Le Sîmorgh

illustration Le Sîmorgh
Animal de légende et figure centrale du Shâhnâmeh de Ferdowsi, le Sîmorgh est un oiseau mythique que l’on retrouve à différentes périodes de l’histoire de la Perse, ainsi que dans de nombreux récits mystiques, même si sa forme et sa fonction ont subi certaines transformations au cours des siècles.

De grandes figures mystiques telles que Farid-ed dîn Attâr, Avicenne ou Sohrawardî lui ont réservé une place de choix dans leurs récits initiatiques. Il peut également être rapproché de certains oiseaux fabuleux présents dans les cultures asiatiques et bouddhiques, et partage de nombreux traits communs avec le Phénix de la mythologie égyptienne, où le mort-ressuscité se transforme en phénix et devient l’âme d’Osiris, et il est repris par la tradition chrétienne.
 

Aujourd’hui, il demeure une source d’inspiration pour de nombreux écrivains et artistes, démontrant ainsi le caractère inépuisable de ses significations et son rôle central en tant que support d’une réflexion philosophique concernant la nature même de l’homme.

Au cours du voyage des 30 oiseaux si-morgh, ils arrivèrent au sommet de la montagne et virent le Sîmorgh spirituel, ils le contemplèrent et surent qu’eux aussi étaient Sîmorgh (divin). C’est ainsi que le mystique parvient à l’union lorsque son propre être s’est anéanti.

 

Naissance d’un oiseau mythique

Les textes anciens retrouvés concernant cet oiseau mystique ne nous renseignent pas sur sa véritable origine, ni sur sa première apparition sous forme littéraire. D’un point de vue étymologique, le nom Sîmorgh serait issu du pahlavi Senmurv et du pazand Sîna-Mrû, qui a leur tour viennent de l’avestique mərəγô Saênô ou « l’oiseau Saêna », décrit comme étant une sorte de rapace ressemblant à l’aigle ou au faucon. Cette expression viendrait elle-même du sanskrit syenah, désignant une sorte d’aigle ou d’épervier.

Cependant, les contes traditionnels persans et notamment le fameux récit d’Attâr que nous allons évoquer ont souvent joué sur le sens du préfixe "si-" signifiant « trente » en persan, pour alléguer qu’il serait aussi grand que trente oiseaux réunis – « morgh » signifiant « oiseau » –, ou encore que son plumage comporterait trente couleurs.

Si l’on suit les légendes iraniennes, le Sîmorgh aurait vécu assez longtemps pour assister trois fois à la destruction du monde. En outre, sa longue existence lui aurait permis d’accéder à la connaissance de toutes les époques et, dans certains récits mystiques, aux hautes connaissances théosophiques. Selon d’autres récits, il vivrait jusqu’à 1700 ans avant de se consumer dans les flammes pour renaître ensuite de ses cendres sous la forme d’un nouveau Sîmorgh.

Le Sîmorgh dans la littérature persane

Dans la littérature persane et dans les diverses œuvres artistiques où il apparaît, il a souvent pris la forme d’une créature ailée ressemblant à un paon pourvu de longues griffes et à la tête tantôt humaine, tantôt animale. Il serait une sorte de mammifère femelle, étant donné qu’il est parfois mentionné qu’il allaite ses petits. Ses plumes sont couleur cuivre ou pourpres. Il fait preuve d’une hostilité déclarée envers les serpents, et habite généralement dans un endroit aquatique.

Dans les anciens écrits pahlavis, il est indiqué qu’il résiderait sur un arbre guérisseur appelé « vispubish » ou « harvisp tokhmak » qui porterait les graines de toutes les plantes existantes. En outre, l’Avesta nous apprend que cet arbre est situé dans la mer de « varoukâshâ », également appelée « farâkhkart ».

De nombreux récits mystiques chiites allèguent quant à eux que son nid se trouverait au sommet de l’arbre Tûbâ – l’arbre de la connaissance – situé au cœur de la montagne de Qâf se trouvant elle-même au sommet du Malakût, monde imaginal et terre des événements mystiques de l’âme.

Enfin, il est parfois dit que la secousse provoquée par son envol fait tomber de l’arbre Tûbâ toutes les graines de toutes les plantes du monde. Ces dernières prennent alors racine et se développent sur terre, fournissant aux hommes des remèdes contre leurs maladies. Par conséquent, le Sîmorgh est parfois considéré comme étant un symbole de la fertilité ou un médiateur entre le ciel et la terre.

Le Sîmorgh dans l’histoire de l’Iran

L’existence de cet oiseau légendaire semble remonter à la Perse antique, étant donné qu’il est mentionné à plusieurs reprises dans l’Avesta (où il y apparaît sous le nom de مرغوسئن, sorte de faucon) ainsi que dans de nombreuses œuvres en pahlavi. Il figure également sur des monuments historiques de l’époque sassanide, notamment sur de nombreux bas-reliefs datant de cette période. De plus, il pourrait avoir été un emblème officiel de cette dynastie, étant donné que certaines représentations du bas-relief ouest du mur d’Afrasyâb à Samarkand mettent en scène un roi portant l’emblème du Sîmorgh sur son vêtement, à l’instar de Khosro Parviz sur le bas-relief de Tâgh-e Bostân. De nombreuses autres représentations de cet oiseau ont été retrouvées sur divers objets tels que des vêtements, des mosaïques ou de la vaisselle de cette même époque. Il apparaît également à plusieurs reprises dans l’art médiéval arménien et byzantin.

Influences contemporaines

En Occident, le motif de l’oiseau fabuleux a été repris dans de nombreuses œuvres littéraires et artistiques. Le Sîmorgh est présent dans La Tentation de Saint Antoine de Flaubert (1877) et constitua l’objet de nombreux écrits de l’iranologue Henry Corbin. On le retrouve également dans de multiples jeux vidéo et mangas. Plus récemment, l’épopée d’Attar a inspiré des ouvrages tels que Le Sîmorgh de Christian Charrière ainsi que le dernier roman de l’écrivain algérien de langue française Mohammed Dib.

Le Simorgh est apparu dans Final Fantasy X et Final Fantasy XI de Square Enix en tant qu'ennemi. Il figure également dans le film Azur et Asmar.

Dans le 7e opus du jeu vidéo Heroes of Might and Magic, le Simorgh est le champion d'une des factions, l'Académie. Il ressemble à un phénix bleu à tête d'Horus.

Le Sîmorgh offre ainsi un bel exemple de la continuité de certaines figures légendaires de la Perse antique ayant « renaquit » de leurs cendres pour trouver de nouvelles significations dans le monde contemporain.

Ce texte a été publié par la Revue de Téhéran, mensuel culturel iranien en langue française
http://www.teheran.ir/spip.php?article242


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