La Pocomania jamaïquaine

Danse Pocomania
En Jamaïque les cultes religieux provenant d'Afrique se caractérisent par le chant, la danse, la possession d'esprit et les transes. Au milieu du XXe siècle est apparut le terme de Pocomania (ou Pukkumina). C'est probablement une altération d'un terme africain mélangé avec de l'espagnol. Mais le mot Pukkumina n'est pas sans rappeler celui de Kumina. Cette dernière est une religion afro-jamaïcaine pratiquée dans la paroisse de St. Thomas où les esclaves venant du Congo avaient été rassemblés pour travailler dans les plantations. Ayant connaissance de l'existence de la Kumina il n'y a qu'un pas à faire pour imaginer que d'autres cultes aient vu le jour dans d'autres bourgades de Jamaïque. Le Pukkumina serait l'un d'eux.

Mais à l'opposée de la Kumina, la Pukkumina intègre également des rituels de guérison et une science avancée de l'herboristerie. Comme par hasard, c'est exactement ce qui se rencontre dans la Myal. Elle-même se caractérise aussi par une danse de possession : la danse du Myal. Peut-on alors dire que Pocomania et Myal sont une seule et même pratique ?

On pourrait le faire si la Pocomania n'incorporait pas également des éléments venant d'une autre religion pratiquée dans les Caraïbe : la religion Obeah.

 

Comment définir la Pocomanie ?

Le terme de Pocomanie est typiquement français. Il est formé de l'assemblage des termes « Pukkumina » et du suffixe d'origine grecque « manie » qui signifie passion, obsession et étymologiquement, littéralement de « folie ». En effet, « mania » désignait la folie en grec ancien.

La Pocomanie est parfois surnommée « Span » ou encore « petite folie ». Le terme de « Span » fait référence à la capacité de concentration que manifestent les adeptes pour entrer en possession, en transe. Ils sont alors comme sous l'emprise d'une folie.

Mais cette interprétation n'est que la vision européenne d'un culte d'origine afro-jamaïcaine issus de formes survivantes de religion africaine mélangées (on parle d'un syncrétisme) avec des éléments protestants apparus lors du grand renouveau de la Jamaïque dans les années 1860.

Il est préférable d'utiliser le suffixe « mina », comme dans la Kumina ou encore la Tambor De Mina. En effet, Mina est également le nom donné à toute la côte africaine située à l’Est du Fort Mina, au Ghana, dont beaucoup d'esclaves provenaient. Arrivés dans les Amériques, il y avait une assimilation au port d’embarquement dont les esclaves provenaient. Il était de coutume d’appeler les esclaves en fonction de leur port d’embarquement, comme c'est le cas pour les Kromanti qui provenaient Fort-Kormantin. Les esclaves provenaient de différentes ethnies mais ils étaient tous rassemblés dans un même fort avant d'être déportés. Ensuite, ceux qui arrivaient Fort-Kormantin étaient tous appelés des Kromanti et ceux qui venaient de Fort Mina étaient les Minas. On retrouve ce suffixe de Mina dans de nombreux cultes syncrétiques.

Le grand renouveau de la Jamaïque

La Jamaïque aurait connu un mouvement religieux appelé le grand renouveau (Revival) en 1861, qui a vu l'incorporation d'une culture beaucoup plus africaine dans le mouvement. Le renouveau est divisé en deux groupes, Zion et Pocomania. La Pocomanie est plus africaine sur ses formes alors que la mouvance Zion est plus orientée chrétienne. Ces deux groupes ont des différences très claires, en particulier avec leurs « prêtres » et le rôle qu'ils jouent. Dans la Pocomania, par exemple, le leader est toujours un homme connu comme « le Berger » pendant que dans le Zion, le leader peut être soit un homme, soit une femme. L'Homme s'appelle « Capitaine » alors que la femme s'appelle « Mère » ou « Madda ». Il y a aussi une différence dans leur musique et la forme de possession spirituelle.

