Un vice affreux qui décime la jeunesse

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La masturbation, au XIXe siècle, est regardée comme un vice affreux qui « décime la jeunesse ». On lui prête des effets sur la santé à ce point néfastes qu'elle apparaît comme une forme d'autodestruction.

« Cette pratique abominable » , dit, en 1860, un médecin français, a mis à mort plus d'individus que ne l'ont fait les plus grandes guerres jointes aux épidémies les plus dépopulatrices  


Cette horreur et cette peur pénètrent la société occidentale. Elles ont traversé l'Atlantique. « Les mots », lit-on dans un ouvrage américain de 1870,

sont impuissants à décrire les misères que la masturbation vous inflige durant votre vie entière et jusqu'à votre mort. Ces misères vous suivent et vous rongent sans cesse. Mieux vaut encore mourir sur-le-champ que de vous polluer
 

Pour prévenir ou pour guérir le mal, des médecins ou des éducateurs n'hésitent pas à déclarer qu'il faut inspirer aux jeunes gens un véritable sentiment de terreur.

On est, il faut le dire, en pleine période orthogéniste et hygiéniste, si bien décrite par Michel Foucault dans Surveiller et punir. L'époque de l'ère industrielle où se referment les asiles sur les populations minoritaires et « hors normes », où se quantifie le profit, où se catégorisent scientifiquement les perversions, où s'excisent chirurgicalement les lobes cérébraux déficients et les « parties honteuses» afin que nul individu ne dépasse les bornes fixées par le capitalisme naissant. Il n'est qu'à lire le volumineux ouvrage du « bon » docteur Richard von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis, qui présente doctement, telle une galerie de monstres de foire, toutes sortes de cas d'individus « malades» qui d'homosexualité, qui de fétichisme, qui de tendances masturbatoires...

Une des raisons de cette répression est expliquée par Philippe Brenot dans son Éloge de la masturbation : en 1677, Leeuwenhoeck découvre l'existence des spermatozoïdes, à l'époque surnommés « les animalcules ». Dès lors, se masturber rime avec gâcher. En effet, chaque fois qu'on éjacule, c'est quelques milliers de petits animaux qu'on envoie dans les égouts. Quand le capitalisme prônera la défense de la propriété et la thésaurisation des avoirs, pareille activité - la masturbation et donc la trucidation de masse des fameux animalcules - passera pour du pur gaspillage... Question d'époque. Quelque temps plus tard, on produit en usine et le capitalisme thésaurise : interdiction, donc, de se branler. « Efficacité, Rendement, Productivité ».


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