Les Hospitaliers

Chevalier hospitalier
Chevalier hospitalier
Sur la trace des templiers, de nombreux ordres religieux militaires se sont développés au Moyen Âge, et même au delà.

La première communauté à s'être inscrite, suivant le modèle du Temple, dans un genre de vie militaire avec des moines-soldats, est l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, l'actuel Ordre de Malte. Fondé dans la ville sainte par des marchands italiens, avant la première croisade, afin d'accueillir les pèlerins latins, les Ospitalarii  furent reconnu par l'Église en 1113. Charitable à l'origine, l'ordre s'est ensuite militarisé. Cette transformation s'est esquissée dès les années 1130-1140 pour aboutir, une génération plus tard, lors des grandes campagnes chrétiennes contre l'Égypte.

Œuvrant par les armes en Terre sainte comme en Péninsule ibérique et doté de biens importants dans l'ensemble de l'Occident, l'Hôpital, très vite, s'est imposé comme le pendant du Temple. Avec ce dernier, il a collaboré bien plus que rivalisé, et c'est à lui que la papauté en a remis l'essentiel de l'héritage des Templiers au concile de Vienne, en 1312, après l'épisode dramatique du procès des Templiers.

Sachez que quand on parle des Chevaliers de Saint-Jean, des Chevaliers de Rhodes ou encore de l'Ordre de Malte, il s'agit de la même chose : les Hospitaliers. Et ils existent toujours !

D'abord charitables

C'est sur l'emplacement de la maison de Zacharie, père de Jean le Baptiste, que de simples marchands obtiennent du calife d'Égypte la concession d'un terrain pour y construire une église. En plus de l'église Sainte-Marie-Latine, deux monastères seront construits : un pour les hommes et un pour les femmes. Il y a aussi une auberge et un hôpital.

C'est alors Gérard de Martigues qui est préposé à cet hôpital charitable pour donner des soins aux malades. Mais à lieu le siège de la ville Sainte pendant lequel l'hôpital sera très sollicité. Les services rendus sont remarqués par Godefroi de Bouillon et le roi Baudoin de Jérusalem qui accordent alors à l'hôpital de nombreux dons.

En 1113, le pape Pascal II approuve les statuts de la confrérie et la place directement sous la protection du Saint-Siège. Elle devient même un ordre religieux à part entière sous la volonté du pape Calixte II, le 13 juillet 1120. Cet ordre est décrété indépendant de l'Église d'occident. Ils ont leurs propres règles.

Les Templiers n'existent pas encore.

Dans l'ombre des Templiers

Les hospitaliers
La révolution des Templiers n'est pas un vain mot, un caprice d'auteur ou un coup d'éditeur. L'ordre du Temple, au XIIe siècle, a bel et bien incarné une rupture. Les hommes du temps ont parlé de nova religio  pour désigner l'institution née de la démarche de son fondateur, Hugues de Payns. Spiritualisant l'action et s'engageant à lutter par les armes contre les ennemis de la foi, tout en s'astreignant aux vœux monastiques, les Templiers ont offert à des laïcs de pouvoir faire leur salut sans renoncer au monde. Avec eux naissait une catégorie nouvelle d'ordre religieux dont l'idéal était à la fois de prier et de combattre : les moines-soldats.

L’Hôpital, qui n'était pourtant à la base qu'une communauté charitable, emboîte le pas des Templiers et se militarise lui aussi.

Au cours des siècles, l'influence de tels ordres a été grande, et c'est elle qui explique la crainte, parfois mêlée d'envie, qu'ils ont pu susciter auprès des pouvoirs en place. Dans l'ensemble de l'Europe, des Hospitaliers aux chevaliers Teutoniques, en passant par tout un ensemble de communautés en péninsule Ibérique et dans l'Europe du Nord, nimbés d'une aura mystérieuse et souvent très puissants, ils ont suscité la méfiance et la jalousie des autorités dirigeantes et du Clergé.
 

Une situation qui entraine des conflits

À partir du Moyen Âge tardif, l'image des ordres militaires a été affectée par des conflits récurrents avec les autorités établies. Cette situation a entraîné des affrontements, et, dans un cas, celui du Temple, elle a débouché sur un drame, de 1307 à 1314, avec le fameux procès. Bien des représentations terribles se sont attachées aux Templiers disparus, regardés comme une société secrète, notamment en raison de leur rituel d'admission, qui prévoyait qu'un frère, chevalier, clerc ou sergent, fit profession en dehors de tout témoin et gardât le silence sur cette cérémonie.

Mais les Templiers ne sont pas les seuls frères à avoir été accusés de crimes. Cette réputation d'occulte ne les a pas concernés seuls, et elle s'est étendue, sans le parfum du crime et de l'hérésie, à bien des ordres milliaires qui virent le jour à la suite du Temple, y compris après le Moyen Âge, échos grands ou modestes, souvent méconnus, d'une histoire qui fascine toujours.

En 1320 et en 1339, par exemple, puis au XVe siècle, les Teutoniques furent à leur tour traduits en justice, suspectés de faire prévaloir en toute chose leur soif de puissance. Pour eux, comme pour les Hospitaliers et les autres frères qui durent y faire face, ces combats judiciaires connurent une issue plus heureuse que pour le Temple.

Que sont devenus les hospitaliers ?

