Le jugement de Dieu

Ordalie
En 1090 les villageois de Freising soupçonnent trois femmes de préparer des poisons et de corrompre les hommes et les fruits. Ils s'emparent d'elles et les soumettent à l'ordalie, le jugement de Dieu par l'eau. L'une des malheureuses était enceinte.

Au Moyen-Âge l'ordalie était la méthode appropriée pour juger tout individu accusé d'un méfait. On les suspendait du sommet d'un pont avec une corde et on les laissait descendre jusque dans la rivière. Ceux qui s'enfonçaient sous l'eau étaient considérés comme innocents et devaient être relâchés. La croyance voulait que l'eau repousse des individus impurs.

Bien que les trois femmes s'avèrent innocentes, la populasse les fouette pour les obliger à avouer qu'elles préparent des poisons. N'y parvenant pas elle les traine sur les bords de l'Isar et les fait brûler vives. Les victimes meurent en martyres dans les flammes.


Les habitants de ce village de Bavière décidèrent ainsi de punir ces femmes alors même qu'elles étaient innocentes selon le Jugement de Dieu.

L'ordalie au sein du système juridique européen

Ce qu'il faut retenir de cette histoire vraie est la preuve que rien ne peut empêcher les hommes de croire que le mal est parmi eux. Même la religion et les pratiques de justice quelles qu'elles soient ne peuvent dissiper les croyances d'une foule exhortée qui cherche un coupable à tout prix.

Dans un cas de justice il faut parfois prendre la parole d'un accusé ou d'un témoin pour vraie. Mais si deux hommes disent des choses différentes, alors quoi faire ? Aujourd’hui, nous nous en remettons aux juges pour décider – de « juger » l’affaire. C'est ce qu'ils font. Au début de la période médiévale, il existait une autre solution : l'ordalie.

La quête de justice pénale est semée d'incertitude. Le défendeur a-t-il commis le crime ou est-il victime de circonstances incriminantes ? Est-il coupable, ou a-t-il été accusé par un procureur trop zélé ? Les seuls à savoir avec certitude si un accusé est coupable ou innocent sont lui-même et Dieu. Demander à l'accusé de nous dire la vérité est généralement inutile : les aveux spontanés des coupables sont rares et bien souvent ils mentent. Mais si nous pouvions demander à Dieu de nous le dire à sa place ?

Pendant plus de 400 ans, du neuvième au début du XIIIe siècle, c’est exactement ce que les Européens ont fait. Dans les affaires pénales difficiles et particulièrement les affaires de sorcellerie, lorsque les preuves « ordinaires » faisaient défaut, les systèmes juridiques demandaient à Dieu de les informer sur le statut criminel ou innocent des accusés. La méthode de leur demande était l'ordalie.

Il y en avait essentiellement deux sortes de supplices : l'épreuve du fer chaud et l'épreuve de l'eau.

L'épreuve de l'eau

L'accusé était jeté dans une fosse ou un bassin d'eau ou du haut d'un pont. S'il coulait il était innocent, s'il flottait il était coupable.

À nos yeux, on aurait pensé que cela aurait dû être l'inverse, car il n'y a pas de raison d'être innocenté si cela signifie la mort par noyade. Ils réussissait vraisemblablement à faire sortir l'accusé avant que la noyade ne se produise... ou pas.

L’épreuve de l’eau est mentionnée dans l’Assise de Clarendon de Henri II de 1166:

Quiconque, devant le serment dudit [jury], sera trouvé accusé ou soupçonné notoirement d'avoir été un voleur, un meurtrier ou un brigand, ou son séquestre… soit pris et mis à l'épreuve de l'eau.  

Les statistiques montrent que 17% des cas enregistrés de supplices étaient le fer chaud et 83% de l'eau.

Les variations de l'épreuve de l'eau

Les épreuves judiciaires ont pris plusieurs formes, allant de l’immersion de l’inculpé dans une flaque d’eau bénite jusqu’à le promener pieds nus dans une charrue en feu. Bien souvent on les attachait à une corde et on les balançait par dessus un pont qui enjambe une rivière. Parmi les plus populaires, cependant, figurait l'épreuve de l'eau bouillante.

L'accusé se voyait plongé la main de force dans un chaudron d’eau bouillante pour en sortir un anneau. Quelques jours plus tard, la main de l’accusé était examinée : si elle avait été brûlée, il était coupable ; sinon, il était innocent.

Les épreuves judiciaires étaient administrées et jugées par des prêtres, dans des églises, dans le cadre de messes spéciales. Au cours d'une telle messe, le prêtre demandait à Dieu de révéler au tribunal la culpabilité ou l'innocence de l'accusé par le biais de l'épreuve – brûler l'accusé s'il était coupable, accomplissant un miracle empêchant la main de l'accusé d'être brûlée s'il était innocent. L’idée que Dieu répondrait ainsi à la demande d’un prêtre reflétait une croyance populaire du Moyen Age selon laquelle les épreuves étaient judiiciua Dei, des « jugements de Dieu ».

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