La Pocomanie se présente sous la forme de petites « bandes » locales conduites par un « Capitaine », une « Mère » ou un « Berger » qui vit et règne sur le groupe. La Pocomanie regroupe aussi bien les cultes des ancêtres et le renouveau Zion et certains adhérents appartiennent même aux églises chrétiennes. Pour plus d'information, consultez l'article de wikipedia sur le mouvement rastafari. C'est ici (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_rastafari)

L'eau, la danse et la musique de recherche de l'âme

Poco Man Jam
La plupart des aires de pratique du culte contiennent également un bassin d'eau ou une grande cruche en terre cuite avec de l'eau. On dit que c'est la source de l'eau utilisée dans les rituels. En Pocomania, l'eau est considérée comme « la maison » de tous les prédicateurs qui officient avec de l'eau, par exemple la River Maid  et la Diver. Sur les trajets du groupe, chaque fois qu'une rivière est rencontrée, la danse de la River Maid est effectuée de manière à simuler les mouvements d'un nageur qui traverserait la rivière. The Diver  est une autre danse qui imite des actions comme la plongée.

Mais comme souvent en Jamaïque, la musique est omniprésente. On dit de la Pocomania qu'il s'agit de la musique de recherche de l'âme. La musique est la mélodie de l'âme, et c'est la forme unique de l'expression qui est comprise par chaque culture. Lorsque les gens chantent avec leurs cœurs, leurs esprits sont totalement absorbés dans la réalité la plus haute et la plus vraie, la conscience spirituelle qui se déploie en eux.
 

Différences entre Zion et Pocomania

En Pocomania, les « messes » se tiennent habituellement les dimanches soirs. L'autel est recouvert avec des fruits, des boissons, du pain, des bougies et des légumes. Après la lecture biblique et les salutations des visiteurs, l'autel est « cassé » à minuit, la nourriture distribuée à tous les présents. Au contraire, dans le culte Zion, le jour de fête ne se tient jamais le dimanche. Les deux groupes combinent pourtant la lecture de la Bible, la prédication, le chant et le mouvement dans leurs rituels, invitant les esprits à participer à la cérémonie.

Une partie essentielle des réunions de Pocomania est le piétinement et les cymbales. Cela se produit après le passage de la lecture de la Bible et du chant. Les membres se déplacent autour du cercle, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, chacun en utilisant des mouvements d'inclinaison vers l'avant avec le corps courbé vers l'avant. Les chansons utilisées dans le renouveau varient habituellement en termes d'hymnes et de chœurs. Le « Revival » comprend également des chansons animées qui sont, selon les traditions locale, classées comme des chansons d'avertissement ou des chansons vides de sens. Le chant se déroule généralement au rythme des tambours. Ces tambours sont des tam-tams ou des tambours qui sont battus avec deux bâtons. Des tambourins peuvent également être secoués en rythme avec d'autres instruments tels que des cymbales.

Déroulement d'une messe Pocomania

Messe Pukkumina
On peut parfois entendre un son hypnotique tard dans la nuit alors que l'on est couché dans son lit. Il s'agit d'un son qui attire les gens comme par une énergie magnétique. On sera alors confrontés à un grand groupe de personnes qui chantent et dansent, tous garnis de blanc et portant des turbans. Certains semblent s'effondrer et sont pris dans les bras des autres chanteurs. En fait, ils sont entrés dans un état de transe, en proférant une langue inconnue.

Ces personnes chantent des chants spirituels de dévotion à l'âme la plus haute et la plus grande, sautent en l'air, battant rythmiquement les tambours et les tambourins. C'est tellement excitant que les simples spectateurs commencent à danser et à chanter avec eux, en oubliant qu'ils ne sont que des badauds incognito.

Les enfants ne sont cependant pas acceptés dans ces réunions de pratique du culte.

La Pocomania se tourne plus vers le côté africain des choses, ses services de style pentecôtiste ont une dette évidente envers les cérémonies de possession africaines. Les adorateurs relèveraient intérieurement, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, à de puissants liens intérieurs en respirant très profondément. Le trépignement entraînerait parfois la possession : la « petite folie » qui prête à l'église son nom.

A cette époque où l'homme est tellement absorbé dans sa vie matérielle, le moyen le plus simple de se rapprocher de la nature réelle de l'existence est la Pacomania.



 
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