La Communauté de Bregbo

Albert Atcho
Prophète Albert Atcho
Le prophète Albert Atcho né en 1903 à Bingerville en Côte d’Ivoire n’est pas l’initiateur d’un nouveau culte mais se situe dans la continuité du mouvement harriste ivoirien. Si Harris fonde la pertinence de son église sur l’existence d’un mal dont la sorcellerie est une des causes, Atcho voit dans la maladie la manifestation physique de l’action de ce mal et met en place au sein de sa communauté un système de cure destiné à poursuivre et chasser la maladie, dont cette fois le diable est responsable. Nous assistons ainsi à un tour de passe-passe au moyen duquel l’ensemble insaisissable des forces hostiles animistes est transféré vers une entité anthropomorphisée et donc identifiable.

Comme nous n’arrêtons pas de le remarquer le fondement magique de la société africaine gangrène les rapports sociaux. Les compétitions perdues, les amours déçus, les pertes d’argent, l’échec en général ne sont jamais de la responsabilité des victimes mais découlent de l’action maléfique d’un tiers envieux et jaloux. Pour envoyer un mauvais sort il n’est pas nécessaire d’utiliser les services d’un sorcier, nos mauvaises pensées sont des incantations maléfiques qui agissent indépendamment de notre volonté. Nous arrivons en quelque sorte à cette colossale supercherie du péché par pensée, ce comble du sadisme culpabilisateur dont Saint Augustin lui-même disait en gros « comment ne pas pécher par pensée puisque qu’en voulant ne pas penser à ce qui est un péché je pense justement à ce à quoi je ne dois pas penser ».


Sur ce théorème d’un inconscient si fort qu’il est en mesure de dissimuler à chaque personne ses véritables désirs, Atcho construit une stratégie de la confession partant du principe qu’il faut extirper de chacun les sentiments nocifs conscients ou non qui sont à l’origine du mal et de sa manifestation physique la maladie.

Une mise en scène dramatique

Cette confession se déroule selon une mise en scène chargée de faire monter peu à peu l’effet dramatique. Des assistants commencent par recevoir les malades et leur demandent de confesser leurs fautes. Les pécheurs présumés livrent alors l’habituelle litanie des broutilles et peccadilles. Allons !!Allons ! Un petit effort, un péché c’est plus grave et il va falloir en lâcher plus. Le malade se déboutonne et avoue ses petites turpitudes, ses vices. Sûr, ce n’est pas bien, mais il n’y a pas encore de quoi damner un saint. Peu à peu le malade doit atteindre au cœur du sujet, celui qui touche la sorcellerie. A-t-il utilisé des charmes ou les services d’un sorcier. Il est de toute façon sommé de remettre tous ses fétiches ce qui peu inclure de simples horoscopes. Poussé à l’extrême le « coupable » doit enfin répondre à la grande question « ne serais tu pas le Diable ? ».

Il peut ne pas avouer être le diable, mais alors il soupçonné de « camouflage » . Dans ce cas le dernier recours pour l’inquisiteur est d’agiter la menace du passage devant le prophète qui lui verra tout. Ainsi après ces divers interrogatoires le suspect fera soit une confession ordinaire, soit une « confession diabolique » s’il reconnaît être un diable. Les confessions diaboliques sont posées sur le papier et indiquent la date, le nom du malade, son groupe ethnique, son village, son âge, son sexe, et sa religion. Une déclaration indiquant qu’il avoue publiquement être un diable, qu’il boit le sang humain et mange la chair humaine. Il devra en outre fournir la liste des personnes tuées avec les liens de parenté et totaliser le nombre de victimes en fin de citation. Il devra également produire la liste des associés ayant participé aux crimes et le nombre de personnes qu’ils ont tuées et enfin une liste des dégâts et méfaits, autrement dit des autres crimes et délits n’ayant pas entrainé la mort d’un tiers.

La cérémonie de confession

Le point d’orgue du cérémonial est la consultation avec le prophète qui a lieu autour de la table de consultation. Après quelques rituels de mise en route la confession écrite est lue par un commis devant le prophète qui en admet la véracité ou au contraire demande qu’elle soit complétée par ce qui a été caché (camouflé). Une fois que la confession est jugée sincère et complète le prophète accorde le pardon au nom de Dieu. Le malade ne sera autorisé à quitter Bregbo que lorsqu’il sera complètement guéri. Entretemps il sera soumis à une pénitence qui dépendra de l’importance de ses fautes et qui se traduira par des travaux d’intérêt généraux au profit de la communauté. Cette pénitence peut durer des années.

Pour les malades qui rechuteraient après leur départ a été organisé un « secrétariat d’entente de l’eau ». Dans les villages concernés sont désignés un chef de l’eau qui doit être « validé » par la communauté de Bregbo. S’il est accepté il devient distributeur de l’eau et possède la « cuvette » qui lui permet de donner les mêmes soins qu’à Bregbo, mais il n’a pas le droit de préparer l’eau de Mbitiro (eau plus racine de saponacé) qu’il doit aller chercher dans la communauté Bregbo. Cette eau fait partie des rituels journaliers que doivent accomplir les malades résidents à Bregbo au lieu dit la « cuvette », rituels qui suivent généralement le passage à la « pharmacie » où leur sont donnés les traitements médicamenteux fournis par les hôpitaux ou les traitements traditionnels, gouttes, poudres d’écorces, feuilles, infusions, potions.

Comme on le remarque là encore la volonté d’émanciper les communautés des influences de la sorcellerie et des fétiches se doit en quelque sorte d’utiliser des méthodes apparentées à ces mêmes rituels de magie ou contre-sorcellerie. Comme nous l’avons remarqué ailleurs le message a plus de chance d’être reçu s’il fait du guérisseur un magicien porteur d’une nouvelle magie, celle du christianisme en l’occurrence, plus puissante que celle des ancêtres.



Source : http://avatarpage.net
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