Tchernobyl

Tchernobyl
Plus de 30 ans se sont écoulés depuis qu’une catastrophe s’est abattue sur Tchernobyl le 26 avril 1986 et a bouleversé notre monde. En seulement quelques jours, l'air, l'eau, les fleurs, les arbres, la forêt, les rivières, les mers sont devenus des sources potentielles de danger pour l'homme, étant donné que les substances radioactives émises par le réacteur numéro quatre ayant explosé sont retombées sur toutes les formes de vie. Dans tout l'Hémisphère Nord, la radioactivité a recouvert la plupart des biotopes et elle est devenue une source de dommages potentiels pour tous les êtres vivants.

Les émissions de ce seul réacteur ont dépassé au centuple la contamination radioactive des bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki. Un réacteur nucléaire peut polluer la moitié du globe. Les retombées de Tchernobyl ont couvert tout l'Hémisphère Nord. Les questions demeurent car une directive du ministère de la défense de l'URSS, datée du 9 juin 1989, a imposé le secret.

Aujourd’hui, plus de 6 millions de personnes vivent sur des terres dangereusement contaminées, des terres qui continueront à être contaminées durant des décennies et des siècles.

 

L'impact en France

Zone radioactive
C’est Sarkozy, alors délégué interministériel pour les énergies et le nucléaire dans le gouvernement Chirac, premier ministre tout juste arrivé au pouvoir, qui est chargé d’orchestrer la désinformation en France. En vérité, le gouvernement voulait surtout empêcher à tout prix que les Français perdent confiance en l’énergie nucléaire, dans laquelle la France avait tout investi.

Les autorités nucléaires françaises publient un communiqué qui affirme que la hausse de la radioactivité en France, après l'explosion du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, est « non significative pour la santé publique ». Le nuage venu d'Ukraine s'est miraculeusement arrêté net aux Frontières de la France, grâce au vent. Le patron de l'époque du Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI), le professeur Pierre Pellerin, se retrouve rapidement associé à la polémique alors que pourtant il n'a jamais parlé.

Le ministère de l'Agriculture y va lui aussi de son communiqué, une semaine après la catastrophe :

Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées.  

Pourtant, chez nos voisins, en Italie, la vente de légumes à feuille et de lait frais est interdite. Mais en France, les fromages sont bons. Il faut seulement se méfier des champignons ramassés dans la montagne. Le professeur Pierre Pellerin reste droit dans ses bottes :

Il faudrait imaginer des élévations dix mille à cent mille fois plus importantes pour que commencent à se poser des problèmes significatifs d'hygiène publique.  

On rencontre aussi ceci, alors que des doses de césium quatre fois supérieures à la norme fixée par la communauté européenne sont détectées dans le thym en Provence :

La limite de concentration des radioéléments est fixée sur la quantité maximale qu'on peut ingérer en une année. Or on ne consomme pas de thym comme on boit du lait.  

Quelques jours plus tard, alors qu'il est maintenant presque reconnu que la France a été survolée par le nuage radioactif, le ministre de l'Environnement, Alain Carignon, se dégage de toute responsabilité en accusant les Russes :

La rétention de l'information a d'abord été pratiquée en URSS.  

Il faut finalement attendre octobre 1986 pour que soit révélé officiellement que le nuage radioactif était bien passé au dessus de la France. Mais, pour les autorités alors en place, ce n'est toujours pas grave. On sait désormais que la contamination a été sérieuse dans tout l'est de la France et en Corse.

Carte exposition à la radioactivité

 

Dissimulation des chiffres et méfiance envers l'industrie atomique

Naturellement, juste après l'accident, la réaction des populations en Europe a été très forte en manifestant de la méfiance envers l'industrie atomique. Un certain nombre de pays ont décidé d'arrêter la construction de nouvelles centrales nucléaires. Les énormes dépenses nécessaires pour atténuer les effets négatifs des conséquences de Tchernobyl ont aussitôt « fait grimper le prix » de l'énergie électrique produite par le nucléaire. Cette réponse a perturbé les gouvernements de nombreux pays, les organisations internationales et les organismes officiels en charge de la technologie nucléaire et cela a conduit à une situation paradoxale de polarisation quant à la manière d'aborder les questions des personnes atteintes par la catastrophe de Tchernobyl et les effets de l'irradiation chronique sur la santé des personnes vivant dans les zones contaminées.

