Les faux souvenirs

Faux souvenirs
Notre mémoire se laisse bien plus facilement berner qu'on le croit. Les auteurs d'une nouvelle étude américaine assurent qu'il suffit de quelques suggestions pour réussir à fabriquer de faux souvenirs chez le commun des mortels.

Les chercheurs sur la mémoire Jacquie Pickrell et Elizabeth Loftus de l'Université de Washington ont divisé 120 sujets en quatre groupes. On a dit à ces personnes qu'ils allaient devoir évaluer une annonce publicitaire, remplir plusieurs questionnaires et répondre à différentes questions à propos de leurs voyages à Disneyland.

Certains furent soumis à la lecture d'une fausse publicité de Disneyland où il était question de Bugs Bunny. Environ un tiers des gens à qui on a montré la fausse publicité racontent ensuite comment ils ont rencontré et serré la main de Bugs Bunny. Ils disent qu'ils s'en souviennent ou affirment que cela leur est bien arrivé.

Le scénario décrit par l'annonce ne s'est pourtant jamais produit puisque Bugs Bunny est un personnage de dessin animé de la Warner Bros que l'on ne risque pas de croiser dans un parc de Walt Disney.

La chose la plus effrayante qui ressort de cette étude c'est qu'elle démontre à quel point il est facile de créer de faux souvenirs.

 

Le syndrome de la fausse mémoire

La mémoire est très vulnérable et très malléable. Les gens ne sont pas toujours conscients des choix qu'ils font. Cette étude met en évidence le pouvoir des évocations subtiles sur les souvenirs.

Un autre cas de fausse mémoire artificiellement induite est la « mémoire retrouvée » ou « syndrome des faux souvenirs ».

Apparu aux États-Unis au début des années 80, ce phénomène commence à apparaitre en France. Au cours d’une psychothérapie, des souvenirs traumatisants d’abus sexuels ayant eu lieu soi-disant durant l’enfance ressurgissent, vingt ans plus tard, à la mémoire. Pourtant, aucun de ces prétendus souvenirs d’enfance n’aurait existé avant le début de la thérapie.

Ainsi, les patients, certains d’avoir retrouvé la cause de leur souffrance interne, accusent leurs parents d’inceste. Il s'agirait bien d’une sorte d’acharnement thérapeutique consistant à retrouver à tout prix dans la mémoire des souvenirs grâce à des questions suggestives et à se focaliser activement sur la maltraitance et les abus sexuels.

Les psychothérapeutes

Des milliers de patients aux USA ont suivi une tentative de traitement par des psychothérapeutes pour des troubles de la mémoire inexistants. En conséquence, ces mêmes thérapeutes ont involontairement favorisé un trouble réel de la mémoire : le syndrome de la fausse mémoire (False Memory Syndrom, FMS).

Habituellement la thérapie se concentre sur la recherche de souvenirs d’un traumatisme de l’enfance qu’elle présente comme la cause des problèmes psychologiques d’aujourd’hui. Avec le temps ces « souvenirs retrouvés » deviennent de plus en plus bizarres et le patient devient de plus en plus dépendant de son thérapeute.

N'oublions pas que cette profession de psychothérapeute, ne doit pas être confondue avec celles de psychiatre et de psychologue, qui sont sanctionnées par des diplômes d’état. La psychothérapie ne dispose en France d’aucun diplôme dans le cadre officiel, si bien que n'importe qui, du jour au lendemain, peut apposer sur sa porte une plaque de psychothérapeute sans même avoir suivi une formation.

Parmi ces pseudo-thérapeutes il y en a, de plus en plus nombreux, qui ont pour postulat de base que « tous » les symptômes de leurs clients sont dus à un abus sexuel occulté. Nous sommes donc face à un système irrationnel, dogmatique et sectaire par son exclusivisme destructeur de familles et d’individus. Cette manipulation mentale est patente lorsque les soi-disant souvenirs d’abus remontent à l’âge de 1 à 3 ans. Ces thérapeutes croient que les enfants refoulent immédiatement tout souvenir de sévices sexuels peu après leur occurrence, les faisant disparaître de la mémoire sans laisser de traces. Ils essayent donc de « guérir » les troubles de leurs patients en les engageant dans une thérapie de « mémoire retrouvée » (Recovered Memory Therapy, RMT), un kaléidoscope de techniques qui diffèrent chez chaque thérapeute. Le but de cette RMT est de permettre au patient de ramener à la conscience des souvenirs parfaitement exacts d'un ancien traumatisme sexuel.

