Modification comportementale de l'être humain

Les expériences de la CIA

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L'amiral Stansfield Turner fut le directeur de la CIA entre 1977 et 1981. Il signale une découverte de sept boîtes de documents liées au projet MKULTRA, un projet de la CIA mené entre 1953 et 1964. MKULTRA était un « projet parapluie » en vertu duquel certains sous-projets sensibles ont été financés, concernant entre autres la recherche sur les drogues et la modification du comportement.

Au cours des enquêtes menées par la Commission Rockefeller et le Comité Church en 1975, ce nom de code est devenu public au moment où les détails de la mort liée à la drogue du Dr Frank Olsen ont été publiés. En 1953, le docteur Olsen était un employé civil de l'armée à Fort Detrick. Il s'est jeté d'une fenêtre de sa chambre d'hôtel à New York environ une semaine après avoir consommé inconsciemment le LSD qui lui avait été administré lors d'une rencontre de chercheurs sur le LSD organisée par la CIA.

Destruction des documents en 1973

La plupart de ce qui était connu de la participation de l'Agence dans les recherches sur les médicaments modificateurs comportementaux au cours des enquêtes en 1975 figurait dans un rapport sur le projet MKULTRA, préparé par le bureau de l'inspecteur général en 1963. À la suite des recommandations de ce rapport, le projet a été interrompu.

Le rapport sur MKULTRA a été mis à la disposition des enquêteurs du Comité Church du Congrès américain et du personnel de la Commission de la santé du sénateur Edward Kennedy. Jusqu'à la récente découverte des boîtes de documents, on croyait que tous les dossiers MKULTRA traitant de la modification du comportement avaient été détruits en 1973, sur les ordres du chef de l'Office du service technique, avec l'autorisation du DCI (Directeur de la Central Intelligence). Presque toutes les personnes qui avaient un lien avec quelque aspects du projet qui intéressaient les enquêteurs du Sénat en 1975 n'étaient plus membres de l'Agence à ce moment-là. Ainsi, il n'y avait à la CIA que peu de connaissance détaillée des sous-projets MKULTRA lors des enquêtes du Comité Church. Ce manque de détails et de témoignages n'était probablement pas attribuable à la destruction des fichiers MKULTRA en 1973 ; le rapport de 1963 sur MKULTRA rapporte les notes de l'inspecteur général à la page 14 :

La pratique actuelle est de ne pas tenir compte de la planification et de l'approbation des programmes d'essai. 

On peut donc supposer que le projet a bel et bien continué en sous-marin.

Que contiennent les cartons découverts en 1977 ?

Voyons un peu le contenu approfondi de ces cartons. Nous pensons que vous serez très intéressés par les aspects suivants de la découverte, comment ce matériel a été découvert et pourquoi il n'a pas été trouvé auparavant. Quelle est la nature de ces documents et combien de nouvelles informations sont mises à jour ? Ce que nous croyons être les aspects les plus importants de cette découverte sont les suivants :

Où se trouvaient les cartons ?


Les documents avaient été envoyés dans un centre de dossiers classés qui se trouve à l'extérieur de Washington. Ils ont été découverts par les efforts d'un employé chargé de la responsabilité de maintenir à jour les dossiers de la CIA sur les drogues comportementales et pour répondre aux demandes de la Loi sur la liberté d'information.

Pourquoi ces documents n'ont-ils pas été découverts lors de l'enquête ?


Au cours de l'enquête menée par le Comité Church en 1975, les recherches concernant le matériel de MKULTRA ont été faites en examinant à la fois les dossiers actifs et les dossiers classés de toutes les branches de la CIA considérées comme ayant vraisemblablement été associées au projet. Toutefois, les archives de la Section budgétaire et fiscale de la Direction de la CIA n'ont pas été inspectées. La raison en est que les documents financiers associés à des projets sensibles tels que MKULTRA sont normalement maintenus par la Direction elle-même sous le dossier du projet, et non par la Section budgétaire et fiscale. On aurait du alors trouver ces documents dans les branches de l'Agence concernées par le projet. Dans le cas présent, cependant, le matériel avait été envoyé en 1970 au Centre d'archive de la Section budgétaire et Fiscale dans le cadre de ses propres archivages. La raison de cet écart à la procédure normale n'est pas connue.