Centrale de Tchernobyl en 2009
Vue de la Centrale de Tchernobyl en 2009

La principale conclusion des rapports médicaux est le chiffre de 9 000 victimes atteintes ou décédées de cancers radiogéniques, mais en raison de l'incidence de cancers spontanés, « il sera difficile de déterminer la cause exacte des décès ». Quelque 4 000 enfants ont été opérés d'un cancer de la thyroïde. Dans les zones contaminées, on a observé de plus en plus de cataractes. Les experts, dont certains étaient liés à l'industrie nucléaire, concluent que dans l'ensemble, les effets indésirables sur la santé de la population ne sont pas aussi graves qu'on aurait pu le penser.

En 2005, le Forum de Tchernobyl a déclaré que le nombre total de malades dû à la catastrophe serait d'environ 200 000.

En raison de la polarisation du problème, au lieu d'organiser une étude exhaustive et objective des phénomènes radiologiques et radiobiologiques induits par de faibles doses de radiations, d’en anticiper les conséquences négatives et de prendre autant que possible les mesures adéquates pour protéger la population des effets négatifs envisageables, les apologistes de l'énergie nucléaire ont mis en place un black-out sur les données concernant les taux réels d'émissions radioactives, les doses de rayonnement et l'augmentation de la mortalité parmi les personnes touchées.

Une justification des autorités

Quand il est devenu impossible de dissimuler la multiplication avérée des maladies radio-induites, on a tenté de la justifier en prétendant qu’il s’agissait du résultat d’une peur collective nationale. Ouais... une phobie.

Reste d'une fête foraine à Tchernobyl
À la même époque, certains des concepts de la radiobiologie moderne ont été soudain remis en question. Ainsi, contrairement aux observations de base sur la nature des interactions élémentaires entre les rayonnements ionisants et la structure moléculaire des cellules, une campagne a été lancée pour nier la relation linéaire entre le taux de radiation et les effets des radiations. S’appuyant sur les effets des faibles doses de rayonnement dans des systèmes non-humains où un phénomène d'hormésis a été observé, certains scientifiques ont commencé à insister sur le fait que des doses telles que celles constatées à Tchernobyl pourraient en fait être bénéfiques aux humains et à tous les autres êtres vivants. [NDLR : En fait ce serait bien moins grave que de fumer en quelque sorte.]

Pourtant, peu après la catastrophe, des médecins alarmés ont observé une augmentation significative des maladies dans les zones contaminées et ont exigé de l'aide. Les experts impliqués dans l'industrie nucléaire et les tribunaux administratifs de haut rang ont déclaré qu'il n'y avait pas de preuve « statistiquement authentifiée » de la responsabilité du rayonnement de Tchernobyl, mais dans les dix années qui ont suivi la catastrophe, des documents officiels ont reconnu que le nombre de cancers de la thyroïde avait augmenté « de façon inattendue ». Avant 1985, plus de 80% des enfants dans les territoires du Belarus, de l'Ukraine et de la Russie d'Europe voisins de Tchernobyl étaient en bonne santé et aujourd'hui moins de 20% se portent bien. Dans les zones fortement contaminées, il est difficile de trouver un seul enfant en bonne santé.

Quelles sont les retombées mondiales de Tchernobyl ?

Salle de contrôle de Tchernobyl
Salle de contrôle de Tchernobyl
Les retombées radioactives de Tchernobyl ont eu un impact sur la faune et la flore de tout l’Hémisphère Nord. Des niveaux élevés de radioactivité ont été trouvés dans les végétaux et les animaux (ainsi que dans les micro-organismes) en Europe occidentale, en Amérique du Nord, en Arctique et en Asie orientale et ces niveaux étaient souvent des centaines de fois plus élevés que ceux de la radioactivité naturelle, considérés comme « normaux ». Cet énorme déversement d’une radioactivité d’un niveau élevé associé à l’irradiation chronique par faibles doses qui s’ensuivit, ont induit des perturbations morphologiques, physiologiques et génétiques dans tous les organismes vivants : végétaux, mammifères, oiseaux, amphibiens, poissons, invertébrés, bactéries et même les virus. Les effets négatifs ont été constatés dans toutes les plantes et tous les animaux étudiés, sans la moindre exception.

L’ensemble des processus qui se sont produits pendant les 5 à 7 premières années autour de Tchernobyl, annonçaient précisément ce qu’il adviendra des populations humaines exposées. Tchernobyl est un incubateur de la microévolution, transformant activement le pool génétique avec des conséquences imprévisibles. Toute la zone est un trou noir dans lequel se produit une dégénérescence génétique accélérée des grands animaux. À nos risques et périls, nous ne tenons pas compte de ces observations.
 

