Le Matsoaunisme

André Grenard Matsoua
André Grenard, plus connu sous le nom de Matsoua, n’a jamais eu de vision céleste, n’a jamais discuté avec l’ange Gabriel ni même entendu de voix, il n’a même jamais imaginé un instant prêcher pour qui que ce soit et à fortiori pour ce qui deviendra sa religion, le Matsouanisme. L’activité de Matsoua va se limiter, et ceci n’est pas péjoratif, au domaine politique avec sa participation aux associations d’aide aux africains émigrés en France, et à des revendications nationalistes.

Né en 1899 Matsoua est élevé dans une école de missionnaires catholiques. En 1919 il entre au service des douanes de Brazzaville, puis s’engage dans l’armée française en 1924, et atterrit dans un poste de comptable à l’hôpital Laennec à Paris. C’est alors qu’il s’intéresse aux divers mouvements de défense de la « race nègre » et en 1926 il créé l’amicale de originaires de l’A.E.F . mais refuse de fusionner avec les associations de travailleurs noirs proches du P.C.F. Matsoua demande la suppression du Code de l’indigénat, mais arrêté en 1929, son association est dissoute. Emprisonné à Brazzaville, évadé, à nouveau emprisonné, à nouveau évadé, Matsoua se construit ainsi une légende de passe muraille, premier pas vers la stature prophétique. Dans le même temps les populations du pays Lari refusent de payer l’impôt de 3 francs destiné à alimenter les sociétés indigènes de prévoyance pour le développement de l'agriculture(S.I.P.). Arrive la deuxième guerre mondiale, Matsoua s’engage à nouveau dans l’armée. Rendu responsable de mouvements de protestation du pays Lari, il est encore arrêté, condamné aux travaux forcés, et il meurt en captivité en janvier 1942. Son inhumation discrète va renforcer sa légende. Il n’est pas mort, mais a rejoint le général de Gaulle.


En 1945 les territoires d’outremer selon les nouvelles législations, doivent élire leur représentant à l’assemblée constituante française. Toujours convaincus que Matsoua est vivant les "amicalistes" du Congo votent pour lui. L’administration confiera la tâche au candidat arrivé en deuxième place. En 1953 lorsque de Gaulle doit venir à Brazzaville, Matsoua l’accompagne (parait-il). Il faut dire que si la légende à la vie dure, elle est aidée par des profiteurs qui demandent à leurs compatriotes de se cotiser pour payer le voyage retour du revenant. Cette fois il faut se rendre à l’évidence, Matsoua est bien mort, mais ses amis sans doute en panne de projets politique, vont détourner l’objet de l’amicale pour le transformer en une nouvelle église.
 

La nouvelle église matsouaniste

Matsoua
Prier devant un parterre de fleurs recouvert de bougies allumées pour demander conseil à Nzambi le dieu unique du panthéon Kongo semble être le signe distinctif de cette église. La croix chrétienne y est conservée parmi les symboles mais elle est insérée entre les branches d’un « V » en souvenir de la victoire des gaullistes de la France libre. Ce choix n’est pas anodin et il témoigne de l’existence en pays Lari (ethnie de la région de Brazzaville), d’une étroite relation et même d’une identification de la figure de Matsoua à celle du général de Gaulle. Ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté. Au Congo certaines tribus de la région de Brazzaville rendent un culte à Ngol un fétiche à long nez coiffé d’un Képi à étoiles. Au Gabon et au Congo existe un culte appelé Eko-De Gaulle. En arrière plan de l’autel des églises matsouanistes on peut également remarquer le fameux « V » de la victoire imbriqué dans les branches d’une croix de Lorraine, le tout associé à des étoiles et des coqs.

Le matsouanisme prêche l’abandon des pratiques animistes, la suppression des fétiches et de la sorcellerie, et pour faire bonne mesure annonce l’apocalypse. Il engage ses adeptes dans un mouvement de désobéissance civique qui implique le refus d’avoir une carte d’identité, un passeport, refus de voter de se soumettre à un recensement et de payer des impôts, de demander des autorisations d’inhumation, de travailler dans les entreprises et les administrations, acceptant ainsi l’inactivité des hommes qui vivent aux dépens du travail de femmes et des jeunes.

Les corbeaux attendent le retour de Matsoua

Le mouvement est dirigé par un gouvernement central auquel participent les différentes tendances. Les corbeaux habillés de noir toujours en attente du retour de Matsoua, les pigeons qui estiment que Matsoua est toujours vivant, les amicalistes qui constituent l’administration du mouvement, les Ikouole qui croient que Jésus et Matsoua sont une seule et même personne, et enfin les bulamananga qui vénèrent le Saint Esprit et les prophètes africains (Kimpa Vita, Kimbagu..) et restent proche des croyances ancestrales africaines.