À la suite de cela, le matériel a donc échappé à la récupération et à la destruction en 1973 par le Directeur du Bureau ainsi qu'aux recherches effectuées en 1975 par des responsables de la CIA pour répondre aux enquêteurs du Sénat. Mais il semble certain qu'il n'y a pas eu de tentative de dissimulation de ces documents lors des recherches antérieures. C'est le fruit du hasard et rien d'autre.

Quelle est la nature des documents ?


Manipulation mentale
En ce qui concerne la nature du matériel retrouvé, il est important de se rendre compte que les dossiers récupérés sont des dossiers financiers. La majeure partie du matériel comprend des approbations pour des avances des fonds, des bons, des pièces comptables et autres choses de ce genre. La plupart ne sont pas très informatifs quant à la nature des activités qui ont été entreprises.

Des propositions de projets occasionnels ou des notes sur certains aspects d'un sous-projet sont dispersés dans tout ce matériel mais sont très rares. En général, le matériel récupéré n'inclut pas les rapports d'état ou d'autres documents relatifs à des considérations opérationnelles ou à des progrès dans les différents sous-projets, bien qu'une certaine idée des activités se dessine.

Les documents récupérés tombent à peu près dans trois catégories :
- il existe 149 sous-projets MKULTRA, dont beaucoup semblent avoir des liens avec la recherche sur la modification du comportement, l'acquisition de médicaments et les tests ou l'administration de drogues clandestinement, à l'insu des sujets drogués.

- il existe deux boîtes de documents divers MKULTRA, comprenant notamment des rapports d'audit et des états financiers provenant d'organismes de financement officieux (des intermédiaires) utilisés pour dissimuler le parrainage par la CIA de divers projets de recherche.

- 33 sous-projets supplémentaires concernent certaines activités de renseignement précédemment financées par le projet MKULTRA qui n'ont rien à voir avec les modifications comportementales, les drogues et les toxines ou avec d'autres questions connexes.

C'est bien entendu les 149 sous-projets qui nous intéressent le plus.
 

Les catégories de sous-projets

Les équipes de l'Amiral Turner ont tenté de regrouper les activités couvertes par les 149 sous-projets en catégories. Les activités se répartissent ainsi dans les 15 catégories suivantes :

1. Recherche sur les effets des drogues comportementales et/ou de l'alcool

17 sous-projets n'impliquant probablement pas de tests humains;
14 sous-projets incluant clairement des tests sur des volontaires humains;
19 sous-projets incluant probablement des tests sur des volontaires humains. Bien qu'ils ne soient pas connus, certains de ces sous-projets ont peut-être inclus des tests sur des sujets non volontaires;
6 sous-projets avec des tests sur des sujets non volontaires.

2. Recherche sur l'hypnose :
8 sous-projets, dont 2 impliquant l'hypnose en combinaison avec des médicaments.

3. Acquisition de produits chimiques ou de drogues :
7 sous-projets.

4. Aspects magiques utilisés en couverture d'opérations dissimulées : par exemple, la livraison clandestine de matériaux liés à la drogue :
4 sous-projets.

5. Études sur le comportement humain, la recherche sur le sommeil et les changements de comportement pendant des séances de psychothérapie :
9 sous-projets.

6. Recherches bibliographiques et participation à des séminaires et conférences internationales sur la modification du comportement :
6 sous-projets.

7. Études de motivation, études des transfuges, techniques d'évaluation et de formation :
23 sous-projets.

8. Recherche polygraphique :
3 sous-projets.

9. Mécanismes de financement pour les activités de recherche externe de MKULTRA :
3 sous-projets.

10. Recherche sur les drogues psychotropes, les toxines et les produits biologiques dans les tissus humains; la fourniture d'agents pathogènes exotiques et la capacité de les intégrer dans des processus d'administrations effectifs :
6 sous-projets.