Port hospitalier de Rhodes
Après la chute du dernier bastion chrétien en Terre sainte, les Hospitaliers se replient d'abord sur Chypre où le roi Henri II de Lusignan leur donne la ville de Limassol ; mais ils préfèrent s'emparer en 1307 de Rhodes dont la position privilégiée au sud-ouest de l'Asie Mineure ne leur a pas échappé. Ils ont compris que la reconquête « terrestre » de la Terre sainte était pour le moment hors de portée et il donnent la priorité à la domination navale sur la Méditerranée orientale. Dès 1306, le pape Clément V leur avait en effet autorisé à armer des navires.

Le Grand Maître Foulques de Villaret installe les chevaliers hospitaliers dans l'île de Rhodes où ils demeureront pendant plus de deux siècles. Son oncle, le grand maître Guillaume de Villaret, avait créé auparavant quatre nouveaux groupes d'hospitaliers qui s'appellent des « langues ». En plus de la langue de Provence, la langue d'Auvergne et la langue de France s'étaient ajouté les langues d'Italie, d'Aragon, d'Angleterre et d'Allemagne. Ces entités correspondent à des zones géographiques et chacune dispose de « commanderies », regroupées en « prieurés ». Ces fiefs en Europe permettent d'assurer à l'Ordre ses revenus selon une mécanique bien huilée : les moines frères recueillent les aumônes puis les transmettent à leurs supérieurs qui les confient aux chevaliers qui résident sur place.

Hospitalier
La dissolution de l'ordre du Temple en 1312 bénéficie directement aux Hospitaliers à qui reviennent tous les biens des Templiers. Rhodes devient alors un état souverain mais l'Ordre continue à assumer sa vocation guerrière en luttant à la fois contre les Mameluks d'Égypte et contre les Ottomans.

En juin 1522, Rhodes tombe aux mains de Soliman le Magnifique et des Turcs. Les Hospitaliers abandonnent la place après avoir fait sauter les églises pour éviter qu'elles ne soient profanées. Partis de Rhodes en janvier 1523, les chevaliers de l'Hôpital entament une errance de sept années. Ils firent halte à Messine, en Crète, en Italie et à Nice. Ils envisagent même de s'installer dans les îles d'Hyères. Finalement le traité de Castel Franco, conclu le 24 mars 1530 entre le Grand Maître de l'Ordre et l'empereur Charles Quint, leur attribue l'archipel de Malte. C'est ainsi que les Chevaliers de Rhodes deviennent les Chevaliers de Malte.
 

Les chevaliers de Malte

Fort St Elme à Malte
Fort St. Elme à Malte
En 1551-1552, le grand maître hospitalier Juan de Homedes fait construire le fort Saint-Elme et le fort Saint-Michel. C'est le grand maître Jean de Valette qui fit construire la ville nouvelle qui porte son nom, à partir de 1565, et qui est maintenant la capitale de Malte.

Fidèles à leur première mission, les Hospitaliers construisent à Malte un premier hospice en 1530, aussitôt après leur arrivée, puis un second en 1575. Malte possède ainsi, au XVIIIe siècle, le plus grand et le plus moderne des hôpitaux de toute l'Europe.

La Révolution française porte cependant un coup terrible à l'Ordre des Hospitaliers, vieux de plus de sept siècles. L’Assemblée nationale de 1789 refuse de le considérer comme un État souverain et le dépossède de tout ses biens en France. La France fournissait alors près des 2/3 de l'effectif des Chevaliers de Malte et la plus grande partie de ses revenus. Plus tard, l'expédition d'Égypte de Bonaparte est l'occasion d'un débarquement français à Malte qui débouche le 12 juin 1798 sur une reddition. A l'origine, Bonaparte voulait simplement se réapprovisionner en eau mais le Grand Maître a refusé de laisser entrer dans le port plus d'un bateau à la fois. Il ne fallait pas contrarier Napoléon !

Les Chevaliers de Malte sont chassés de l'île par Bonaparte. Face à l'occupation française, Malte demande l'aide aux anglais (les ennemis jurés des français). En 1800, les anglais, ne se contentant pas de venir défendre les maltais, s'emparent de Malte.

L'Ordre, privé de territoire, s'exile un temps en Russie sous la protection du tsar Paul Ier et revient finalement s'installer à Rome en 1834, dans le palais de la Via dei Condotti. Il est réduit à son simple état-major. La restauration de la Grande Maîtrise a lieu en 1879.

L'ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, dit Ordre des Chevaliers de Rhodes et de Malte, compte aujourd'hui environ 13500 membres laïcs réunis au sein de 47 associations nationales (qui remplacent les « langues »). Il est installé à Rome au Palazzo di Malta, qui bénéficie d'un privilège d'extraterritorialité : il a le rang d'un État souverain et entretient des relations avec 67 pays.

Depuis 1961 il porte le nom officiel d'« Ordre Souverain Militaire Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte », souvent abrégé en « Ordre de Malte ». L'ordre souverain de Malte se consacre à présent à des œuvres humanitaires et caritatives. Ils ne possèdent plus d'armée de chevaliers mais interviennent souvent lors de conflits militaires (dernièrement en Yougoslavie dans les années 1995–1999).



Sources : D'après Philippe Josserand, historien spécialiste des ordres militaires et de la croisade, et Philippe Conrad, historien, rédacteur en chef de la Nouvelle Revue d'Histoire.
 
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