Le matsouanisme conserve son importance politique lors de l’instauration de l’autonomie des territoires et fera l’objet de tentatives de récupération en particulier celle de l’abbé défroqué amateur de soutanes dessinées par les grands couturiers parisiens, Fulbert Youlou, qui se prétendra être une réincarnation de Matsoua jusqu’à ce que de violentes échauffourées entre ses partisans et la matsouaniste mette un terme à l’aventure. Le matsouanisme s’est trouvé vampirisé par l’intervention de divers prophètes, escrocs ou simples hurluberlus. Mouvement associatif revendiquant à juste titre le droit pour les peuples à disposer d’eux-mêmes il s’est transformé en messianisme sous la pression des opportunismes et il a ainsi acquis notoriété et pérennité. Fait d’un mélange de rites ancestraux voués à la divinité animiste, de symboles chrétiens recyclés, et de revendications politiques le matsouanisme est un messianisme syncrétique mis au profit d’une cause politique et des ambitions d’une ethnie.

Cultes matsouanistes et ses avatars

Emmanuel N’ganga : Emmanuel N’ganga : Il se déclare grand pape du matsouanisme et fait édifier la cathédrale de N’Galoumbouna (1947)

N’Zougou et Koussakana : : Ils organisent le pèlerinage du « chemin de croix de Matsoua ». Ils veulent créer une église congolaise nationale vouée à Matsoua et reconstituer l’ancien empire du Kongo partagé entre trois colonisateurs.

Victor Blaise Wamba : Alias Wambert Saint Fieffé de Bacongo : Ancien vagabond il prétend avoir rencontré « spirituellement » mais à Paris (?) Jésus et Matsoua. Il va faire sa petite fortune en vendant à prix d’or (2500 Francs CFA) des manuels Dalloz et des Bibles qui lui auraient été confiés par Matsoua en personne (spirituellement). Il voulait que soit instauré un gouvernement dirigé par Matsoua.

Pierre Kinzonzi : Ex militaire compagnon de Matsoua et déporté au Tchad il fonde son église. Entouré de 12 apôtres ( six femmes, 6 hommes) il s’enferme dans sa case-église où il passe son temps à lancer des édits. Il extorque des fonds à ses fidèles pour financer les négociations diplomatiques de Matsoua avec de Gaulle. Il interdit d’avoir recours à la médecine et de prendre une carte d’identité sauf si elle est signée de Matsoua. Il veut lui aussi un gouvernement dirigé par Matsoua dont il serait ministre de la justice.

Prosper Koussankana : Son objectif est la création du grand Congo, mai il autorise que ses fidèles payent les impots et possèdent une carte d’identité.

Simon Zéphirin Lassy : Ex marin il entend les appels de Jésus en 1947. Il demande la destruction des fétiches, il désenvoute contre rémunération et soigne à l’eau bénite et aux prières. Il s’attaque aux missionnaires étrangers qu’il accuse d’avoir perverti le message de Jésus et demande que les hôpitaux soient boycottés. Le lassysme ou n’zambi-bougie et reconnu religion officielle en 1960.

M’Bemba et Massamba : Se prétendent fils de Matsoua. Ils annoncent la proximité de la fin du monde, et de l’urgence d’adhérer à l’église noire pour aller au ciel. Orphelins abonnés à la fréquentation des bars, ils passent au tribunal en 1948 pour escroquerie.

Simao Toko : Il donne naissance à la secte des Tokoïstes. Son histoire fourmille de légende relevant du pur délire affirmé comme vérité historique. Armée de nains surgissant à Kinshasa et rejetant le colonisateur. Chérubins et séraphins sont effectivement une secte d’origine nigériane et semblent avoir servi de support au conte, mais leur histoire ne mentionne pas les évènements de Kinshasa. Autre délire, Toko se fait découpé en rondelles par les pales d’une tondeuse qui revenant en arrière permet à son corps de se reconstituer, et ainsi de suite. Au fin du fin Toko serait en relation avec la révélation cachée du dernier secret de Fatima non révélé à ce jour et qui ferait de Toko le nouveau Jésus laissant apparaître la grande supercherie de ce Jésus blanc, mettant ainsi un terme au règne du Vatican.



Source : http://avatarpage.net
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