Les conférences internationales

L'apogée de cette situation a été atteinte en 2006 lors du vingtième anniversaire de l'accident de Tchernobyl. À cette époque, la santé et la qualité de la vie s’étaient dégradées pour des millions de personnes. En avril 2006 à Kiev, en Ukraine, deux conférences internationales ont été organisées dans des lieux proches l’un de l’autre : l'une a été convoquée par des partisans de l'énergie atomique et l'autre par un certain nombre d'organisations internationales alarmées par l'état de santé réel des personnes touchées par la catastrophe de Tchernobyl.

La conclusion de la première conférence n'a pas été formulée jusqu'à présent parce que la partie ukrainienne n’accepte pas les positions extrêmement optimistes qui en ressortent.

La deuxième conférence a unanimement reconnu que les conséquences de la contamination radioactive de vastes zones ont été clairement négatives pour la santé des populations et elle a prédit un risque accru de maladies radiogéniques dans les pays européens pour les années à venir.

Pendant longtemps, on a pensé que le moment était venu de mettre un terme à l'opposition entre les partisans de la technocratie et ceux qui soutiennent les efforts scientifiques objectifs d'estimation des risques négatifs pour les personnes exposées aux retombées de Tchernobyl. Les éléments permettant de croire que ces risques ne sont pas mineurs sont très convaincants.

Des documents déclassifiés, émis à l’époque par les commissions gouvernementales de l'Union soviétique et de l’Ukraine en ce qui concerne la première décennie après 1986, contiennent des données sur un certain nombre de personnes qui ont été hospitalisées avec de graves irradiations. Ce chiffre est deux fois plus élevé que celui récemment cité dans les documents officiels.

Alors est-il fondé de penser que les diagnostics des médecins ont été universellement faux ?

Comment mesurer les doses d'irradiation ?

Pour estimer les doses d'irradiation liées à la catastrophe de Tchernobyl au cours d'une année, il est essentiel de prendre en compte l'irradiation due aux retombées sur le sol et les feuillages, qui ont contaminé diverses formes d'aliments par des radionucléides à courte durée de vie.

Dans différentes régions, les doses d'irradiation interne ont été définies sur la base de leur taux d’activité dans le lait et les pommes de terre. Dans les régions de Polésie, où les champignons et autres produits forestiers constituent une part importante de la nourriture consommée, la radioactivité n'a pas été prise en compte.

L'efficacité biologique des effets cytogénétiques varie en fonction de la nature externe ou interne du rayonnement : l'irradiation interne provoque des dommages plus importants, un fait également négligé.

Ainsi, il y a des raisons de croire que les doses d'irradiation n'ont pas été correctement estimées, en particulier pendant la première année après la défaillance du réacteur. Les données sur la croissance de la mortalité pendant deux décennies après la catastrophe viennent confirmer cette conclusion.

Il existe des données très précises sur les maladies thyroïdiennes malignes de l'enfant, de sorte que même les tenants de la « radiophobie » comme cause principale de la maladie ne le nient pas. Au fil du temps, des maladies oncologiques avec des périodes de latence plus longues, en particulier les cancers du sein et du poumon, sont devenues plus fréquentes.

L'augmentation des maladies

Les effets des radiations
D'année en année, il y a eu une accentuation des maladies non cancéreuses, ce qui a accru l'incidence de la mortalité globale chez les enfants dans les zones touchées par la catastrophe, et le pourcentage des enfants « médicalement en bonne santé » a continué à diminuer. Par exemple, à Kiev, en Ukraine où, avant la fusion des réacteurs, jusqu'à 90% des enfants étaient considérés comme sains, le pourcentage est aujourd'hui de 20%. Dans certains territoires de Polésie, il n'existe pas d'enfants en bonne santé et la mortalité a globalement augmenté pour tous les groupes d'âge. La fréquence des maladies a aussi considérablement augmenté depuis l'accident de Tchernobyl.

L'augmentation des maladies cardiovasculaires avec une fréquence accrue des attaques cardiaques et des maladies ischémiques est prouvée. La moyenne de l'espérance de vie est corrélativement réduite. Les maladies du système nerveux central chez les enfants et les adultes sont source de préoccupation. L’incidence des problèmes oculaires, en particulier des cataractes, a fortement augmenté. Les complications pendant la grossesse et l'état de santé des enfants nés de « liquidateurs » (les travailleurs affectés au nettoyage de Tchernobyl) et des personnes évacuées de zones de forte contamination par les radionucléides sont une cause d'alarme.

