La bataille des dieux

La bataille des Dieux
Dans un poème, la poétesse Enheduana, une des filles du roi Sargon d'Akkad, a écrit un chant sur la déesse Inana :

On doit savoir que votre vue inspire la terreur, que vous infligez cette terreur à vos ennemis, que vous effacez complètement ceux qui se rebellent, que vous consommez même leurs cadavres comme un animal.  

La vie quotidienne en Mésopotamie était tout sauf harmonieuse. Plusieurs conflits se reflètent ainsi dans la mythologie. Les dieux plus jeunes menaçaient les anciens dieux, les dieux originels prévoyaient de détruire les plus jeunes dieux, et Inana voulait défier la position de son père sur le trône. Elle s'empara du taureau céleste d'An, dieu du ciel, pour l'utiliser comme une arme. Les monstres menacent le monde, mais les dieux sauveurs, tels que Ninurta et Marduk, les détruisent.

Les dieux rebelles

Les dieux, surchargés par le travail, en avaient assez et ils ont décidé d'assaillir la résidence d'Enlil, le roi des dieux. D'abord, ils ont détruit leurs outils et brûlé leurs pelles et les paniers qu'ils portaient sur leur dos. Puis ils marchèrent vers la maison d'Enlil et l'encerclèrent. Surpris, le souverain appela An et Ea, d'autres grands dieux, à son aide.

Voici comment les tablettes sumériennes nous racontent comment s'est déroulée cette histoire :

Alors un Igigi ouvrit la bouche
Et s'adressa aux dieux, ses frères :
« Le préfet, le guerrier,
Le preux souverain des dieux,
Venez, allons le tirer de chez lui,
Enlil-le-preux, le souverain des dieux,
Venez, allons le tirer de chez lui !
Maintenant proclamez donc la guerre :
Ajoutons le combat avec la bataille. »

Les dieux ouïrent son appel
Et brûlèrent leur outillage,
Jetèrent au feu leurs houes,
Et leurs hottes dans les flammes.
Attroupés, ils s'en furent, ensuite,
A la porte du sanctuaire d'Enlil-le-preux.

C'était la nuit, à la mi-veille,
Et, à l'insu du dieu, voilà le palais cerné,
C'était la nuit, à la mi-veille,
Et, à l'insu d'Enlil, voilà l'Ekur cerné !
Mais Kalkal, s'en étant avisé, fit tout fermer:
Il manœuvra le verrou et surveilla la porte.

Puis Kalkal, réveilla Muska,
Tandis qu'on entendait le tapage des Igigus;
Et Nuska réveilla son seigneur,
Qu'il tira de son lit :
« Ton palais est cerné, monseigneur !
Le combat s'est propagé jusqu'à ta porte !
Ton palais est cerné, ô Enlil !
Le combat s'est propagé jusqu'à ta porte ! »

Enlil fit amener des armes chez lui,
Puis il ouvrit la bouche
Et s'adressa à Nuska, son page :
« Nuska ! Barricade ta porte !
Prends tes armes et mets-toi à mes ordres ! »
Nuska barricada sa porte,
Prit ses armes et se mit aux ordres d'Enlil.

Puis Nuska ouvrit la bouche
Et s'adressa à Enlil-le-preux :
« Monseigneur, ton visage est verdâtre !
Ce sont tes propres enfants, que crains-tu ?
Ô Enlil, ton visage est verdâtre !
Ce sont tes propres enfants, que crains-tu ?
Envoie quérir Anu ; qu'on le fasse descendre
Et qu'on amène aussi Enki devant toi ! »

Enlil envoya donc quérir Anu, qu'on fit descendre,
Et l'on amena aussi Enki devant lui.
Anu, le roi du Ciel, présidait,
Et le roi de l'Apsu, Enki, était tout oreilles,
Cependant que siégeaient les grands Anunnaki.
Enlil se mit debout : Le débat était ouvert.
Enlil, ayant donc ouvert la bouche,
s'adressa aux grands-dieux :

