Les sirènes

Sirène
Les sirènes sont des jeunes filles de la mer qui charment les marins par leur très belle apparence et leur chant de douceur. Et de la tête jusqu'au nombril elles sont tout à fait semblables à un corps de jeunes filles et à l'espèce humaine ; elles n'ont qu'une queue de poisson couverte d'écailles avec laquelle elles vivent en sécurité dans l'eau.

Ceci est la définition officielle des sirènes mais elle provient de nombreux mélanges entre différentes traditions mythologiques qui se confondent parfois.

De plus, on parle de leur chant mais on ne dit pas qu'elles chantent pour attirer les marins dans le but de les faire chavirer et se noyer. Ce n'est qu'une description physique des sirènes. Le reste du mythe proviendrait d'autre part.
 

Les selkies

Si on s'en tient à la véritable sirène celtique, il s'agit tout simplement d'une race de fées qui vit dans la mer. On les appelle des selkies.

Cependant les selkies préfèrent danser au clair de lune au lieu d'attirer les marins par leur chant mélodieux. Certes, les selkies sont des êtres très attirants qui ressemblent à des jeunes filles ou à des jeunes hommes. Elles jouent un rôle de premier plan dans la mythologie écossaise et irlandaise. Leurs mythes sont des tragédies romantiques et les selkies finissent toujours par souffrir, le cœur brisé, de la séparation avec leur amoureux.

Mais les selkies ne sont pas véritablement des sirènes telles que nous les connaissons car sur la terre ferme elles sont semblables aux humains alors que dans l'eau elles se métamorphosent en phoques. On a là une transformation complète du corps, et pas seulement la queue.

Les Selkies sont courantes dans le folklore irlandais et surtout écossais (en particulier dans les Orcades, les îles Shetland et les îles Féroé). Il existe des traditions similaires dans les pays scandinaves, en Islande, et au Danemark.

La Sirène de Copenhague

Sirène de Copenhague
La « sirène de mer » qui surveille l'entrée du port de Copenhague est en réalité une Havfrue (« Freyja des mers »). Les Freyja sont analogues aux Loreleys allemandes qui peuplent le Rhin.

Mais c'est l'image la plus claire qu'on se fait des sirènes de nos jours car dans nos esprits les sirènes sont des êtres hybrides avec un corps de femme et une queue de poisson. Nous sommes peut-être trop influencés par cette Freyja des mers que nous avons tous vu au moins une fois en photo, si ce n'est en vrai.

Ça fait un choc d'apprendre que ce n'est pas une vraie sirène ! Mais alors d'où viennent les sirènes ?
 

Des êtres hybrides

Il n'a pas toujours été le cas que les sirènes possèdent une queue de poisson. Dans l'Antiquité grecque, les sirènes possédaient des jambes tout à fait normales mais elles avaient en plus une paire d'aile d'oiseaux. C'était des êtres hybrides mi-homme, mi-oiseau.

Il arrivait même parfois qu'elles avaient un corps d'oiseau tout entier et seulement un visage de femme. Elles possédaient des serres puissantes comme les aigles ou des pattes de lion. Parfois on ne savait plus tellement si c'était des sirènes ou des griffons.

Ces êtres hybrides nous proviennent directement de la mythologie grecque et en particulier du mythe d'Ulysse raconté par Homère.

Les sirènes chez les grecs

Ulysse et les sirènes
Stamnos attique à figures rouges, vers 480-470 av. J.-C., British Museum
Les sirènes sont les filles du dieu-fleuve Achéloos. Elles sont associées, dès le départ, à la mort. Ainsi, les sirènes, femmes à corps d'oiseaux, apparaissent sur des vases funéraires ou sur des tombes grecs. Elles évoquent l'oiseau à tête humaine qui incarnait l'âme des morts en Égypte.

C'est amusant comme on a ou passer de la mythologie grecque à la mythologie égyptienne. On s'éloigne de plus en plus de la mythologie celtique.

Les sirènes symbolisent également le dernier refuge des noyés : elles prennent soin des marins morts et les emmènent au fond des mers, là où les vivants ne peuvent se rendre.

Les Sirènes grecques (qu'on appelle aussi des doriennes) habitent une île du Ponant, près de l'île de la magicienne Circé, appartenant à Achéloos (« celui qui chasse le chagrin »). Achéloos est à rapprocher d'Achélaos, « celui qui gouverne les hommes », et également à Agélaos, « le maître des vergers ».

