Les sorciers Malabar à la Réunion

illustration Les sorciers Malabar à la Réunion
On désigne à la Réunion sous le nom de Malabars, les descendants d'immigrants de religion hindouiste.

C'est en 1665 qu'arrivent les vingt premiers colons sur l'île de Bourbon. Au début du XVIIIe siècle, quelques travailleurs indiens sont venus travailler dans les plantations de café. Cette culture a été à l’origine du développement considérable de l’esclavage dans la colonie. Ces indiens venaient de la côte de Malabar (Mahé, Goa) et c'est de cette façon qu'on les a naturellement surnommés. L'appellation est restée.

Mais la majeure partie des travailleurs indiens venus à la Réunion fut amenée à la fin du XIXe siècle de la côte de Coromandel et du Sud de l'Inde. Ce n'était pas du tout la Côte de Malabar, cependant, on peut considérer que ce nom fut naturellement maintenu car il avait pour objet de désigner les immigrants indiens.

Certains Indiens ou métis d'Indiens s'indignent aujourd'hui d'une appellation qui a été péjorative à une époque et qui l'est encore parfois. En effet, le terme de « Malabar » est souvent associé à celui de « sorcier ».

 

Les sorciers malabar

Les malabars sont des personnages très important dans les croyances populaires de la Réunion. Ils évoquent pour tout le monde la sorcellerie qui a été apportée avec les immigrants indiens. Il existe cependant d'autres sorciers originaires d'autres cultures (africaine, Comores, etc.). Mais pour les réunionnais on met tout ce beau monde dans le même sac et ce sont tous des « sorciers malabar » (parfois appelés Malbars).

Les véritables sorciers Malabar s'affranchissent de pratiquer une quelconque sorcellerie. Ils prétendent que la sorcellerie vient directement des esprits avec lesquels ils travaillent. Ils n'y sont donc pour rien.

Les esprits en question viennent prendre possession du praticien lors d'une cérémonie où ce dernier entre en transe. Mais l'esprit ne vient pas tout seul. En effet, il est « appelé ».

Les moyens d'appel des esprits sont très divers. On utilise généralement une petite clochette ou un « tambour à Esprits ».

D'autres instruments sont utilisés par les sorciers malabar et en particulier un très long sabre surnommé le « sabre à sacrifices ». Cette sorcellerie implique donc de réels sacrifices, mais rassurez-vous, il ne s'agit que de poulets et parfois de boucs, très rarement des humains (du moins il n'en a pas été signalé depuis de nombreuses années).

Il arrive que les sorciers se prennent pour des fakirs et montent pieds nus sur le tranchant de la lame. Il n'y a que les indiens pour pratiquer ce genre de choses avec leur corps...

Les ingrédients employés par les sorciers Malbar

Comme on s'en douterait, les sorciers travaillent souvent sous l'emprise de drogues et utilisent divers ingrédients pour favoriser à la fois leur concentration et l'arrivée des esprits invoqués.

C'est le camphre qui est le plus couramment utilisé. On y trouve aussi « l'eau de safran jaune » qui symbolise « l'eau de Shiva », c'est à dire son urine.

Shiva est la déité prépondérante de ces cérémonies d'appel des esprits. On pratique des danses en son honneur. Elles favorisent la mise en transe des praticiens en raison de leur effet hypnotisant. Imaginez un charmeur de serpents et vous aurez tout compris.

Entre magie noire et magie blanche

Les sorciers malabar pratiquent la sorcellerie maléfique mais également la magie blanche. On devrait pour le coup l'appeler « magie jaune » car elle est basée sur les flammes qui sont censées brûler le mal. Les prêtres s'habillent souvent en jaune pour représenter la couleur du feu.

Le rouge, quant à lui, représente le corps.

Un rituel spécifique est destiné à enlever le « mauvais œil ». On appelle cette cérémonie le rite dit de « brûler les yeux ». Rassurez-vous, ce n'est que symbolique. La seule chose que l'on fait brûler c'est du piment. Il est supposé faire fuir le mauvais œil et ainsi libérer la victime de son influence.

On prétend que les prêtres Malabar pratiquent des exorcismes pour extirper le mal du corps des possédés par un trou pratiqué dans le crâne. Ça part d'une bonne intention mais ça doit être très douloureux. Enfin quand on est réellement possédé par une « bébête » (un démon), ça ne doit pas être gai non plus. L'esprit expulsé est ensuite cloué contre le tronc d'un arbre (je vous laisse imaginer ce qu'on cloue) ou enterré sous forme de trois graines de piment. Il germera à nouveau dans le corps d'une autre personne car le vrai mal est indestructible. Finalement, c'est une forme de réincarnation, notion qui est chère aux hindous.

Les sorciers fabriquent aussi toute sorte de talismans qui sont destinés à détourner le mal et même à le renvoyer à celui qui en est l'origine. C'est ce qu'on appelle le transfert d'envoûtement. Les sorciers malabar sont réputés très forts pour détourner ainsi les sorts et les faire s'en retourner à l'envoyeur. On appelle ces amulettes des « garanties ». Elles doivent être portées directement en contact de la peau pour être efficaces.

Les « garanties » fonctionnent également dans les deux sens et servent d'assurance tout risque au sorcier. On dit en effet que si le client ne le paye pas ou qu'il ne croit plus en lui, les effets du talisman s'annulent et le sortilège revient aussitôt s'abattre sur la victime.

La sorcellerie fait partie intégrante de la religion tamoule

Les Malbars sont assimilés à des sorciers car la sorcellerie est à la religion "tamoule" ce qu’elle est aussi à la religion chrétienne : elles s’interpénètrent, s’alimentent et se combattent réciproquement. On ne peut pas les dissocier l'une de l'autre et il existe malheureusement des gens qui accordent plus d'importance à la sorcellerie qu'à la religion et en font le centre de leur préoccupations.

Comme pour beaucoup de magies noires, la sorcellerie Malabar s'utilise pour augmenter son pouvoir et accroître ses richesses. Différents rituels sont à classer clairement dans le domaine de la sorcellerie, notamment le rituel des « poules noires ». Dans ce rituel sacrificiel, une poule noire est tuée en offrande à la déesse Pétiaye. Il est fait appel au monde des ancêtres.

Les exorcismes sont également assez cruels pour les animaux. L'une des versions les plus pratiquées est « service croisé ». Il consiste à faire le sacrifice d'un poulet, en pleine nuit, à un croisement de routes. L’intention est d’amadouer les divinités féminines malfaisantes par une offrande. D’autres méthodes sont encore plus violentes et s'en prennent à l'intégrité physique du malade en le rouant de coups jusqu'à l’abdication du Mal.

Mais les sorciers Malabars se sont forgé une solide réputation d'efficacité, si bien que tous ceux qui cherchent à promouvoir le renouveau de la religion tamoul se heurtent à des préjugés associés à la sorcellerie. Les croyances populaires sont en effet très marquées par la croyance aux démons ou autres mauvais esprits.


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