« C'est contre moi qu'ils se sont révoltés ?
Eh bien! Je me battrai !
Ô Dieux! Qu'ai-je vu de mes yeux,
Le combat s'est propagé jusqu'à ma porte ! »

Les conseils de An et Ea à l'encontre de Enlil

Comme les dieux rebelles continuaient à crier leurs mécontentement, An et Ea donnèrent des conseils à Enlil. Enlil voulait s'enfuir et se cacher dans le ciel d'An, mais Ea, le dieu de la sagesse, avait une meilleure idée : les dieux devraient être soulagés du fardeau du travail et un nouvel être pourrait être créé pour le reprendre à sa charge. C'est ainsi que l'humanité fut créée pour assumer ce lourd fardeau.

Anu ouvrit alors la bouche
Et s'adressa à Enlil-le-preux :

« La raison pour laquelle les Igigus ont assiégé ta porte,
Que Nuska sorte s'en enquérir :
Charge-le de cette mission
Auprès de tes enfants ! »

Enlil ouvrit donc la bouche
Et s'adressa à Nuska, son page :

« Nuska, déverrouille ta porte,
Prends tes armes,
Et, devant tous ces dieux attroupés,
Va te prosterner, te lever,
Et répéter nos paroles :

" C'est Anu, notre père, qui m'a envoyé,
Et votre souverain Enlil-le-preux;
Ninurta, votre préfet,
Et votre contremaître Ennugi ! "

" Ils vous font dire :
Qui est responsable de la cohue ?
Qui est responsable du combat?
Qui a osé déclarer la guerre ?
Qui a frappé sur la porte d'Enlil ? " »

Nuska, devant tous ces dieux attroupés ,
Répéta donc, mot pour mot, les paroles d'Enlil :
« C'est Anu, notre père, qui m'a envoyé,
Et votre souverain Enlil-le-preux;
Ninurta, votre préfet,
Et votre contremaître Ennugi !
Ils vous font dire :

Qui est responsable de la cohue ?
Qui est responsable du combat?
Qui a osé déclarer la guerre ?
Qui a frappé sur la porte d'Enlil ? »

A ces paroles, les Igigus répondirent :
« Nous avions mis tout notre effort
Dans ce fouissage :
L'excessive besogne nous a tués !
Trop lourde était notre corvée, infini ce labeur !
Voilà pourquoi les dieux au grand complet,
Nous ont poussé à récriminer contre Enlil »
Nuska reprit donc ses armes.

Et s'en fut rapporter ces paroles à Enlil :
« Monseigneur, j'ai répété mot pour mot tes paroles !
Et voici ce qu'ils m'ont répondu :
"Nous tous, les dieux, au grand complet,
Nous avons décidé de nous battre.
Nous avions mis tout notre effort
Dans ce fouissage :
l'excessive besogne nous a tués !
Trop lourde était notre corvée, infini ce labeur !
Voilà pourquoi un des dieux,
Nous a poussé à récriminer contre Enlil ! " »

Lorsqu'il eut ouï ce discours,
Enlil, les larmes lui coulèrent !
A la suite de quoi,
Il s'adressa à Anu-le-preux :

« Altesse, avec toi, dans le ciel
Garde ton autorité et fais-en usage :
Pendant que les Anunnaki siègent en ta présence,
Fais comparaître un de ces dieux
et qu'on le voue au châtiment suprême ! »

Mais Anu ouvrit la bouche
Et s'adressa aux dieux, ses frères :
« Pourquoi les incriminerions-nous ?
Lourde était leur corvée, infini leur labeur !
Chaque jour leur cri d'appel était chose grave.
Tandis que les Anunnaki sont devant vous
Et tandis que Belet-Ili, la déesse de l'utérus, est présente,
Faites comparaître un de ces dieux
et qu'on le voue au châtiment suprême ! »

Anu a fait entendre sa voix à Nusku :
« Nusku, ouvrez votre porte, prenez vos armes,
Assemblez les grands dieux, et dites-leur :
"Votre père Anu, votre guerrier Enlil,
Votre chamberlain Ninurta et Ennugi le contrôleur des canaux
M'ont envoyé pour vous dire :
Qui est responsable de la cohue ?
Qui est responsable de bataille ?
Quel dieu a commencé la guerre ?
Il y avait une cohue autour de ma porte ! »