Ce dernier s'unit à Terpsichore la Muse joueuse de Lyre, celle « qui aime à danser et chanter ». Terpsichore mit au monde des sirènes-oiseaux, les Achéloïdes, dans l'île d'Anthémoessa (« pré–fleuri »), Apollonios ou Avallon.

Cependant il existe une autre version de ce mythe qui nous dit qu'elles étaient filles d'Alcinoos et de la Muse Melpomène (tragédie et chant) ou bien de Phorkys et de Stéropé (« la terre des étoiles »), une des Pléiade, fille d'Atlas.

Peu importe la généalogie, toujours est-il que ce sont elles, ces sirènes-oiseaux, qui produisaient la « musique des sphères célestes » appelée Harmonie. C'est Platon qui nous le relate. Elles symbolisaient donc la Musique et inventèrent l'harmonie. Ce sont elles qui inspirèrent Apollon qui, en les imitant, inventa le touché simultané sur plusieurs cordes de sa lyre, jeu qu'il nomma symphonia

C'est sans doute cet aspect particulier des sirènes, le chant et la musique, qui fit qu'on les a décrite comme des êtres hybrides entre une femme et un oiseau.

A noter que les Sirènes de Platon ne sont pas là pour détourner les hommes de leur route, mais pour les inciter à reproduire dans leur vie cette harmonie dont elles donnent l'exemple.

La mythologie nous dit que les sirènes faisaient partie du cortège de Perséphone, mais n'agirent pas contre Adès quand celui-ci amena la déesse aux Enfers. La colère de la mère de Perséphone leur valu ce corps d'oiseau ne laissant deviner de leur beauté d'antan qu'un visage enfoui dans les plumes.

Leur nouvelle apparence ne diminua pas leur arrogance car elles osèrent défier les Muses au chant. Ces dernières remportèrent le concours et arrachèrent leurs plumes aux sirènes qui se précipitèrent à la mer, s'éloignant à jamais de leur terre d'origine.

Aigries, les sirènes seront désormais des êtres maléfiques car elles charmeront les marins de leur chant mélodieux pour les entraîner sur une vaste prairie couverte des ossements des hommes qui les avaient précédés et où les derniers venus ne tardaient pas à mourir.

Ulysse et les sirènes

Ulysse et les sirènes
Ulysse et les sirènes, J.W.Waterhouse, Ulysse et les Sirènes, 1891

C'est chez Homère que l'on trouve les plus anciennes mentions des Sirènes mais on ne sait pas d'où il tire son inspiration. Peut-être les reprend-t-il de contes orientaux ou phéniciens. Dans l'Odyssée, il nous raconte les mésaventures d'Ulysse avec les sirènes. Ulysse et ses compagnons reviennent de l'île des morts et heureusement Ulysse se souvient de ce que lui a dit Circé :

Si vous écoutez le chant des sirènes, elles vous attireront avec elles et vous mourrez. Tu devras préparer des boules de cire pour mettre dans les oreilles de tes compagnons pour éviter qu'ils n'entendent les sirènes. Je te laisse le droit de les écouter mais à une seule condition : tu devras être attaché au mât de ton bateau et quand tu supplieras tes compagnons de te détacher ils devront resserrer tes liens.
 

Homère ne donne pas de description des sirènes mais des œuvres artistiques les représentent comme des oiseaux (avec des serres de rapaces) à tête de femmes. Elles encerclent Ulysse qui reste stoïque, attaché au mât de son navire. Ulysse est vêtu de blanc, les Sirènes ont le plumage noir. Trois Sirènes semblent s'adresser directement à lui. Ulysse regarde une sirène dans les yeux, dans une attitude de défi.

Le bateau d'Ulysse réussit à passer les sirènes et s'éloigne sans dommage.

Retour à la sirène à queue de poisson

Sirène échouée sur une plage
Il faut attendre le 6e siècle après J.-C. pour rencontrer une sirène-poisson, dans l'ouvrage De Monstris. Mais dès le au 2e siècle avant J-C, on trouvait déjà des sirènes aquatiques, comme le prouve le bol mégarien.

Le Liber Monstrorum, daté approximativement du VIIIe siècle, est un ouvrage sur les monstres attribué au moine anglais Aldhelm de Malmesbury. C'est là qu'on trouve la nouvelle définition officielle des sirènes avec une queue de poisson.

