Le Martinisme

Louis Claude de Saint-Martin
Louis Claude de Saint-Martin (1743-1803) était un adepte du martinésisme de Martinès de Pasqually. Il devint le secrétaire de ce dernier en 1771 et fut surnommé « le philosophe inconnu ». La personnalité et l'enseignement de Martinès de Pasqually firent sur Saint-Martin une impression profonde et durable. Il créa son propre courant de pensée : le martinisme. Mais c'est véritablement l'occultiste français Papus (Gérard Encausse) qui fonde l'Ordre Martiniste à la fin du XIXe siècle. Il s'agit d'une rencontre entre la théosophie et la pensée de Saint-Martin.
 

La rencontre avec Martinès de Pasqually et la scission

C'est en 1768 que Martinès de Pasqually rencontre Louis Claude de Saint-Martin. Ce dernier voulu aller plus loin dans la voie de son maître. Son souhait était d'approfondir la théorisation de la doctrine martinésiste. Dès 1777, il refusa de participer non seulement aux tenues des loges martinésistes où l'on ne pratiquait que les grades du porche ou maçonnerie symbolique, mais aussi, par exemple aux travaux des loges de Versailles pour des raisons spécieuses de pneumatologie, et de celles de Paris, parce qu'on y enseignait le magnétisme et l'alchimie.

Juste après le départ de Martinès de Pasqually pour les Antilles en 1772, une scission se produisit dans l'ordre que Pasqually avait si péniblement formé. Certains disciples entraînés par l'exemple de Saint-Martin, abandonnaient la pratique active pour suivre la voie incomplète et passive du mysticisme. Ce changement de direction dans la vie de Saint Martin pourrait nous surprendre si nous ne savions pas combien, durant les cinq années qu'il passa à la loge de Bordeaux, le disciple avait eu d'éloignement pour les opérations extérieures du Maître.

Les résultats de la scission due à l'active propagande de Saint-Martin ne se firent pas attendre. Tout d'abord les loges du sud-ouest cessèrent leurs travaux. La propagande de Saint-Martin échoua bien près des loges de Paris et de Versailles, mais, lorsqu'en 1778, ces loges eurent vu leurs Frères de Lyon se tourner définitivement vers le rite templier allemand de la Stricte Observance, et le grand maître Willermoz prendre la succession du grand maître provincial Pierre d'Aumont, successeur de Jacques Molay, avec le titre de Grand-Maître provincial d'Auvergne, elles songèrent à fusionner avec les loges Philalèthes qui, depuis 1773, travaillaient d'après les données de Martinès et de Swedenborg, et dans les chapitres secrets desquels n'était admis aucun officier du Grand-Orient.

Le mysticisme de Saint-Martin

A cette époque, Saint-Martin commençait à être connu, grâce à la récente apparition de son premier ouvrage Des Erreurs et de la Vérité. Beaucoup crurent voir en lui un continuateur de l’œuvre de Martinès ; mais ce fut en vain que les loges dont nous venons de parler le prièrent de s'unir à elles pour l'achèvement de l’œuvre commune : au dernier appel qu'elles lui firent, en 1784, lors du Convent que provoqua à Paris l'association des Philalèthes, Saint-Martin répondit par une lettre signifiant son refus de participer à leurs travaux. Dès lors, sa grande préoccupation est d'entrer en rapport avec les mystiques d'Italie, d'Angleterre ou de Russie ; il perd bientôt tout intérêt pour le mouvement du rite rectifié de Lyon, et on le voit se livrer à de véritables impatiences quand on lui parle de loges.

Les événements qui suivirent ne firent qu'engager de plus en plus Saint-Martin dans la voie qu'il avait choisie. En 1788, celui qui devait devenir célèbre sous le nom de théosophe d'Amboise était allé à Strasbourg, et l'opinion la plus répandue est que ce fut à la fréquentation d'une de ses amies, Mme de Boecklin, qu'il dût de se tourner définitivement vers le mysticisme. L'exacte vérité fut qu'il y rencontra Rodolphe de Salzmann, qui était, pour ainsi dire, le directeur spirituel de Mme de Boecklin. Ami de Young Stilling, et en correspondance ou en relation avec les grands mystiques allemands de la seconde moitié du dix-huitième siècle, tels qu'Eckarthausen, Lavater, etc., Rodolphe de Salzmann, bien que très ignoré, était un homme des plus remarquables, profondément versé dans la mystique des deux Testaments et dans celle des écrits de Jacob Boehme, dont il avait reçu la clef. Ce fut cette clef qu'il transmit à son tour à Saint-Martin, et celui-ci crut avoir trouvé là ce qu'il n'avait pas obtenu auprès de son ancien maître.