Quand Nusku a entendu ceci,
Il a pris ses armes,
A rassemblé les grands dieux, et leurs a dit :
« Votre père Anu, votre guerrier Enlil,
Votre chamberlain Ninurta et Ennugi le contrôleur des canaux
M'ont envoyé pour vous dire :
Qui est responsable de la cohue ?
Qui est responsable de bataille ?
Quel dieu a commencé la guerre ?
Il y avait une cohue autour de ma porte ! »

Enki / Ea a fait entendre sa voix,
Et dit aux dieux ses frères :
« Pourquoi les blâmons-nous ?
Leur travail était trop dur, leur ennui était trop fort.
Le signal d'alarme était pourtant assez fort,
Et nous avons continué malgré tout.
Mais il y a un remède à cela :
Puisque Belet-Ili (Ninmah / Nintu / Mammi / Namma),
la Matrice, la déesse-utérus, est ici,
Qu'elle fabrique un prototype-d'homme :
C'est lui qui portera le joug des dieux
Qui portera le joug des Igigus,
C'est l'homme qui sera chargé de leur labeur ! ... »

Ils interpelèrent donc la déesse, ils demandèrent
A la sage-femme des dieux, Mammi-l'experte :
« C'est toi qui seras la matrice à produire les hommes,
Eh bien ! produis le prototype-humain :
Qu'il porte notre joug,
Qu'il porte notre joug imposé par Enlil,
Que l'homme assume la corvée des dieux ! »

Marduk sauve les dieux

La déesse babylonienne Tiamat et son mari Apsu ne pouvaient supporter le tumulte causé par les jeunes dieux et avaient l'intention de les détruire. Quand Ea eut tué Apsu pendant la bataille, Tiamat, un énorme serpent d'eau, a cherché à se venger. Marduk a été choisi pour la combattre, et il a gagné. Il a coupé son corps en deux pour former le ciel et la terre.

Le tueur de monstres

Le fils aîné d'Enlil, Ninurta, le dieu des tempêtes et de la pluie, était souvent entraîné dans la bataille. Dans une histoire, il a poursuivi Anzu, l'aigle à tête de lion qui avait volé la tablette du destin d'Enlil. Celui qui possédait cette tablette pourrait dominer le monde. Après avoir tué une série de monstres, Ninurta a repris possession de la tablette.

Un autre mythe le faisait combattre Asag, un démon des montagnes, qui menaçait le monde d'une armée de pierres. Après sa victoire, Ninurta ramassa l'eau et la garda dans les montagnes, lui permettant de couler peu à peu vers les plaines. Ce faisant, il a créé la base de l'agriculture.


Les luttes pour l'hégémonie chez les humains

Durant près de deux cent cinquante ans (2600-2350 av. J.-C.), les cités sumériennes s'affrontèrent. Ce ne sont que batailles, sacs de villes, destructions, égorgements, asservissement de captifs. Tout à tour, différentes cités prirent le dessus pendant une ou deux générations. Vers 2320 avant J.-C., le prince d'Umma, Lougal-Zaggisi, écrasa les armées rivales. Il prit et mis à sac Ur, Uruk, Lagash, en emporta les dieux, entreprenant ainsi l'unification, d'ailleurs limitée, des cités de Sumer. Grisé par sa victoire, Lougal-Zaggisi se lança dans une guerre de conquête. A la tête de ses armées « nombreuses comme les herbes », le roi de Sumer, qui désormais se distingue nettement des prêtres, partit à l'assaut des hautes vallées de l'Euphrate et du Tigre. Il étendit sa domination « de la mer Inférieure à la mer Supérieure », autrement dit du golfe Persique à la Méditerranée, et cinquante princes lui rendaient hommage. Sumer régnait sur l'Orient.

Partager sur facebook
Cliquez pour partager sur facebook
Retour à la catégorie : Mythologie sumérienne



Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le . Il est un peu ancien mais toujours d'actualité.