11. Activités dont les objectifs ne peuvent être déterminés à partir de la documentation disponible :
3 sous-projets.

12. Sous-projets révélant un soutien financier pour des activités, non spécifiées, liées à la Division des opérations spéciales de l'armée. Dans le cadre du sous-projet MKNAOMI de la CIA, par exemple, la CIA a été aidée par l'armée dans le développement, l'essai et le maintien d'agents biologiques et de systèmes de d'administration utilisables contre des êtres humains ainsi que contre des animaux et des cultures. Les objectifs de ces sous-projets ne peuvent être identifiés à partir du matériel récupéré au-delà du fait que l'argent devait être utilisé lorsque les canaux de financement normaux nécessitaient une justification supérieure à ce qui semblait souhaitable pour des raisons de sécurité ou lorsque des considérations opérationnelles obligeaient à effectuer des achats dans des délais très courts. Environ 11 000 $ ont été financés de cette manière pendant la période allant de 1953 à 1960.
3 sous-projets.

13. Sous-projets individuels dans des domaines tels que les effets d'électrochocs, les techniques de coercition pour l'utilisation offensive, l'analyse de la perception extrasensorielle, les pulvérisations de gaz et les aérosols, et quatre sous-projets impliquant le sabotage de cultures et de matières premières.

14. Un ou deux sous-projets sur chacun des éléments suivants :
- recherche sur les groupes sanguins
- contrôle de l'activité des animaux
- stockage d'énergie et transfert dans les systèmes organiques
- stimulus et réponse dans les systèmes biologiques.

15. Trois sous-projets ont été annulés avant que tout travail n'ait été effectué. Il s'agit du dépistage des médicaments en laboratoire, de la recherche sur la commotion cérébrale et de la recherche de matériaux biologiquement actifs à tester par la peau chez des volontaires humains.

Personnes et institutions impliquées

Tous ces documents ajoutent des noms à ceux qui ont déjà été recensés par le Comité Church et la Commission de la Santé du Sénateur Kennedy. Certains noms n'avaient pas encore été identifiés en ce qui concerne des chercheurs et des institutions associées à des activités volontaires ou involontaires en rapport avec les activités de MKULTRA. On y découvre également les noms des fonctionnaires de la CIA qui ont approuvé ou surveillé les différents sous-projets.

Certains nouveaux éléments de fond sont également présents : par exemple, des détails sur les propositions d'expérimentation et les tests cliniques associés à divers projets de recherche et une éventuelle contribution inadéquate de la CIA à une institution privée. Cependant, les principaux types d'activités inclus ont été, pour la plupart, décrits dans une certaine mesure ou généralement décrits dans ce qui était précédemment disponible en guise de documentation et fourni par la CIA aux enquêteurs du Sénat. Par exemple : les enregistrements de décaissement financiers pour la période 1960-1964 pour 76 des 149 sous-projets numérotés MKULTRA ont été récupérés par le Bureau des finances de la CIA et ont été mis à la disposition des enquêteurs du Comité Church en août ou septembre 1975.

Que dévoile le rapport de 1963 ?

Expériences de la CIA
Le rapport de l'inspecteur général de 1963 sur MKULTRA, mis à la disposition des différents comités d'enquêtes, mentionne l'électrochirurgie et des substances coercitives, des essais dissimulés sur des citoyens américains n'en ayant pas conscience, la recherche de nouveaux matériaux grâce à des arrangements avec des spécialistes dans les universités, les laboratoires pharmaceutiques, les hôpitaux, les institutions étatiques et fédérales et les organismes de recherche privés, et le fait que la Division du service technique de la CIA avait lancé 144 sous-projets liés au contrôle du comportement humain entre 1953 et 1963.

La section pertinente d'un rapport de l'inspecteur général de 1957 sur la Division du service technique a également été mise à la disposition des enquêteurs. Ce rapport traite de techniques d'évaluation humaine et de méthodes de communication peu orthodoxes; de matériel discréditant et rendant infirme pouvant être administré en secret; d'études sur les pratiques occultes appliquées aux opérations cachées; des mécanismes de financement spécifiques pour la recherche effectuée en dehors de la CIA ; de la recherche effectuée sur l'Agent "K" (knock-out), de la tolérance à l'alcool et de l'hypnotisme ; de la recherche sur le LSD; des systèmes de neutralisation ou d'assassinat (l'assassin de Robert Kennedy aurait été un sujet ayant subit des manipulations mentales dans le cadre du programme MK Ultra), y compris les bombes aérosols et autres dispositifs de pulvérisation; du rôle de Fort Detrick dans l'appui de la capacité de guerre chimique et biologique de la CIA; et de la recherche sur le sabotage matériel. Une grande partie de cette énumération se retrouve dans le rapport de la Commission d'enquête de 1975.
 