La fin de sa vie

Certes, l'enseignement de Salzmann contribua beaucoup à doter la France d'un mystique remarquable, mais cet enseignement ne put ouvrir à Saint-Martin la doctrine de l'éminent théurge de Bordeaux. Aussi le voyons-nous, en 1793, à l'âge de cinquante ans, se consoler de poursuivre encore cette clef active, en pensant à l'avertissement de Martinès : que si, à soixante ans, il avait atteint le terme, il ne devait pas se plaindre. Déjà sa pensée revenait en arrière, vers cette école de Bordeaux où s'étaient écoulés cinq ans de sa jeunesse et dont il avait abandonné trop légèrement les travaux. Il avouera dans une de ses lettres au baron de Liebisdorf (11 juillet 1796) que

M. Pasqually avait la clef active de ce que notre cher Boehme expose dans ses théories, mais qu'il ne nous croyait pas en état de porter encore ces hautes vérités 

Sa correspondance nous porte à croire qu'avant sa mort, survenue à Aulnay en 1803, il était bien revenu sur les critiques inconsidérées des travaux de son maître. Mais il était trop tard : le disciple avait tué l'initiateur dans son œuvre. Le Martinésisme avait vécu.

La fondation de l'Ordre du Martinisme

Nous ne nous sommes étendus sur les particularités de la vie de Saint-Martin que pour montrer que c'est bien à tort que des historiens mal informés attribuèrent au théosophe d'Amboise la succession du théurge de Bordeaux, et que d'autres, encore plus mal documentés, en ont fait le fondateur d'un Ordre du Martinisme. Saint-Martin ne fonda jamais aucun ordre ; il n'eut jamais cette prétention, et le nom de Martinistes désigne simplement ceux qui avaient adopté une manière de voir conforme à la sienne, tendant plutôt à s'affranchir du dogmatisme rituélique des loges et à le rejeter comme inutile. C'est bien là l'opinion de Jacques Matter, le célèbre historiographe de Saint-Martin.

Jacques Matter était le petit-fils de Rodolphe de Salzmann ; c'est ainsi qu'il se trouva en possession des principaux documents relatifs au Martinésisme et aux Martinistes, et nul ne fut placé mieux que lui pour relater les principaux événements qui signalèrent leur existence. D'autre part il fut en relation avec M. Chauvin, un des derniers amis de Fabre d'Olivet, et l'exécuteur testamentaire de Joseph Gilbert, qui lui-même, fut l'unique héritier de tous les manuscrits du théosophe d'Amboise.

À la fin du XIXe siècle, divers courants occultistes se sont réclamés de Martines de Pasqually ou de la pensée de Louis Claude de Saint-Martin ; parmi ceux-ci, l'Ordre de la Rose-Croix catholique du Temple et du Graal, fondé en 1890 par Sâr Joséphin Mérodack (Joséphin Peladan) : celui-ci lutte contre la « décadence latine » par le retour à la religion de l'« Art-Dieu » et à une théocratie impériale. Il proclame : « La suprême laideur, c'est la démocratie ». Il a attiré à lui le courant symboliste dans ses salons d'art idéaliste mystique et influencé certains auteurs partageant le refus de la laideur de la société moderne.

L'autre courant issu du martinésisme est l'Ordre Martiniste fondé en 1891 par l'occultiste Gérard Encausse dit Papus. Certains chercheurs n'ont pas hésité à donner comme source de ce mouvement des confréries hermétiques du XIe siècle. Robert Ambelain, notamment, cite l'« Ordre des Frères d'Orient » (qui aurait été fondé à Constantinople en 1090) et fait remonter la généalogie du martinisme aux courants gnostiques alexandrins des Ier au Ve siècle.

Le martinisme est un courant qui relève de l'ésotérisme judéo-chrétien. Il se divise en au moins trois branches qui restent liées par leur histoire et par un même objectif qui est, selon les mots de Papus, « la réhabilitation de l'Homme » :

1. le saint-martinisme, la philosophie originale fondée par Louis-Claude de Saint-Martin et découlant du martinésisme de Martinès de Pasqually.
2. le willermozisme (et le Rite écossais rectifié), un rite maçonnique fondé par Jean-Baptiste Willermoz en 1778. On peut identifier aussi une forme de martinisme maçonnique dans les rituels « rose+croix » du Rite Philosophique Italien (1909).
3. l'Ordre martiniste, fondé par Papus en 1891 ; duquel dérivent l'Ordre Martiniste Synarchique, fondé par Victor Blanchard en 1920 et l'Ordre Martiniste Traditionnel, fondé par Augustin Chaboseau et Victor-Émile Michelet en 1931.

Origine des informations

Sources :
D'après le texte écrit par Un Chevalier de la Rose Croissante (Albéric Thomas), publié en introduction à la première édition du Traité de la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines, Paris, Bibliothèque Chacornac, coll. « Bibliothèque Rosicrucienne », 1899.
Complété par d'autres sources.




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