses incantations en portugais et des litanies en latin. Cela est dû au fait que la Tambor de Mina, sauf pour la Casa Grande de Mina, est un mixte d'éléments Nagô (Yorubas), Jeje (ewe-fon), Fanti-ashanti, ketu, agrono ou Cambinda (Angola - Congo), indigène et européenne (catholicisme romain). Pour cette richesse culturelle et ce syncrétisme propre présents dans le culte, ces éléments coexistent en harmonie. Il est presque impossible de séparer le Tambor-de-Mina du catholicisme populaire, du folklore local et de l'encantaria. Il faut également noter, en particulier la plupart des maisons de culte, que la religion est intimement associée à la guérison et aux pratiques chamanistes.



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