La fausse mémoire retrouvée

En réalité, la RMT produit des fantasmes dérangeants qui sont incorrectement perçus par le patient et incorrectement interprétés par le thérapeute. Faussement appelés Mémoire Retrouvée (RM) par le thérapeute et le patient, ce sont en réalité des Fausses Mémoires (FM).

Certains thérapeutes RMT interprètent abusivement des maladies psychologiques communes comme des signes de sévices sexuels subis durant l'enfance. Dans leur zèle à retrouver des souvenirs, ils négligent toute explication alternative des maladies de leur patient. Les thérapeutes RMT ignorent ce principe psychologique de base que tout patient est influençable, et que les patients en détresse qui viennent chercher une psychothérapie sont particulièrement enclins à adopter les croyances et les partis pris de leur thérapeute.

Les thérapeutes RMT ne se donnent généralement pas la peine de vérifier les « souvenirs retrouvés » en interrogeant des tiers, ou en consultant les dossiers pédiatriques ou scolaires. Certains d'entre eux expliquent que s'ils ne vérifient pas les allégations sérieuses qui surgissent de la RMT, c'est parce que leur travail consiste seulement en ce que leurs patients se sentent « en sécurité » et guérissent.

Implantation d'idées d'abus sexuels durant l'enfance

Les chercheurs Loftus et Ketcham prétendent que, souvent, l'hypothèse d'un abus sexuel oublié est carrément implantée dans l'esprit de patients dont le thérapeute est convaincu que tel symptôme relève d'un abus sexuel précoce et refoulé. Loftus et ses collaborateurs présentent des vignettes de personnes qui, dès les premières entrevues se voient offrir l'interprétation suivante :

Votre mal est dû à un inceste dont vous avez refoulé le souvenir.  

En règle générale, les patients résistent à cette interprétation dans un premier temps. On connaît le cas de la journaliste de CNN qui, pour préparer une émission sur le sujet, se présente chez une thérapeute en se faisant passer pour une personne souffrante. Dès la seconde séance, la thérapeute déclare à la pseudo-patiente qu'elle avait sans aucun doute refoulé le souvenir d'un inceste et que la thérapie allait avoir pour but de faire émerger ce souvenir afin que les symptômes du refoulement puissent se résorber. La journaliste niant formellement l'existence d'un abus passé dut faire face à l'insistance de la thérapeute sûre de son diagnostic (Loftus & Ketcham, 1994).

Ces dernières années, il y a eu un grand nombre de procès résultant d'une RMT, avec des enfants adultes attaquant un ou plusieurs membres de leur famille. Même dans les cas où leur cause est perdue, les plaignants restent persuadés que leurs souvenirs retrouvé sont vrais. Il y a un nombre croissant de femmes qui reviennent sur leurs faux souvenirs et intentent des procès à leur thérapeute pour faute professionnelle.

Les théories de Freud

Le même problème avait déjà surgi avec les 1ères analyses psychanalytiques menées par Freud lui-même. La thèse qu'il avait développée se fondait massivement sur sa conviction de n'avoir été personnellement pour rien dans le fait que ses patients avaient « inventé » des souvenirs de scènes sexuelles supposées plus ou moins traumatisantes avec des adultes ou avec des enfants plus âgés. Pourtant les textes de l'époque, notamment les Études sur l'hystérie, montrent on ne peut plus clairement à quel point Freud, convaincu de la justesse de ses théories, influençait massivement ses patients.(En témoigne, parmi tant d'autres exemples, l'acharnement forcené avec lequel il mène manu militari l'interprétation du rêve de l'Homme aux Loups pour aboutir, à la force du poignet, à « reconstituer » la vision d'un coït.) S'étant mis hors de cause dans la production de ces faux souvenirs, il ne lui restait plus qu'à inventer une théorie ad hoc pour les expliquer.

L'Association Psychiatrique Américaine (APA) a donc mis en garde sur le fait qu'il n'y a aucun moyen d'établir la véracité des accusations provoquées par une RMT en l'absence d'évidences objectives.

En 1994, en Australie, une association de psychologues dénonçait le risque de suggérer des souvenirs. En 1997, le Royal College of Psychiatry engage les psychiatres anglais à « éviter de recourir à toute technique de réactivation des souvenirs basée sur l’hypothèse de violences sexuelles anciennes dont le patient a perdu le souvenir » car elles posent 2 problèmes :
- Accroître le risque de suggestion.
- Amener le patient à croire fermement à la véracité de ces faux souvenirs induits par la thérapie.

D’autres déclarations ont invité les thérapeutes à suivre leurs patients au lieu de les précéder, à n’exercer aucune pression sur eux.

Tout cela montre à quel point nos souvenirs sont peu fiables et à quel point ils peuvent être encombrés par des reconstructions totalement artificielles... issues de nous même ou des autres.

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