Qu'apprend-on de nouveau ?

Les nouvelles données les plus importantes découvertes au travers de ces sept cartons de documents sont, d'une part, les noms des chercheurs et des institutions qui ont participé au projet MKULTRA et, deuxièmement, d'une contribution éventuellement inappropriée de la CIA à une institution privée. Nous sommes maintenant en possession des noms de 185 chercheurs et assistants non gouvernementaux qui sont identifiés dans le matériel récupéré traitant des 149 sous-projets. Les noms des 80 établissements où le travail a été fait ou avec lesquels ces personnes ont été affiliées sont également mentionnés.

Les institutions comprennent 44 collèges ou universités, 15 fondations de recherche ou des sociétés chimiques ou pharmaceutiques et autres, 12 hôpitaux ou cliniques (en plus de celles associées aux universités) et 3 établissements pénitentiaires. Alors que l'identité de certaines de ces personnes et institutions était connue auparavant, la découverte des nouvelles identités ajoute à notre connaissance de MKULTRA.

On apprend aussi qu'un projet a subventionné à hauteur de 375 000 $ un fonds de construction d'un établissement médical privé. Le fait qu'une contribution ait été faite était déjà connu car c'était mentionné dans un rapport de l'Inspecteur général de 1957 sur la Division du service technique de la CIA. Les nouveaux documents précisent que cette contribution a été faite par un intermédiaire, ce qui l'a fait apparaître comme un don privé. Ce don privé a été compensé par des fonds fédéraux. L'institution n'a pas été informée de la véritable source du don. Ce projet a été approuvé par la DCI de l'époque et a été approuvé par la haute direction de la CIA de l'époque, y compris le Conseiller général qui a rédigé un avis favorable à la légalité de la contribution.

Les recherches sur les drogues

Les documents découverts en 1977 donnent un aperçu plus approfondi de la portée des tests de drogue sur des non-volontaires. Nous avons maintenant des informations utiles sur la façon dont certains essais involontaires de drogues ont été effectués dans des lieux secrets ou des planques situés à San Francisco et à New York. Trois personnes étaient impliquées dans cette entreprise. Nous savons également maintenant que des tests involontaires ont eu lieu sur des psychopathes et des criminels confinés dans un hôpital psychiatrique fédéral et que, en outre, des recherches ont été effectuées sur des médicaments knock-out ou "K" parallèlement à des recherches visant à développer des analgésiques pour patients atteints d'un cancer.

On apprend également que certaines institutions ou certains chercheurs ont été parrainés par la CIA sans qu'ils le sachent. Ils ont travaillé sur des sujets tels que la recherche sur les drogues, la manipulation mentale ou la modification du comportement en pensant le faire de bonne foi et croyant qu'ils aidaient leur gouvernement dans un but légitime et approprié. En réalité il étaient financés par la CIA qui comptait exploiter leurs découvertes dans un but purement militaire ou manipulateur.

Même si dans les années qui ont suivi le rapport de 1963 la CIA n'était plus impliquée dans de telles recherches ─ elle ne l'était plus officiellement et effectivement ─ il est probable que des cellules autonomes n'étant plus sous le contrôle de la CIA aient poursuivit ces recherches. Mais c'est beaucoup plus difficile à prouver car il s'agissait d'organisations ultra-secrètes dépendant directement de la Maison Blanche ou de services classés défense de la Maison Blanche. Seules quelques personnes étaient au courant et ces groupuscules sont très entrainés pour se dissimuler et pour conserver des secrets. Ils n'hésitent pas à assassiner l'un des leurs quand ils pensent qu'il présente un risque de trahison.

Selon dramatic.fr les recherches auraient perduré jusqu'à la fin des années 80 car on sait que dans le même temps les soviétiques effectuaient le même genre de recherches.



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