Mais cette nouvelle description des sirènes pose un problème : il n'y a plus de lien avec le chant comme il pouvait y en avoir avec les oiseaux. C'est pourquoi, le moine va introduire une autre particularité : il affirme que ces filles de la mer séduisent les marins par la beauté de leur corps. Il met ainsi pour la première fois l'accent sur l'aspect visuel de la séduction et non plus l'aspect auditif.

Cet argument est repris aussitôt par l'Église chrétienne qui déclare que la sirène représente l'amour charnel. L'élément dans lequel elle évolue, la mer, est un espace inconnu, insondable, constituant le domaine du diable. La queue de poisson symboliserait une sorte de serpent et faisait d'elle un véritable démon femelle, symbole de la luxure.

Une question se pose alors : pourquoi avoir changé la représentation des sirènes telle qu'on la connaissait ? Où Aldhelm de Malmesbury a-t-il trouvé l'idée de représenter une sirène avec une queue de poisson ?
 

Une vieille légende celtique

Il est possible qu'Aldhelm de Malmesbury ait pu trouver cette femme à queue de poisson dans une légende celtique. En effet, aux VIe et VIIe siècles, des moines irlandais répandent la foi sur les îles britanniques et en Islande. Ils véhiculent ainsi avec eux des récits relatifs aux sirènes.

Une légende raconte qu'une sirène arrive sur l'île d'Iona où saint Colomban avait établi un avant poste. La sirène vient implorer un moine dont elle était amoureuse afin qu'il lui octroie une âme. Le moine demeure inflexible. Elle doit d'abord quitter la mer, ce qu'elle refuse. Avant de disparaître définitivement, elle fond en larmes qui se transforment en cailloux. Aujourd'hui encore, les galets de la plage d'Iona sont appelés « larmes de sirène ».

Une autre légende celtique dans les Annales d'Irlande  nous dit qu'en 90 de notre ère, une jeune fille nommée Liban échappe à la noyade. Elle obtient de Dieu qu'il transforme ses jambes en queue de saumon. Pendant plus de 300 ans, elle vit dans l'eau avec son chien métamorphosé en loutre. Finalement, elle supplie Saint Comgall, en route pour Rome, de l'aider. Sa prière est entendue et elle va directement au ciel, après avoir été baptisée sous le nom de Murgelt, sirène des mers.

Plus personne ne sait comment représenter les sirènes

A partir de la parution du Liber Monstrorum  plus personne ne sait comment les sirènes doivent être représentées :

avec des ailes d'oiseau et des griffes de rapace ?
avec un corps de femme et une queue de poisson ?

Pour mettre tout le monde d'accord certains inventent alors une troisième représentation possible des sirènes :

une femme avec une queue de poisson et des ailes d'oiseau

Les griffes sont conservées ou non, suivant les goûts de chacun.

D'autres prétendent enfin que les deux versions cohabitent : l'hybride femme-oiseau et l'hybride femme-poisson, et que l'on peut appeler les deux sortes indifféremment des sirènes.

L'étymologie du mot sirène

Le mot grec seirênès  vient de seira  « chaîne, corde, lasso », d'où le sens de « celles qui attrapent, qui attachent ». On est capturé par le chant des sirènes comme pris au lasso.

Une autre étymologie proviendrait du mot latin sérénus , de sérum  (soir). C'est en effet à la tombée de la nuit qu'on entend le chant des sirènes.

Il faut aussi remarquer que le mot sirène s'écrivait en ancien français seraine  (avec un “a”). On peut alors faire le parallèle avec le fait que les sirènes avaient une longue chevelure ondulée qu'elles peignaient avec un peigne d'or dont elles ne se séparaient jamais, qui s'appelle un séran. Cet objet sert à… sérancer c'est à dire à peigner le fameux lin bleu de ces belles Atlantes nordiques.

Et si on en croit la description de Platon on pourrait toujours les appeler « seraines » car leur vie est faite d'harmonie et de sérénité. Elles sont bien sereines les sirènes !

Il ne faut pas écouter le chant des sirènes et croire tout ce qu'on vous dit : les sirènes qui chantent pour attirer les marins et les faire mourir ça n'existe pas. C'est Homère qui nous l'a fait croire dans ses histoires fantastiques d'Ulysse. La chrétienté est ensuite venu en rajouter en prétendant que les sirènes étaient des prostituées qui n'en appelaient qu'à la luxure.

Si vous imaginez les sirènes comme ceci, vous vous trompez certainement et les confondez avec les Marie Morgane bretonnes (parfois orthographié Mari Morgan) qui sont des fées d'une grande beauté qui habitent au fond des mers.


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Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le , il y a moins d'un an.