Confrontés à des données si convaincantes, les propos de certains partisans de l'énergie atomique semblent spécieux quand ils nient les effets négatifs avérés des rayonnements sur les populations. De fait, leurs réactions incluent le refus presque total de financer des études biologiques et médicales, même s'agissant des organismes gouvernementaux qui ont eu la charge des « affaires de Tchernobyl ». Sous la pression du lobby nucléaire, les fonctionnaires ont également détourné le personnel scientifique de l'étude des problèmes provoqués par Tchernobyl.
 

Des modifications génétiques

Des modifications dans la structure génétique des cellules reproductrices ainsi que des cellules somatiques déterminent et définissent l'apparition de nombreuses maladies. Les rayonnements ionisants provoquent des dommages aux structures héréditaires.

L’énorme dose collective liée à la catastrophe de Tchernobyl a provoqué des dégâts qui couvriront plusieurs générations, entraînant des changements dans la structure génétique et divers types de mutations : des mutations du génome (variation du nombre de chromosomes), des mutations chromosomiques (dommages à la structure des chromosomes : translocations, suppressions, insertions et inversions) et des petites mutations (ponctuelles).

Trente ans après la catastrophe, des données concernant les dommages génétiques associés à l'irradiation de Tchernobyl ont été divulguées. Il y a bien sur différents types de mutations qui ont résulté de la catastrophe elle-même, mais aussi des anomalies congénitales du développement induites génétiquement. On a aussi des données sur la santé de la génération suivante, les enfants nés de parents irradiés. C'est alarmant.

A Berlin-Ouest, parmi les bébés conçus en mai 1986, le nombre de nouveau-nés atteints du syndrome de Down (Trisomie 21) a augmenté de 2,5 fois. Dans le sud de l'Allemagne, une augmentation du nombre de cas de trisomie-21 a été observée lors d'amniocentèses. En Grande-Bretagne, il y a eu un doublement du nombre de nouveau-nés atteints du syndrome de Down à Lothian, en Écosse, l'un des territoires contaminés par Tchernobyl. Ce ne sont que quelques exemples.

Des photos prises dans les zones contaminées du Biélorussie et de l'Ukraine ont montré qu'il existait de nombreux cas de nouveau-nés présentant des caractéristiques du syndrome de Patau (trisomie-13). Les anomalies comprennent : une polydactylie, des anomalies de développement des yeux (microphtalmie, cataractes congénitales, colobome de l'iris), une trigonocéphalie, des fissures labiales et palatines, des anomalies du nez, etc. À partir de descriptions cliniques d’enfants nés dans les territoires contaminés, il existe des cas connus d'autres mutations génomiques : syndrome d'Edward (trisomie-18), syndrome de Klinefelter (chromosome X supplémentaire), de Turner (syndrome d'absence d’un chromosome X), chromosomes XXX chez les filles et chromosomes XYY chez les garçons. On ne dispose pas de statistiques concernant ces cas mais les témoignages sont nombreux.

Des sources d'espoir

Fukushima

Fukushima en 2011
Les progrès rapides de la biologie et de la médecine sont une source d'espoir dans la recherche des moyens de prévenir les nombreuses maladies dues à l'exposition aux radiations nucléaires chroniques, et cette recherche permettra d'avancer beaucoup plus rapidement si elle est effectuée dans le contexte de l’expérience que les scientifiques et les médecins ukrainiens, biélorusses et russes ont acquise après la catastrophe de Tchernobyl.

Nous aurions bien tort de négliger les possibilités qui nous sont offertes aujourd'hui. Nous devons espérer qu’un jour l'objectivité et l’impartialité gagneront, appuyer sans réserve les efforts visant à déterminer l'influence de la catastrophe de Tchernobyl sur la santé des personnes et la biodiversité et conformer notre approche aux futurs progrès technologiques et à une attitude morale globale. Nous devons espérer et avoir confiance que cela se produira.


D'après un rapport du professeur Dimitro M. Grodzinsky, Docteur en biologie, Président du Département de biologie générale, Académie nationale des Sciences d’Ukraine, Président de la Commission nationale d’Ukraine sur la protection contre les radiations. 26 février 2011.
D'autres sources ont été intégrées à cet article.




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